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Le corbeau – Edgar Allan POE- Traduction de Stéphane MALLARME

Posté par leblogdegaudius le 14 août 2014

J’aimerais vous faire partager une vidéo sur un poème d’Edgar Allan Poe: « Le corbeau ». C’est un magnifique travail élaboré par Fred DAREVIL. Laissez-vous imprégner par l’ambiance sonore, et porter par les mots, l’intonation, le débit, plongez dans les affres d’une âme tourmentée si bien rendues par une voix inspirée. (si vous êtes intéressés par d’autres vidéos de ce style, je vous mets le lien de sa chaîne: http://www.youtube.com/user/FredDarevil)

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Vous pouvez également suivre la traduction de Stéphane MALLARME ci-dessous

Une fois, par un minuit lugubre, tandis que je m’appesantissais, faible et fatigué, sur maint curieux et bizarre volume de savoir oublié — tandis que je dodelinais la tête, somnolant presque : soudain se fit un heurt, comme de quelqu’un frappant doucement, frappant à la porte de ma chambre — cela seul et rien de plus.

Ah ! Distinctement je me souviens que c’était en le glacial Décembre : et chaque tison, mourant isolé, ouvrageait son spectre sur le sol. Ardemment je souhaitais le jour — vainement j’avais cherché d’emprunter à mes livres un sursis au chagrin — au chagrin de la Lénore perdue — de la rare et rayonnante jeune fille que les anges nomment Lénore : — de nom pour elle ici, non, jamais plus !

Et de la soie l’incertain et triste bruissement en chaque rideau purpural me traversait — m’emplissait de fantastiques terreurs pas senties encore : si bien que, pour calmer le battement de mon cœur, je demeurais maintenant à répéter « C’est quelque visiteur qui sollicite l’entrée, à la porte de ma chambre — quelque visiteur qui sollicite l’entrée, à la porte de ma chambre ; c’est cela et rien de plus. »

Mon âme devint subitement plus forte et, n’hésitant davantage « Monsieur, dis-je, ou Madame, j’implore véritablement votre pardon ; mais le fait est que je somnolais et vous vîntes si doucement frapper, et si faiblement vous vîntes heurter, heurter à la porte de ma chambre, que j’étais à peine sûr de vous avoir entendu. » — Ici j’ouvris, grande, la porte : les ténèbres et rien de plus.

Loin dans l’ombre regardant, je me tins longtemps à douter, m’étonner et craindre, à rêver des rêves qu’aucun mortel n’avait osé rêver encore ; mais le silence ne se rompit point et la quiétude ne donna de signe : et le seul mot qui se dit, fut le mot chuchoté « Lénore ! » Je le chuchotai — et un écho murmura de retour le mot « Lénore ! » — purement cela et rien de plus.

Rentrant dans la chambre, toute mon âme en feu, j’entendis bientôt un heurt en quelque sorte plus fort qu’auparavant. « Sûrement, dis-je, sûrement c’est quelque chose à la persienne de ma fenêtre. Voyons donc ce qu’il y a et explorons ce mystère — que mon cœur se calme un moment et explore ce mystère ; c’est le vent et rien de plus. »

Au large je poussai le volet ; quand, avec maints enjouement et agitation d’ailes, entra un majestueux Corbeau des saints jours de jadis. Il ne fit pas la moindre révérence, il ne s’arrêta ni n’hésita un instant : mais, avec une mine de lord ou de lady, se percha au-dessus de la porte de ma chambre — se percha sur un buste de Pallas juste au-dessus de la porte de ma chambre — se percha, siégea et rien de plus.

Alors cet oiseau d’ébène induisant ma triste imagination au sourire, par le grave et sévère décorum de la contenance qu’il eut : « Quoique ta crête soit chenue et rase, non ! Dis-je, tu n’es pas pour sûr un poltron, spectral, lugubre et ancien Corbeau, errant loin du rivage de Nuit — dis-moi quel est ton nom seigneurial au rivage plutonien de Nuit. » Le Corbeau dit : « Jamais plus. »

Je m’émerveillai fort d’entendre ce disgracieux volatile s’énoncer aussi clairement, quoique sa réponse n’eût que peu de sens et peu d’à propos ; car on ne peut s’empêcher de convenir que nul homme vivant n’eut encore l’heur de voir un oiseau au-dessus de la porte de sa chambre — un oiseau ou toute autre bête sur le buste sculpté, au-dessus de la porte de sa chambre, avec un nom tel que : « Jamais plus. »

Mais le Corbeau, perché solitairement sur ce buste placide, parla ce seul mot comme si, son âme, en ce seul mot, il la répandait. Je ne proférai donc rien de plus : il n’agita donc pas de plume — jusqu’à ce que je fis à peine davantage que marmotter « D’autres amis déjà ont pris leur vol — demain il me laissera comme mes Espérances déjà ont pris leur vol. » Alors l’oiseau dit : « Jamais plus. »

Tressaillant au calme rompu par une réplique si bien parlée : « Sans doute, dis-je, ce qu’il profère est tout son fonds et son bagage, pris à quelque malheureux maître que l’impitoyable Désastre suivit de près et de très près suivit jusqu’à ce que ses chansons comportassent un unique refrain ; jusqu’à ce que les chants funèbres de son Espérance comportassent le mélancolique refrain de « Jamais — jamais plus. »

Le Corbeau induisant toute ma triste âme encore au sourire, je roulai soudain un siège à coussins en face de l’oiseau et du buste et de la porte ; et m’enfonçant dans le velours, je me pris à enchaîner songerie à songerie, pensant à ce que cet augural oiseau de jadis — à ce que ce sombre, disgracieux, sinistre, maigre et augural oiseau de jadis signifiait en croassant : « Jamais plus. »

Cela, je m’assis occupé à le conjecturer, mais n’adressant pas une syllabe à l’oiseau dont les yeux de feu brûlaient, maintenant, au fond de mon sein ; cela et plus encore, je m’assis pour le deviner, ma tête reposant à l’aise sur la housse de velours des coussins que dévorait la lumière de la lampe, housse violette de velours dévoré par la lumière de la lampe qu’Elle ne pressera plus, ah ! Jamais plus.

L’air, me sembla-t-il, devint alors plus dense, parfumé selon un encensoir invisible balancé par les Séraphins dont le pied, dans sa chute, tintait sur l’étoffe du parquet. « Misérable, m’écriai-je, ton Dieu t’a prêté — il t’a envoyé, par ces anges, le répit — le répit et le népenthès dans ta mémoire de Lénore ! Bois ! Oh ! Bois ce bon népenthès et oublie cette Lénore perdue ! » Le Corbeau dit : « Jamais plus ! »

« Prophète, dis-je, être de malheur ! Prophète, oui, oiseau ou démon ! Que si le Tentateur t’envoya ou la tempête t’échoua vers ces bords, désolé et encore tout indompté, vers cette déserte terre enchantée — vers ce logis par l’horreur hanté : dis-moi véritablement, je t’implore ! Y a-t-il du baume en Judée ? — dis-moi, je t’implore. » Le Corbeau dit : « Jamais plus ! »

« Prophète, dis je, être de malheur ! Prophète, oui, oiseau ou démon ! Par les Cieux sur nous épars — et le Dieu que nous adorons tous deux — dis à cette âme de chagrin chargée si, dans le distant Eden, elle doit embrasser une jeune fille sanctifiée que les anges nomment Lénore — embrasser une rare et rayonnante jeune fille que les anges nomment Lénore. » Le Corbeau dit : « Jamais plus ! »

« Que ce mot soit le signal de notre séparation, oiseau ou malin esprit, » hurlai-je, en me dressant. « Recule en la tempête et le rivage plutonien de Nuit ! Ne laisse pas une plume noire ici comme un gage du mensonge qu’a proféré ton âme. Laisse inviolé mon abandon ! Quitte le buste au-dessus de ma porte ! Ôte ton bec de mon cœur et jette ta forme loin de ma porte ! » Le Corbeau dit : « Jamais plus ! »

Et le Corbeau, sans voleter, siège encore — siège encore sur le buste pallide de Pallas, juste au-dessus de la porte de ma chambre, et ses yeux ont toute la semblance des yeux d’un démon qui rêve, et la lumière de la lampe, ruisselant sur lui, projette son ombre à terre : et mon âme, de cette ombre qui gît flottante à terre, ne s’élèvera — jamais plus !

corbeau

Publié dans Discussion générale | 4 Commentaires »

Réfexions autour de … René DESCARTES

Posté par leblogdegaudius le 27 juillet 2014

Il y a quelques années, nous avons mené une réflexion commune à propos de René DESCARTES. On ne sait toujours pas avec certitude s’il fut lui-même un Rose-Croix ou s’il ne se contenta que de les fréquenter. Divers auteurs se sont penchés sur ce personnage finalement fort méconnu du public. Cet article ne prétend pas leur faire concurrence, mais il essaie bien humblement de présenter ce philosophe sous un autre jour et de présenter certains parallèles entre ses méditations et certains aspects de l’enseignement rosicrucien. Ce sont ces réflexions communes que je vous propose ici.

I/ QUELQUES DONNEES GENERALES A PROPOS DE RENE DESCARTES (1596-1650)

 

1) René DESCARTES est assez souvent jugé comme un matérialiste, un rationnel, un logique, un mécaniste. Etre cartésien, c’est symboliser la froideur. En fait, DESCARTES était à la fois un savant et un métaphysicien…souvent trahi, voire sacrifié pour certains. Il faut dire que, durant sa vie, René DESCARTES est toujours resté un homme très secret, difficilement localisable et qui faisait parfois des réapparitions soudaines: on le surnommait « le philosophe masqué ».

 

Pour les partisans de DESCARTES, réduire le philosophe au cartésianisme et à sa méthode, c’est bâtir une légende creuse. Ils ont plutôt la certitude que René DESCARTES a permis un nouveau « mode de philosophe », ce qui fait de lui le « père de la philosophie moderne »

 

2) Il existe un discours de la méthode COMPLET, comprenant plusieurs traités scientifiques (la dioptrique, les météores, la géométrie). Ces derniers en constituent le volant pratique. René DESCARTES occupe dans la métaphysique une place particulière, dans la mesure où il pose des questions essentielles sur la liaison possible ou non, entre l’ego et Dieu. DESCARTES place au centre de ses recherches l’ETANT sur le CONNAISSANT : COGITO(3) ERGO (2) SUM (1)

 

Pour René DESCARTES, l’ETANT comprend le sujet ne se résumant pas à un corps, mais comme une médiane où agit le composé âme-corps. Il n’existe donc pas de superposition de deux entités distinctes (âme et corps), mais bien une union substantielle:

Méthode de Descartes

Pour arriver à cette union, DESCARTES a écrit le Traité des Passions qui consiste en un chemin pour mieux conduire non seulement sa raison, mais aussi toute sa vie. La clef en demeure la maîtrise de ses passions: en faire bon usage pour atteindre à l’affectivité généreuse, car seule celle-ci aide à être plus heureux.

 

3) Ne pas confondre « METHODE et REGLE:

 

. la méthode est un moyen pour canaliser les actions humaines; le sujet peut agir: facilité;

. la règle est plus arbitraire, c’est une loi qui s’applique; le sujet est passif: contrainte.

 

4) Quelques éléments intéressants sur la biographie de René DESCARTES :

 

. Gravement malade dès les premiers mois de sa vie, sa mère mourut moins d’un an après sa naissance en mettant au monde un autre fils, lui-même décédé à 3 ans. René fut élevé par sa nourrice. Plus tard, il eut une fille= Francine, d’une servante=Hélène. Sa petite fille mourut à     5 ans de la scarlatine. Faut-il y voir des raisons suffisantes pour mieux comprendre le lieu de sépulture de DESCARTES=un cimetière en Suède pour « les enfants morts avant l’âge de raison». Par la suite, la dépouille de DESCARTES a subi beaucoup de violation (crâne dérobé). Cette dernière repose en 1′église de St Germain des Près.

 

. Comme René DESCARTES était de santé fragile très tôt, il lui fallait beaucoup de calme et de repos le matin. Souvent alité, ces temps de silence étaient propices à l’écriture : « une parenthèse où la pensée s’éclaircit ». René DESCARTES était aussi un esprit curieux et avide de concret: a décrit la structure d’un flocon de neige; a voulu construire une lunette pour mieux scruter la lune; a aimé anatomiser des viscères. Il existait donc une complémentarité nourrie entre solitude, discrétion, méditation ET curiosité, pratique et action:

 

« La philosophie que je recherche (..) est la connaissance des Vérités qu’il nous est permis d’acquérir par les lumières naturelles, et qui peuvent être utiles au genre humain »

 

. René DESCARTES était un être social, et un pédagogue: pour enseigner ses connaissances au plus grand nombre, DESCARTES a privilégie le français et non le latin, a utilisé une orthographe simplifiée et pratiquait des discours faciles à comprendre. Cette grande générosité lui était reconnue par tous.

 

II/ René DESCARTES, mystique méconnu ?

 

Tiré des « Méditations métaphysiques » coll. « Les intégrales de Philo/NATHAN »

 

Origine de l’œuvre:

 

René Descartes a été préoccupé de métaphysique bien avant d’écrire son « Discours de la méthode » en 1637 et ses « Méditations » en 1641.

Il a débuté ses travaux sur le sujet dès 1629, alors qu’il était en Hollande, dans la petite ville de FRANEKER, située sur le canal de LEEUWARDEN, au nord du Zuiderzee.

 

Inscrit à l’Université de LEEUWARDEN, il mène une existence quasiment monastique, hébergé dans un château délabré où un jésuite et un franciscain viennent dire la messe à domicile. Dans la solitude la plus complète, sans aucun autre ouvrage qu’une Bible et la « Somme Théologique » de Thomas d’AQUIN, il compose un petit traité de métaphysique, qu’il abandonnera par la suite pour se consacrer à l’optique. Cependant, cet ouvrage sera le point de départ de ses travaux métaphysiques ultérieurs.

 

Finalement, Descartes publiera en 1641, chez l’éditeur SOLY, en latin, ses « Méditations métaphysiques », traduites en français en 1647, accompagnées des objections et des réponses à ces mêmes objections.

 

Analyse et commentaire des « Méditations Métaphysiques » :

 

Les méditations sont au nombre de 6 :

 

La 1ère méditation porte des choses que l’on peut révoquer en doute.

 

Elle est consacrée à un doute volontaire et systématique. Descartes doute de ses sens, considérés comme trompeurs. Il décide de douter de tout ce qui se présentera à ses sens, volontairement, et invoque pour cela l’argument du rêve. De même, il doute de ses facultés et y oppose l’argument d’un Dieu trompeur qui va jusqu’à truquer les évidences intellectuelles, puisque la Volonté divine est toute-puissante et mystérieuse. Les vérités de la raison auraient pu être autres, après tout.

C’est le doute démesuré, hyperbolique qui devient métaphysique.

 

Il y ajoute l’existence d’un « Malin génie » tout aussi rusé, sorte de reprise, de duplicata du « Dieu trompeur », qui sera d’ailleurs aussi vite oublié qu’il avait été difficilement envisagé. Les raisons de douter sont trop subtiles et difficiles pour empêcher le retour en force des anciennes opinions et des préjugés.

 

Pour lutter contre ses préjugés, (tout ce qui est vraisemblable est vrai), il faut adopter un contre-préjugé (toutes mes opinions sont fausses), et l’hypothèse du malin génie l’aidera à chasser toutes ses anciennes opinions.

 

Si le doute de Descartes est si exigeant, s’il se veut sans concessions, c’est afin que la première vérité qui sortirait éventuellement de la suite de ses méditations soit une vérité elle-même incontestable et absolue, à la mesure du doute dont elle aura triomphé.

 

En pratiquant le doute méthodique, René Descartes nous montre comment les rosicruciens que nous sommes peuvent et doivent rester « de vivants points d’interrogation ». Le doute cartésien est un outil de travail destiné, comme il a été dit plus haut, à mettre à jour une vérité incontestable et absolue. Mais nul n’a poussé à ce point l’interrogation et l’ouverture d’esprit, car en fait, c’est aussi de cela qu’il s’agit.

 

C’est à ce travail de purification de tous nos préjugés qu’il nous faut nous atteler, afin de pouvoir laisser entrer en nous un jour ce qu’on pourrait appeler « la Vérité ». Il faut commencer par mettre de l’ordre dans nos pensées, et commencer par le plus simple, nos sensations. Dans le même temps, ce peut être un excellent exercice pour mieux comprendre le fonctionnement de nos sens objectifs. Ce sujet est d’ailleurs abordé dans nos monographies.

Comme nous pouvons le voir, Descartes est loin d’être une « vielle barbe du passé » et sa méthode est toujours actuelle.

 

La 2ème méditation traite de la nature de l’esprit humain.

 

Dans la 2ème méditation, Descartes continue le processus commencé dans la 1ère méditation. On doit douter avec énergie de ses sens, de son imagination et de sa mémoire. Or, il reste que tout trompés que nous soyons, nous sommes, nous existons; et nous devons donc tenir pour vraie cette proposition chaque fois que nous la prononçons ou la concevons dans notre esprit.

 

C’est le fameux « Cogito ergo sum, je pense donc je suis »,  du « Discours de la méthode »: « Le Grand trompeur ne saura jamais faire que je ne sois rien, tant que je penserai être quelque chose ». (Notons que dans cette 2e méditation, Descartes fait l’économie du « Je pense » pour se concentrer sur le « Je suis ».) C’est l’affirmation ontologique, l’affirmation de l’être, l’affirmation du sujet existant. Moi qui doute, je suis, j’existe.

 

Descartes sait donc qu’il existe, et qu’il est au moins sûr qu’il est « une chose qui pense », c’est à dire « une chose qui veut, qui entend, qui conçoit, qui affirme, qui nie, qui veut, qui ne veut pas, qui imagine aussi et qui sent »,  même si, pour le moment, il n’est pas certain que ce que je vois ou touche existe réellement. En résumé, la seule réalité indubitable est celle de l’esprit. L’existence du sujet pensant est plus certaine que celle du corps.

 

En affirmant ainsi l’importance de la pensée, René Descartes nous invite à nous pencher sur une de nos facultés majeures, à savoir la réflexion et ses processus de raisonnement, et de ce fait, à poursuivre notre recherche du « Connais-toi toi-même ».

Si nous étendons notre domaine de réflexion et essayons de faire abstraction du monde extérieur, nous découvrirons effectivement que notre conscience ne s’arrête pas à ses facultés objectives, et que d’autres processus entrent en jeu. Lesquels? Là aussi, révisons nos monographies.

 

La 3ème méditation nous amène à démontrer l’existence de Dieu.

 

Jusqu’à présent, nous n’étions sûrs que de notre existence, ignorant encore tout le reste. La terre, notre corps, ou du moins, l’idée de la terre, l’idée du corps se présentent à notre esprit; « idée » » devant être pris au sens de « représentation mentale ». Le problème est de savoir si des Etres extérieurs sont la source de ces représentations, ou si nous sommes nous-mêmes la source de ces idées (ou représentations), qu’elles nous semblent innées, comme le triangle, factices, (par exemple une chimère) ou de n’importe quelle réalité extérieure.

 

Pour résoudre la question, Descartes réfléchit à la nature des idées et emprunte ses termes à la philosophie scolastique (c’est à dire des écoles du Moyen-Age où l’on enseignait le système d’Aristote).

La réalité matérielle de l’idée, c’est ce dont elle est faite. L’idée est constituée par de la pensée, elle est d’étoffe mentale.

Sa réalité objective, c’est ce qu’elle représente simplement, tandis que sa réalité formelle, c’est l’être réel auquel peut-être elle renvoie.

Le problème cartésien est celui-ci: existe-t-il des idées dont le contenu représentatif me contraint de poser hors de moi une existence indépendante authentique, ou bien toutes mes représentations ne renvoient-elles en toute rigueur qu’à la seule réalité de mon être propre?

Ce dont nous sommes sûrs, c’est que toutes nos pensées attestent de la réalité de notre être. Mais peut-il exister quelque chose d’autre, ou bien le monde n’est-il que notre représentation?

 

Seule l’idée de Dieu, par sa simple réalité objective, c’est à dire par ce qu’elle représente, nous contraint à poser une réalité formelle extérieure à nous­-mêmes. Par cette idée de Dieu, entendons « une substance infinie, éternelle, immuable, indépendante, toute connaissante,  toute-puissante ».

Étant nous-mêmes substance, et une substance finie, nous n’aurions pas l’idée d’une substance infinie si elle n’avait été mise en nous par « quelque substance qui fût véritablement finie ».

 

Autrement dit, l’idée d’infini est une idée qui se trouve comme telle dans ma conscience et dont je ne puis,  moi-même être fini,  me considérer comme l’auteur. Quelle est la cause de ce moi fini qui a l’idée d’infini?

Je ne puis être la cause de moi-même, car dans ce cas, je me serais donné toutes les perfections dont j’ai l’idée.

Moi, si imparfait, qui ai cependant l’idée de perfection, je n’ai pu la recevoir que d’un Etre parfait qui me dépasse et qui est l’auteur de mon être.

Voilà donc Dieu démontré, et il s’agit d’un Dieu parfait, c’est-à-dire d’un Dieu qui est toute bonté. Le malin génie est exorcisé.

Un Etre parfait ne peut vouloir nous tromper : les évidences ne sont donc pas truquées et Dieu nous garantit la vérité de nos idées claires et distinctes.

Pour Descartes, la bonté de Dieu est avant tout la véracité divine. C’est un Dieu garantissant des vérités.

 

Il s’agit là non pas d’une évidence mathématique, qui a besoin d’être fondée et garantie, qui porte sur des objets, mais d’une évidence métaphysique et même ontologique, qui porte sur des êtres, qui s’impose à nous dans la découverte du cogito et de Dieu, et qui n’est pas du même ordre. Par ailleurs, l’évidence ontologique de la Perfection divine garantit les évidences mathématiques.

 

Un point important vient d’être abordé, que nous pourrions appeler « l’intuition de Dieu », et qui fait appel à la dimension spirituelle de l’être humain, voire, sa dimension mystique. Descartes avoue son incompréhension de l’infini de Dieu, se rapprochant de la conception d’inconnaissable, d’inaccessible à l’entendement, d’ineffable; saisi de vertige, il revient à un niveau humain et tente à partir de l’humain de prouver Dieu.

Ce Dieu n’est pas l’éternel absent. Il est au contraire l’agissant, ce qu’on pourrait tenter de définir comme « le Grand Architecte de l’Univers », le Créateur, qui a conçu, manifesté et animé la création selon des lois immuables et parfaites. Ces lois, aussi bien physiques que métaphysiques, il en est le garant, comme le fait entendre René Descartes.

Ceci devrait nous rappeler quelque chose…

 

La 4ème méditation traite du vrai et du faux.

 

Faisant suite à cette 3è méditation, se pose le problème du vrai et du faux, du bien et du mal, face à la véracité divine. Pourquoi le faux et l’erreur? Descartes observe que l’erreur n’est pas seulement une négation, mais aussi une privation, c’est à dire la négation d’un bien dû : je me trompe souvent sur des questions qui sont à ma portée et à propos desquelles je ne devrais pas me tromper. En fait, l’erreur vient de la conjonction de l’entendement, c’est à dire de la faculté de connaître, et de la volonté, ou du libre arbitre.

 

Si l’entendement; fini, mais parfaitement sain ne fait que proposer ses représentations au libre vouloir, c’est la volonté qui prend la responsabilité d’affirmer ou de nier. Cependant, la nature de la volonté n’est pas intrinsèquement imparfaite. C’est elle qui me fait connaître que je porte l’image et la ressemblance de Dieu.

L’erreur ne vient pas de la nature de mon vouloir, mais du mauvais usage que j’en fais, en prenant la responsabilité d’affirmer une idée qui n’est pas parfaitement éclaircie et distinguée.

Ce n’est pas délibérément, mais par précipitation dans notre zèle à faire le bien. Nous pouvons certes agir à l’aveuglette, tout aussi librement, mais il s’agit là d’un défaut dans la connaissance plutôt qu’une perfection dans la volonté.

 

En parlant de la volonté de Dieu, Descartes affirme qu’elle est « souverainement indifférente », et qu’aucune idée de bien et de vrai ne la prédétermine. Au contraire, la volonté humaine trouve les Vérités déjà créées et elle tend nécessairement vers le bien universel. Il en résulte que l’homme embrasse d’autant plus volontiers et d’autant plus librement le bon et le vrai qu’il les connaît plus évidemment, et que le fait de choisir indifféremment telle ou telle idée n’est que la manifestation de son ignorance ou du moins, de son doute. L’indifférence et la vrai liberté vont exactement en sens inverse, elles sont inversement proportionnelles.

 

Autrement dit, en faisant bon usage de son libre arbitre, l’homme progresse vers le bien, et il répond ainsi à son désir de faire le bien.

Dans cette 4ème méditation, René Descartes reconnaît que sa volonté, et même ses autres facultés lui viennent de Dieu, et cela doit nous rappeler la conception rosicrucienne de l’âme humaine et de l’Ame Universelle.

La grâce divine et la connaissance naturelle, affirme-t-il, loin de diminuer ma liberté, l’augmentent et la fortifient. L’erreur elle-même est instructrice puisqu’elle nous fait prendre conscience de notre imperfection et nous amène à y remédier.

Le libre arbitre, don de Dieu, est un des outils de l’évolution humaine vers la perfection.

 

La 5ème méditation aborde l’essence des choses matérielles et l’existence de Dieu.

 

Il n’est pas encore question de l’existence du monde et des choses, encore frappés par le doute cartésien, mais des essences, qui nous sont connues par des idées claires et distinctes, comme par exemple, l’idée d’un triangle, sujet abordé dans la 3ème méditation, ou d’autres figures géométriques qui s’imposent à nous avec évidence. Descartes, à ce propos, déclare que « lorsque je commence à les découvrir, il ne me semble pas que j’apprenne rien de nouveau mais plutôt que je me ressouviens de ce que je savais déjà auparavant ».

 

Rappelons que la vérité de ces essences géométriques, claires et distinctes, nous est déjà garantie depuis la 3ème méditation où il est démontré qu’il existait un Dieu et qu’il n’était pas trompeur.

 

Par l’exemple des idées mathématiques, Descartes déduit l’existence de Dieu par l’idée qu’il a de Dieu: de l’idée d’un Être souverainement parfait je peux déduire qu’il existe, car « un être souverainement parfait auquel il manque l’existence, c’est à dire auquel il manque quelque perfection » est une contradiction dans les termes.

Ainsi,  «je ne connais pas moins clairement et distinctement qu’une actuelle et éternelle existence appartient à la nature » de Dieu que « je connais que tout ce que je puis démontrer de quelque figure ou de quelque nombre appartient véritablement à la nature de cette figure ou de ce nombre ».

 

Contrairement à la 3ème méditation, qui part des effets pour rechercher la cause (ici, l’idée de Perfection amène à l’Etre parfait), la cinquième méditation considère l’idée de parfait à priori comme une essence mathématique sans s’interroger sur son origine, sur sa Cause.

L’idée de Dieu, c’est à dire l’idée d’infini que l’on trouve en nous n’est semblable à aucune autre. C’est la seule idée dont l’essence implique nécessairement l’existence. C’est la nécessité de l’existence de Dieu qui s’impose à nous, c’est une intuition, une expérience spirituelle.

 

Par extension, nous pourrions dire que cette idée de Dieu en nous donne naissance à tout le reste. Puisque Dieu est le Grand Architecte de l’Univers et qu’il est le garant de ses lois, ses lois sont inscrites en nous et nous y avons accès si nous tournons notre pensée vers elles, ce qui explique selon l’optique de Descartes, qu’on puisse sen ressouvenir.

 

Il ne s’agit pas là à proprement parler de réincarnation. Rien n’indique que René Descartes y souscrivait. On pourrait rapprocher cette notion de la Conscience Cosmique, ou des Archives Akashiques, en résumé, de tout ce qui rattache l’homme à l’Universel.

En démontrant Dieu selon un modèle mathématique, Descartes reprend-t-il à son compte l’ancienne affirmation: « Au commencement, Dieu géométrisa » ? Nous-mêmes, pourrions tenter de faire le lien, mais on ne peut préjuger ici de sa pensée intime. Il apparaît plus clairement que, d’après les méditations précédentes, on peut percevoir l’existence de Dieu aussi bien par la raison que par l’intuition; que l’une n’exclut pas l’autre et qu’elles peuvent très bien s’unir pour donner de très beaux fruits.

 

La 6ème et dernière méditation déduit l’existence des choses et traite de la réelle distinction entre l’âme et le corps de l’homme.

 

Si seule l’idée de l’Etre parfait implique son existence, celle des choses matérielles est à ce moment reconnue comme seulement possible, Dieu ayant évidemment « la puissance de produire toutes les choses que je suis capable de concevoir avec distinction ». C’est une réflexion sur la faculté d’imaginer qui nous fait conjecturer que l’existence des corps est probable.

L’imagination diffère de la faculté de comprendre. Selon Descartes, l’imagination demande un effort pour représenter matériellement, pour concrétiser une idée. Le pouvoir d’imaginer ne peut guère se concevoir que s’il existe quelque chose qui diffère de notre esprit.

 

Une réflexion sur la connaissance sensible et la confiance en la véracité divine, découlant de la 3ème méditation, nous invitent à conclure à la réalité des choses matérielles. Nous avons une idée claire et distincte de nous-mêmes, en tant que substance pensante, tandis que notre seule idée distincte du corps est celle d’une chose étendue.

Or, il nous arrive, contre notre gré, toutes sortes de sensations, d’émotions et de douleurs, et tout ce qui nous arrive par les sens nous amène à penser que notre mental n’en n’est pas le créateur. Et comme la cause ne peut en être imputée à Dieu lui-même, sous peine de tromperie, il faut en conclure que le monde et les corps existent.

 

Cependant, ils ne sont pas tels que nous les voyons, car les idées sensibles sont généralement confuses. Ni nos sensations, ni nos sentiments ne sont des connaissances objectives. Ils ont pourtant une valeur de signal et nous signifient de façon assez exacte ce qui nous est utile ou nuisible. Les sentiments et les désirs témoignent en tout cas de l’union de l’esprit avec le corps, et pas seulement le fait que l’esprit loge dans le corps, comme un pilote dans un navire. Si cette dernière proposition était la seule valable, l’esprit saurait par immédiatement ce qui est « déréglé » en l’homme alors que la sensation de douleur témoigne bien de l’union et du mélange de l’âme et du corps.

 

Cela dit, pour Descartes, cette union n’est vraie que pour l’homme seulement et ne peut être étendue à la nature. Son originalité et sa difficulté consiste en ce qu’il enseigne à la fois la réelle distinction entre l’âme et le corps, et leur union substantielle.

 

Dans les lettres à la princesse Elisabeth de 16431 (à qui il dédiera « Les passions de l’âme »), il résumera ses méditations ainsi, en « trois notions primitives »,  chacune ne devant être entendue que par elle-même.

 

Ainsi, l’âme dont l’essence est bien dégagée dans la seconde méditation, et qui est de penser (Descartes préfèrera nommer cette âme pensante mens, esprit, plutôt qu’anima.). Le corps se définit seulement par « la notion de l’extension de laquelle suivent celles de la figure et du mouvement ».

 

Enfin, la troisième notion fondamentale, c’est l’union de l’âme et du corps, laquelle ne relève ni de la métaphysique ni de la physique, mais essentiellement de l’expérience vécue.

 

Après un long périple, Descartes revient au point de départ. Il a démontré que Dieu a « la puissance de produire toutes les choses que je suis capable de concevoir avec distinction »,  et qu’il est de ce fait Omnipotent; il s’est basé sur son expérience de l’imagination pour concevoir l’existence du corps comme probable, il a examiné avec attention le fonctionnement de ses sens, à quelles sensations, émotions et idées ils donnaient naissance; et il a reconnu de ce fait qu’il n’avait pas plus de raisons de douter de l’existence du monde que de celle de Dieu.

Dans le même temps, il a expérimenté la dualité de sa nature, ce qui doit nous rappeler un certain axiome rosicrucien. Et si l’union de l’âme et du corps ne peut être étendue à la nature, c’est parce que la sensation qui vient de l’extérieur n’a pas en soi d’intentionnalité.

 

Autrement dit, il n’y a rien d’extérieur à l’homme; tout ce qu’il interprète n’est que l’image de ce qu’il perçoit. Ce n’est pas parce qu’il y a autour de soi un espace vide que cet espace est lui-même le vide. C’est la complexité de la nature humaine, à la fois corps et âme qui nous fait prendre conscience du monde et cette complexité (Descartes dit « complexion ») est un don de Dieu.

 

Conclusion:

 

Le texte des « Méditations métaphysiques » de René Descartes doivent éveiller un écho en nous et nous aider à mieux comprendre les enseignements rosicruciens. Cela ne devrait d’ailleurs pas nous étonner, car il est connu que Descartes a été un membre de la fraternité, ou du moins, en a été fort proche.

 

Son apport, aussi bien au domaine scientifique qu’au domaine philosophique, est considérable. Proposant un nouvel ordonnancement de la pensée, il aura eu une grande influence par la suite sur la société, notamment dans le siècle de Louis XIV, où l’absolutisme monarchique marque un retour à l’ordre après des années d’anarchie : ordre dans l’architecture, dans les arts, dans la vie sociale par exemple.

 

De même, puisque les enseignements rosicruciens vont dans un ordre croissant et méthodique, on pourrait dire que la démarche rosicrucienne est une démarche « cartésienne ».

 

Par sa soif d’absolu et de certitude, et par la rigueur de sa méthode, René Descartes nous aide à démontrer que toute démarche spirituelle n’est pas forcément synonyme de brumeux, de compliqué et d’irrationnel. Au contraire, il apporte un nouvel éclairage au vieil adage « Tout ce qui est en haut est comme tout ce qui est en bas » et rend intelligible aussi bien le monde matériel que le monde spirituel. Mystique méconnu, René Descartes est encore à découvrir.

 

Pour terminer cet exposé, voici un rapide aperçu de définitions et d’axiomes qui peuvent illustrer la pensée de Descartes:

 

-          « La substance que nous entendons être souverainement parfaite, et dans laquelle nous ne concevons rien qui enferme quelque défaut, ou limitation de perfection, s’appelle Dieu ».

 

-          « Aucune chose, ni aucune perfection de cette chose actuellement existante, ne peut avoir le Néant, ou une chose non existante, pour la cause de son existence ».

 

-          « Toute la réalité ou perfection qui est dans une chose se rencontre formellement, ou éminemment, dans sa cause première et totale ».

 

-          « Il y a divers degrés de réalité ou d’entité : car la substance a plus de réalité que l’accident ou le mode, et la substance infinie que la finie… »

 

-          « La volonté se porte volontairement, et librement (car cela est de son essence), mais néanmoins infailliblement, au bien qui lui est clairement connu …»

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Gaudius

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Vos contributions

Posté par leblogdegaudius le 23 décembre 2013

J’ai créé cette nouvelle page pour que vous puissiez y faire part de vos réflexions et j’y ai rassemblé ce que mes correspondants et mes amis on bien voulu partager avec vous et avec moi.

Bonne lecture à toutes et tous

Un cadeau merveilleux que m’a fait mon frère Point d’O Etoilé:

En ce premier jour d’hiver, à l’occasion du solstice, c’est un honneur et un plaisir pour moi de partager avec vous ce très beau texte venu du coeur.

UN PAS DE PLUS

Un pas de plus à la rencontre de l’autre,

Un pas de plus à la rencontre de soi,

Cette journée bénie d’hiver qui fut nôtre,

Fit de nous des chercheurs, des rêveurs et des rois.

Tout l’or du mystère est dans cette présence,

Tout l’or de la terre est dans un seul regard

Echangé simplement au cœur du silence,

La nature alentour semblant y prendre part.

Faut-il s’interroger, trouver une cause,

Plutôt que de laisser la vie s’exprimer ?

Au centre de la Croix repose la Rose

Que l’amour fait s’ouvrir et ne peut abîmer.

La lumière est là sur le flambeau de l’Etre,

Flamme rayonnante aux multiples couleurs.

Elle danse de joie, celle de voir naître,

Sous les voiles levés, la vérité du cœur.  

                                                    

                                               Fr. Point d’O Etoilé

Vos contributions 12-lux1-300x225

 

Je ne peux résister au plaisir de vous présenter la contribution d’un correspondant, Pierrot, et je vous laisse apprécier la beauté de ce texte

DANS LA BEAUTÉ DU MONDE

dans la beauté du monde
dans la beauté du monde
je marcherai

deux âmes sioux m’inondent
deux âmes sioux m’inondent

dans votre beauté du monde
France et Jean-René
je marcherai

suis devenu

un arbre qui marche
parce qu’il relève ses racines

un doux vieillard
qui le soir délasse ses bottines

une belle jeune fille
qui r’trousse sa jupe
parce qu’elle dessine

le bout d’ses doigts
dans la rivière

dejà fini
l’été d’hier

reste le canot de Jean-René
les fruits de France et sa bonté

sur leur galerie
de Notre-Dame de Montaubant

je me prépare pour l’hiver
tel un enfant

car mes deux ames sioux
ont fait de moi
un arbre-fou

comme le canot de Jean-René
sur la rivière Batiscan

comme les fruits de sa belle France
de Notre-Dame de Montauban

je traverserai
l’éternité
en marchant
la neige et le vent

Pierrot
vagabond céleste

http://www.enracontantpierrot.blogspot.com
http://www.reveursequitables.com

sur google,
Simon Gauthier, conteur, video vagabond celeste
http://www.simongauthier.com

merci
Pierrot

terre-282x300

 

Chers amis, j’ai l’honneur de vous présenter un article qu’un correspondant, Paul Moyne, a écrit en réponse aux lettres ouvertes de Serge Toussaint, que j’ai reprises sur mon blog.  Je salue l’érudition de l’auteur et je vous invite sans tarder à prendre connaissance de son article.

COMPRENDRE LE MONDE…

Comprendre le monde, nous voici face à une problématique beaucoup plus complexe que celle pressentie par les scientifiques, les philosophes et les théologiens depuis plus de deux siècles, ne serait-ce que parce que l’univers est un incommensurable ensemble de phénomènes de nature duale ; de ce fait, les réponses apportées aux interrogations qu’il suscite, imposent plus qu’hier, une très grande rigueur conceptuelle et sémantique.

Ainsi et par exemple, pour l’esprit en quête de causes primordiales, la cosmologie doit être considérée non pas comme la science des phénomènes cosmiques comme cela est communément compris, mais comme la science des phénomènes cosmiques reconnus et interprétés en prenant uniquement en compte leur essence physique car il s’avère qu’au monde physique est inexorablement associé un monde transcendant, notamment attesté par l’entité créatrice qui, animant tous les êtres, se reconnaît en l’homme sous le couvert du je (moi, ego, sujet, esprit).

Les cosmologues avec de seules considérations physico-chimico- mathématiques ne peuvent donc pas exprimer l’univers dans sa totalité (le Tout de l’univers) ; en d’autres termes, leurs théories bien que se voulant globalisantes ignorent le fondamental, le primordial !
Quant aux lois qui « permettent d’exprimer » la dynamique du phénomène de la vie et les comportements des êtres, elles ne sont pas différentes, dans leur nature, de celles : physiques, qui permettent d’exprimer la dynamique universelle.
A ce propos, vous avez noté notre insistance sémantique : qui « permettent d’exprimer », car évidemment, bien que cela ne soit jamais dit, les lois ne sont pas des opérateurs susceptibles de reconnaître, de juger, …, in fine, de décider et d’agir.

Argumentons ces remises en causes de vérités d’époques et de civilisations !

La suite sur ce lien:

http://leblogdegaudius.unblog.fr/?p=448

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La queste de Sire Olivier de Saint-Omer- texte intégral

Posté par leblogdegaudius le 13 juillet 2013

Pour votre plus grand plaisir, je vous livre le texte intégral de la Queste de Sire Olivier de Saint-Omer, en un seul tenant. C’est en fait le texte initial que j’ai scindé en plusieurs parties pour y ajouter la « saga du Professeur Mars-El ».  Revoici donc le texte original sans coupure. Entrez donc dans l’histoire et prenez plaisir à suivre:

La queste de Sire Olivier de Saint-Omer- texte intégral couverture-queste-sire-olivier-214x300

Oyez, oyez

Or donc, il arriva en ce jour du mois de Juin de l’an de grâce 1201 de notre Seigneur Jésus-Christ que le fier et noble bachelier Sire Olivier de Saint-Orner fut victime d’un enchantement et vit disparaître sur le coup ses armes et sa monture, et ce avant d’être armé chevalier.

Grandement en fut-il marri et nous, ses fidèles serviteurs en avions également le cœur navré.

Fort heureusement, le ciel veillait sur nous et une nuit, Notre Dame, la bonne Sainte Vierge lui apparut, lui enjoignant de ne pas désespérer et de se rendre diligentement en la bonne ville de Reims. Là, il devrait prouver sa valeur et montrer qu’il serait vraiment digne de devenir chevalier. S’il voulait retrouver ses armes, grandes épreuves devrait-il traverser et grands périls affronter.

Et c’est à nous, ses humbles serviteurs, que reviendrait le redoutable privilège de lui être et témoins, et compagnons d’armes pour servir le Grand Œuvre.

Ce fut vraiment grand honneur qui nous échut là, et nous nous mîmes en route sans plus tarder, en grand équipage et partîmes rejoindre notre bon sire qui nous avait précédés et qui était parti bien avant. Nous arrivâmes au bord de la ville. Quand il nous vit, il nous fit bon accueil.

- Grand merci à vous, nobles dames et gentils compagnons, fit-il, de m’accompagner dans ma queste. J’ai craint un moment de me retrouver seul et abandonné, mais Notre Dame vous a divinement inspiré en vous envoyant vers moi. Recueillons-nous un moment afin de la remercier et de solliciter son aide tout au long de notre parcours.

Nous nous recueillîmes donc un moment, puis Sire Olivier donna enfin le signal du départ:

- A présent, mettons-nous en route, car le jour s’avance.

En arrivant en bordure d’un palais, Sire Olivier aperçut une noble dame couronnée, qu’il salua fort courtoisement:

- Gente princesse, je vous salue. Puisse le ciel vous accorder bonne vie et place en paradis.

- Soyez-en remercié, gentil bachelier, répondit-elle en retour. Est-il quelque chose que je puisse faire pour vous?

- En vérité, madame, un méchant sortilège m’a privé de mon armure et de mes armes avant que je sois à même de servir notre Sire le Roi.

Une vision m’a conduit à vous et m’a assuré que vous pourriez me mettre sur la voie. Au nom de notre Seigneur Jésus Christ, je sollicite votre aide car me voilà dans le plus grand embarras.

- Noble bachelier, vous êtes celui qui devait m’être envoyé et je puis en effet vous aider. Mais avant cela, vous devrez être mis à l’épreuve et prouver votre valeur.

 - Gente dame, pour l’amour de notre Seigneur, j’endurerais mille morts. Parlez, et j’obéirai.

- Pour l’heure, vous devrez faire un choix qui engagera votre vie toute entière. Vos compagnons devront également se soumettre à l’épreuve. C’est seulement par la suite que vous pourrez continuer votre chemin. Etes-vous prêt?

- Je suis prêt, affirma-t-il.

Elle nous demanda également si nous étions prêts à suivre notre seigneur. Oui-­da, nous étions prêts et nous le criâmes bien haut et bien fort.

Alors, la princesse prit une paire d’éperons, ainsi qu’une bourse remplie de pièces d’or,  et les présenta à Sire Olivier.

Celui-ci était bien embarrassé et nous de même. Chacun s’interrogeait et interrogeait son compagnon. L’un était d’avis d’emporter la bourse et l’autre disait que c’était là diablerie et qu’on ne pouvait se fier à si belle figure. Cela donnait ceci :

- Voilà une bourse qui sera fort utile pour nos dépenses!

- Oui, mais n’y a-t-il pas là piège du Malin? Beaucoup se sont gâté l’âme par amour de l’or.

- Que ferait-on de ces éperons? Ce sont eux qui nous donneront à manger?

- Moi, je ne sais pas et j’attends de voir venir.

Notre voyage commençait bien! Comment bien conseiller notre bon sire avec des avis aussi contraires? Et la princesse qui lui tendait derechef la bourse et les éperons! Qu’allait faire Sire Olivier?

Finalement, après un instant de réflexion, il choisit les éperons.

La Dame couronnée acquiesça avec un large sourire:

- En vérité, noble bachelier, vous avez choisi sagement et vous avez fait preuve de discernement. Rares sont ceux qui ont su choisir entre richesse illusoire et richesse vraie. Cette bougette ne vous aurait fait que peu d’usage. Notre Sire le Roi sera bien secondé.

Mais il vous faut également de quoi harnacher votre monture. Aussi, je vous prie d’accepter cette lettre de change qui vous permettra de vous fournir auprès de l’armurier royal lui-même.

Elle lui tendit un parchemin et reprit :

- Vous pouvez continuer votre chemin, noble sire. Mais auparavant, allez donc remercier Notre Dame la Sainte Vierge en sa cathédrale, qui si bien vous conseilla et vous conseillera bien encore si vous tenez ferme.

- Et ainsi ferai-je, noble Dame. La paix soit avec vous. Mais avant de nous quitter, savez-vous où je pourrai trouver le reste de mes armes?

- Lorsque vous serez à la place du Roi, fit-elle, mystérieuse, un lion vous répondra.

 

Notre sire la salua respectueusement, puis nous fîmes tous procession pour aller remercier notre bonne Sainte Vierge. Trois fois nous fîmes le tour du dehors, puis trois fois du dedans, en entonnant des cantiques d’allégresse, nous laissant emporter l’âme par l’ambiance mystique de ce lieu sacré.

Mais l’heure du repas approchait et chez certains, messire Gaster se rappelait à leur attention. Nous entamâmes sans plus tarder les rôtis et les pâtés, ainsi que le bon pain de froment que nous avions emporté dans nos bagages, sans oublier de dire les grâces, et fîmes honneur aux barriques de vin qu’un compagnon eut la bonne idée d’emmener.

Phébus dardait ses rayons sur nous tandis qu’un oiselet guilleret nous régalait l’ouïe de sa mélodie enchanteresse. En vérité, nous étions bien, et notre repas bien garni commençait à faire ses effets. Déjà, certains dormaient benoîtement et se mettaient à ronfler. Mais l’heure s’avançait et il fallait reprendre la route.

L’un de nous demanda:

- Noble sire Olivier, n’est-il pas grand temps de repartir? Il nous faut trouver ce lion qui nous mettra sur la voie.

- C’est bien conseillé, compagnon, concéda notre sire. Allons, remettons-nous en chemin!

- Mais où est ce lion dont la dame nous a parlé?

- Te souviens-tu de l’énigme?

- Aller à la place du Roi. Au palais, donc. Mais y trouverons des lions? Notre Sire n’aime que les chiens. Peut-être sous le trône, qui sait? Il y a bien des lions sculptés, mais jamais on ne nous laissera commettre un tel sacrilège!

- Ta raison t’égare, mon bon. Place du Roi, c’est Place Royale. Quant au lion parlant que nous y trouverons, et bien… Advienne que pourra!

Péniblement, lourdement, nous nous remîmes donc en route. Après avoir fait bien du chemin, nous arrivâmes devant une fontaine. Voilà qui serait bien pour faire boire les chevaux. Devant elle se trouvait une femme, qui semblait attendre on ne sait quoi ou qui. Elle était richement parée et ne se gênait pas pour dévoiler ses « avantages ». Bien des yeux s’allumèrent, car nous avions compris ce qu’elle faisait ordinairement. Lorsqu’elle aperçut Sire Olivier, elle fit la plus gracieuse des révérences.

- Bonjour à vous, gentil bachelier, dit-elle dans un grand sourire. Belle journée, en vérité. Désirez-vous vous délasser? Je connais un endroit fort agréable, ma foi, ou de belles dames se feraient grande joie de vous accorder tout ce que vous désirez. Et si moi-même, je puis vous être agréable…

Sire Olivier ne répondit pas, car il était fort troublé. On l’aurait été à moins devant si charmant tableau. Mâtin la belle fille!

Notre Sire Olivier avait été formé à la dure école des armes et il avait trempé son corps et son esprit à toutes disciplines. Rarement avait-il eu l’occasion de goûter aux délices de la vie. On raconte même qu’il n’avait jamais connu femme ou pucelle. Et voilà qu’une fille folieuse lui tombait tel un cadeau du ciel. Grand prodige, en vérité. Allait-il enfin succomber? La donzelle avait un je-ne-sais-quoi qui chavirait l’âme et les sens.

La belle se faisait plus insistante:

- Allons, noble sire, vous n’allez pas faire l’affront de refuser mon hospitalité! Ma maison est accueillante et mes gens fort dévoués envers les braves et nobles soldats. Dites un mot, parlez, par la grâce de Dieu!

Après un moment, Sire Olivier prit une grande respiration:

- Dame, soyez remerciée pour votre hospitalité. Mais je ne puis accepter ce que vous m’offrez si … généreusement. En vérité, ce serait grandement offenser le Seigneur que d’offenser dame ou pucelle. Je devine qu’on vous a contrainte à exercer ce vilain métier. Parlez sans crainte, dites qui vous force. Au nom de notre Seigneur Jésus-Christ, je châtierai les coupables et vous rendrai votre honneur!

Dès lors, la belle changea complètement d’attitude. Comme par magie, d’autres vêtements la recouvrirent, lui donnant allure plus noble.

- Doux Sire, lui dit-elle enfin, point n’aurez besoin d’en arriver là, car ce que vous voyez là n’est qu’apparences et masques, et vous avez bien passé l’épreuve. Vous avez su domestiquer vos appétits sensuels et faire preuve de chasteté.

Vous avez prouvé que vous étiez digne de votre titre. En vérité, votre noblesse et votre grandeur d’âme m’ont touchée à ce point que je désire être à vous et à nul autre.

- Noble Dame, votre offre me trouble plus encore, mais je dois encore refuser. J’ai fait serment de ne point prendre épouse et de me consacrer à notre Seigneur et à Notre-Dame, Madame Marie.

J’en ai le cœur tout navré car j’éprouve pour vous un sentiment qui ne vient pas de la chair. Mon esprit en est tout exalté, comme si je touchais à la suprême félicité.

- Ce sont nos âmes qui ont communié. Et ce dont vous parlez s’appelle l’Amour. Un amour épuré, sincère et vrai. Un de ces amours terrestres qui touche à l’Amour Céleste.

- Dame, je vous serai fidèle à jamais. Mais je dois également respecter mon serment. Aussi, pourquoi ne pas nous lier par le serment du sang? Nous serons plus proches que frère et sœur, et nous resterons tous deux purs.

- Qu’il en soit ainsi!

Et ainsi fut fait. Sire Olivier et la Darne s’entaillèrent chacun le doigt et mélangèrent leur sang. Puis elle lui demanda d’attendre un moment et rentra dans une petite maisonnette, bien coquette et bien proprette. Elle en ressortit, portant un heaume et des jambières, ainsi qu’une épée qu’elle remit à notre Sire.

- C’était l’épée de mon père. Il a combattu vaillamment toutes les forces du mal et me l’a remise pour l’offrir au chevalier qui serait digne d’elle. Elle vous aidera à débarrasser notre bonne ville d’un brigand qui infeste nos rues et nous rend la vie dure.

-Madame, je jure de me montrer toujours digne d’elle et de votre confiance. Mais avant de repartir, je dois trouver un lion qui me mettra sur la voie. Où le trouverai-je?

La Dame l’emmena devant un lion de bronze, de l’autre côté de la fontaine.

- Voici votre lion, beau bachelier. Interrogez-le.

Comme notre sire n’y entendait goutte, elle reprit:

- Vous avez dompté votre lion intérieur, pour devenir vous-même un lion. Sa force et son courage vous sont acquises pour le bien d’autrui.

Mais il y a d’autres lions dans cette vie, et qui se terrent dans leur tanière. Le brigand dont je vous ai parlé est de ceux-là. Allez, et faites bonne justice. Le lion vous montre le chemin.

 

Or, le lion en question regardait vers la prochaine ruelle, sombre, tortueuse, inquiétante, telle la Cour des Miracles de Paris. En tournant et retournant, elle aboutissait à des souterrains si nombreux et si profonds qu’une armée entière pourrait s’y abriter des années durant sans qu’on puisse la retrouver.

C’est là que se terrait Philippe le Terrible, chef de tous les brigands de la région, et qui en avait fait son fief.

La légende veut qu’il ait été chevalier et qu’il ait forfait à l’honneur. Banni par le roi, il s’était réfugié dans ce coupe-gorge d’où il faisait régner depuis la terreur. Même les sergents du roi le craignent et n’osaient investir ses quartiers, plus sûrs que la forteresse la mieux défendue.

Avant de s’engager dans ce dédale, Sire Olivier se tourna vers nous:

- Mes amis, un rude combat nous attend. Celui qui vit dans cette tanière est bien l’être le plus féroce et le plus malfaisant que cette terre aie jamais portée. Je crains quelque fourberie du félon, aussi, je vous prie de veiller avec moi à la régularité du combat que nous ne manquerons pas de mener. Et si jamais je devais perdre la vie, promettez-moi de continuer ce que je n’aurai pas pu réaliser.

Dominique, son serviteur prit la parole:

- Monseigneur, en vérité, je crois que tous ici veilleront à leur devoir et ne vous failliront point. S’il le faut, nous occirons le traître si jamais il s’avisait de quelque fourberie à votre égard.

- Grand merci, amis chers et fidèles. fit notre cher et valeureux seigneur. A présent, avançons, mais restons sur nos gardes, car le scélérat nous guette sûrement.

Nous suivîmes Sire Olivier dans la ruelle d’Enfer, la bien nommée, craignant qu’à chaque détour, une armée de brigands redoutables nous assaille par surprise sans que nous puissions riposter. S’engager dans ce boyau avait été une lourde erreur, et je faillis le dire à notre sire quand nous aboutîmes à une place dégagée. Là, quelqu’un nous attendait. C’était Philippe le Terrible, ce maudit, bien décidé à nous faire mauvais sort.

- Et bien, mes nobles seigneurs! Je vous trouve bien hardis d’oser vous promener sur mes terres sans m’en avoir demandé la permission. Vous mériteriez le gibet pour un tel affront!

Sire Olivier intervint:

- Il suffit, mauvais chevalier! Nous savons comment vous avez acquis vos biens: par traîtrise et félonie. Vous déshonorez la chevalerie et vous devrez être puni!

- Ces terres, enfant, je les ai conquises de haute lutte et en combat loyal. Elles sont miennes de par le droit du plus fort et de la volonté de Dieu. Nul ne me les contestera sans périr.

- Je suis prêt à mourir pour que justice soit rendue.

- Voyez-vous ce drôle! Il veut tâter de mon épée! Je te ferai voler la tête avant que tu aie pu faire un seul geste. Alors, renonce, pendant qu’il en est encore temps. Et ne crois pas que j’épargnerai tes compagnons. Je ne crains rien ni personne!

- Laisse mes amis en dehors de notre querelle et bats-toi, lâche!

- Un combat singulier? Soit! Je relève le défi. Mais pas ici. A trois lieues d’ici se trouve un endroit dégagé où nul ne nous dérangera. Mais il faut que tes compagnons s’engagent à ne rien tenter, quoiqu’il arrive.

Il se tourna vers nous et nous ordonna:

- Jurez!

Sire Olivier nous regarda et acquiesça. Il nous fallut donc tous jurer.

- Bien, reprit le brigand, j’ai votre parole. Faisons diligence, car je veux rentrer pour souper. Chez moi, bien sûr. Toi, beau bachelier, tu souperas ce soir chez messire Belzébuth.

Le félon enfourcha une monture qu’une de ses âmes damnées lui amena puis partit prestement vers la forêt. Sire Olivier n’eut d’autre recours que de le suivre, accompagné de son fidèle serviteur, nous laissant là avec nos charrettes et nos bagages que nous avions laissés à l’entrée de la ruelle d’Enfer. Il nous fallut rebrousser chemin et sortir de la ville par une autre porte, tant bien que mal, nous hâtant pour ne pas laisser notre sire tout seul.

Nous parvînmes après deux bonnes heures dans une petite clairière où nous eûmes la joie de retrouver Sire Olivier en un seul morceau. Au moins, le traître tenait parole. D’ailleurs, il vint nous rejoindre par un autre chemin, seul, arrogant, tellement sûr de sa victoire qu’il n’avait même pas pris la peine de se faire accompagner. Plein de morgue, il s’adressa à notre bon sire en ces termes:

- L’endroit est-il à ta convenance, enfant?

- Certes. Mais pour faire bonne mesure, mes hardis compagnons formeront eux-mêmes l’enceinte. Ainsi combattrons-nous en champ clos. Y es-tu?

- Il suffit! Battons-nous enfin!

Ils se ruèrent l’un sur l’autre, frappant d’estoc et de taille, tenant leur épée à deux mains. Le brigand était d’une force peu commune et de plus, il avait la pratique du combat, ce que, malheureusement, Sire Olivier ne possédait pas bien.

Mais il avait pour lui la bravoure, la noblesse d’un cœur généreux et le courage du lion. De plus, Notre Dame la Vierge et tous les anges et les saints du paradis étaient à ses côtés.

Il se battait bravement, vaillamment, mais commençait à perdre pied. Le brigand, lui, semblait de plus en plus fort à chaque coup et Sire Olivier avait du mal à faire front.

Il était prêt de succomber quand il se rappela le doux visage de sa Dame. Celle-ci, toute en prières, l’encourageait de chez elle. Voyant cela, un ange du paradis vint apporter sa prière jusques à notre Seigneur Jésus-Christ qui fit souffler sur lui son esprit et lui restaura toutes ses forces. Cela, c’est la pure vérité.

Finalement, Sire Olivier parvint à vaincre le mauvais guerrier et à le désarmer. Celui-ci tenta de faire front bravement et lança un dernier défi :

- Et bien qu’attends-tu? Achève ce que tu as commencé et tue-moi, puisque tu en as le pouvoir. Un peu de courage!

Sire Olivier resta un moment silencieux, puis il reprit :

- Ta vie n’appartient qu’à notre Seigneur. Te tuer ne rendrait pas justice à ceux que tu as outragés. Il faut que tu sois jugé en toute équité. Je ne chercherai donc pas vengeance.

Tu m’as demandé de faire preuve de courage, et bien le courage, c’est cela: renoncer à la vengeance pour laisser place à la justice. Et c’est assez causer pour ce jour. Allons, compagnons. Confions-le aux prévôts du roi et continuons notre route.

Il confia l’épée à un des compagnons pour le garder comme trophée, et deux d’entre nous allâmes livrer le félon aux sergents du roi qui se firent un plaisir de l’accueillir en leur hostellerie.

 

Mais nos épreuves n’étaient pas terminées, loin de là. Jusqu’à présent, il avait suffit de braver des obstacles qui mettaient le corps en jeu.

Or, le combat qui s’annonçait maintenant était encore plus redoutable que l’autre, puisqu’il s’agissait d’un combat de l’esprit. Notre noble seigneur avait entendu parler d’un terrible sorcier qui vivait au cœur d’une étrange forêt. Il était très puissant et pouvait foudroyer d’un seul regard. Le pacte qu’il avait passé avec le Démon le rendait invincible. Nul, jusqu’à présent n’avait osé l’affronter et seul notre cher Sire Olivier avait décidé d’en finir.

Aussi, avait-il besoin plus que jamais de notre secours, car les forces démoniaques étaient encore plus redoutables que les plus redoutables brigands, comme Philippe le Terrible.

Après nous être recueillis un instant, nous allâmes rejoindre Sire Olivier, qui avait de même fait oraison, un peu à l’écart.

- Chers et loyaux amis, nous dit-il, l’épreuve qui vient s’annonce rude. Jusqu’à présent, vous n’avez pas encore failli et si Dieu veut bien nous prêter vie, c’est ensemble que nous vaincrons; et c’est ensemble que nous atteindrons le but.

Cependant, si l’un de vous doit renoncer, qu’il sache dès à présent qu’il ne lui sera pas tenu rigueur et qu’il aura droit à notre gratitude éternelle. En est-il qui désirent abandonner?

Personne ne répondit. Et qui ne dit mot, c’est qu’il consentait. Notre Sire Olivier en fut ravi et reprit ainsi:

- Soyez tous remerciés de votre indéfectible soutien. A présent, sus au sorcier!

Nous nous enfonçâmes dans la forêt, à la recherche de ce maudit magicien noir. Le décor était fantastique, et au fur et à mesure que nous marchions, les arbres devenaient de plus en plus tordus et rabougris, comme si un mauvais sort leur avait été jeté.

Assurément, c’était là le domaine de Satan, et il fallait bien du courage pour oser l’affronter sans le viatique de la prière. Mais le Seigneur était avec nous et nous serions vainqueurs!

Nous nous retrouvâmes comme par enchantement dans une petite clairière, devant une petite cabane où sortait de la fumée. Assis sous un hêtre tout tordu, une lance dans la main, un être tout aussi chétif et rabougri nous attendait.

Il était vêtu simplement, tout en noir. Avec son crâne dégarni et ses cheveux qui pendaient sur les côtés, il faisait penser à un charognard. Ajoutons à cela qu’il avait le nez proéminent, le menton en avant et que son regard brillait comme escarboucles.

En nous voyant arriver, il se leva et nous salua fort courtoisement.

- Mes nobles seigneurs et gentes dames, soyez les bienvenus dans mon humble domaine. Les visiteurs sont si rares! Grand honneur me faites, mes seigneurs, grand honneur me faites, et vous nobles dames!

Mais je vous en prie, avancez! J’attendais votre venue. Mieux, je l’espérais.

S’adressant à Sire Olivier:

- Voilà donc le très haut, très noble et très vaillant Sire Olivier de Saint-Omer. J’ai suivi tous vos exploits, noble bachelier.

- Comment cela, l’homme?

- Oui, beau Sire. Avec les yeux de l’esprit. Grands exploits avez accompli, en vérité. Dignes d’un grand chevalier. Vous avez su triompher de tous les obstacles et prouver votre valeur. Fort bien, fort bien. Vous êtes bien digne de votre rang.

- Que signifie tout cela?

Il montrait les arbres tordus.

- Ces arbres? Oh, simple caprice de jeunesse. Ils ont obéi à ma seule volonté. Grâce à ma science, j’ai pu me rendre maître des forces d’en bas. La nature n’a plus aucun secret pour moi et j’ai pu atteindre la plus haute connaissance qui soit. Et depuis, j’ai cherché partout un disciple qui soit digne de la recevoir à son tour.

C’est pourquoi, quand j’ai senti votre présence, j’ai su que vous parviendriez jusqu’à moi. Il me suffisait de vous attendre.

- Sorcellerie! Blasphémateur! Suppôt de Satan!

- Oh, noble seigneur, ne croyez pas cela. De méchantes gens vous auront abusés. Les médiocres ne peuvent que salir ce qui les dépasse.

Je sais que votre route ne s’arrêtera pas ici, et je connais le but de votre quête. Mais vous aurez besoin de tous les atouts pour triompher. Il vous faudra commander à la nature pour commander aux autres, et pour être leur providence. Qu’est-ce qu’un seigneur, s’il ne peut assurer aide et protection à ses sujets?

Vous devrez être au dessus du bien et du mal si vous voulez juger sagement. Mais pour cela, vous avez besoin de la connaissance que moi seul consens à vous offrir, puisque tant vous la méritez. Elle demandera de nombreux sacrifices et de nombreux efforts, car il faudra payer le prix. Mais c’est la seule voie si vous désirez vous élever encore.

Sire Olivier était fort troublé et se mit à réfléchir:

- Maîtriser les forces inférieures … Du pain pour les pauvres… La justice pour tous… Me serais-je trompé?

Je croyais trouver un être maléfique et me voilà face à un ermite… Par tous les saints du Paradis, le bonhomme n’est pas commun… Il est presque plaisant, même… Qui sait quelle sagesse il a acquise et par quelles macérations il est passé…

Son regard se perdait dans le vague. Pendant ce temps, le sorcier se rapprochait tout doucement de lui, et semblait le charmer insensiblement. Et nous, ses fidèles compagnons, sentions petit à petit les pensées nous fuir, puis les sensations. Seul un délicieux engourdissement nous saisissait chacun notre tour.

- En vérité, noble sire, reprit-il, c’est la Divine Providence qui vous a envoyé devers moi pour que j’achève votre formation. Obéissons donc à sa volonté, vous et moi. Ne repoussons pas notre destinée. Vous êtes promis à de hautes choses. Ma plus grande gloire aura été de vous aider à vous y préparer, et vous, à y parvenir.

Sire Olivier ne bougeait plus et son regard était vague. Le triomphe du sorcier était total, et nous, nous ne pouvions plus rien faire. Il s’adressa à nous en ces termes:

- Et vous, braves compagnons qui avez si bien soutenu Sire Olivier, vous aurez sa destinée en partage. Tout ce qui sera sien sera également vôtre. Et quand il atteindra aux plus hautes récompenses, vous serez là. Et quand on chantera ses hauts faits, pourrez-vous dire également:  »j’étais là ! »

Plus rien ne bougeait. Ah, ce regard pénétrant et envoûtant et cette voix de miel et de velours! Etait-il possible d’échouer aussi lamentablement? J’essayais de bouger et mon regard se posa par hasard sur le sol. Le mauvais avait profité de notre inattention pour tracer des signes magiques, plus efficaces que des lacs, et qui nous empêchaient de nous mouvoir.

Dans peu de temps, le sorcier nous aurait à sa merci. Allait-il faire de nous les esclaves du démon, nous faire rôtir, nous faire bouillir ou tout simplement nous tuer?

Non, il n’était pas possible que cela finisse ainsi, non, non, NON!

Je ne me rendis pas compte que j’avais crié. Mais cela brisa d’un seul coup le charme et réveilla notre cher seigneur, qui était furieux.

- Ah, méchant sorcier! , rugissait-il .Tu voulais me tordre l’âme tout comme tu as tordu ces arbres! Fourbe! Sans mes braves compagnons, j’étais à ta merci et me laissais pétrir comme cire molle! Tu as oublié que notre Seigneur Jésus-Christ est avec moi et me protège de sa grâce. Ton pouvoir maléfique ne peut plus rien contre moi et ta magie est définitivement brisée. Aussi, prépare-toi à mourir!

- Tu te trompes, noble bachelier, je ne désirais que ton bien et t’aider en tout.

- Il suffit! Tu vas payer pour tous tes crimes!

Sire Olivier dégaina aussitôt son épée. Le sorcier prit peur, lâcha sa lance et s’enfuit en hurlant avant qu’on ait pu le rattraper.

Sire Olivier ramassa alors la lance, s’empara d’une cotte de maille qui était suspendue et les confia à un compagnon. Le brave Dominique intervint:

- Pourquoi ne pas l’avoir poursuivi, Monseigneur? C’était chose aisée, à présent que vous avez détruit sa magie.

- C’est pourquoi cela n’était plus nécessaire. Il ne peut plus rien contre personne, à présent. Nous avons triomphé du mal et cela doit nous suffire. Pour le moment, nous devons continuer notre chemin.

- Où irons-nous, Monseigneur?

- Dans une auberge. J’ai grand-faim.

 

Il était vrai que toutes ces aventures nous avaient donné grand-faim. Nous parvînmes à sortir de cette forêt maudite et finirent par trouver une auberge bien coquette. Au dehors, un brave homme semblait nous attendre. En fait, il était en train de couper du bois. Quand il nous vit arriver en pareil arroi, il se frotta les mains et nous accueillit fort civilement.

- Soyez les bienvenus dans mon auberge, nobles voyageurs! Installez-vous confortablement. Qu’y-a-t-il pour votre service, Messeigneurs?

- Sers-nous de tes meilleurs crus et régales-nous de ta meilleure cuisine, l’homme!

- Certes, nobles seigneurs et gentes dames, certes! Mais mes fourneaux sont éteints. J’ai par contre d’excellentes pâtisseries qui n’attendent que vous. Qu’en dites-vous?

- Fais-les venir que nous les tastions un peu. Et aussi de quoi les faire passer.

Le brave aubergiste fit diligence et nous fit apporter aussitôt gaufres, pâtisseries et oublies ainsi que moult pichets de vin clairet délicatement parfumés

Ce furent petites, mais bonnes ripailles, et nous entonnâmes des chants de circonstances, comme « Margoton va-t-a-confesse », « Jehan-Grand-Gosier », ou « M’en revenant de Rome ».

Pendant que nous festoyions, l’aubergiste alla trouver Sire Olivier:

- Noble seigneur, dit-il, j’ai là une lettre de change pour une selle de cheval et ses armes. Comme je n’en aurai guère l’utilité, j’ai pensé qu’elle vous ferait bon usage. Je puis vous les céder pour un prix modique.

Sire Olivier tendit alors une bourse à l’aubergiste.

- Cela suffit-il pour payer le repas et les armes?

- C’est même beaucoup trop, monseigneur!

- Allons, garde tout, brave homme. Et continue de nous faire d’aussi succulentes pâtisseries.

Une heureuse surprise nous attendait. Un chevaucheur du roi entra dans l’auberge, s’enquit de nous et nous fit assavoir que le bon roi Régis le Débonnaire avait entendu parler de nos exploits et nous mandait toutes affaires cessantes en son château, où il nous offrait le gîte et le couvert.

Vraiment, la Divine Providence veillait sur nous et, prenant congé du brave aubergiste, nous repartîmes sans plus tarder vers notre glorieuse destinée, tout en rendant grâces au ciel, à Madame Marie, à notre Seigneur Jésus-Christ et à tous les saints du paradis.

Dans les mois qui suivirent, Sire Olivier se mit au service de notre bon roi. Il était chargé officiellement de l’entraînement des gardes royaux, avec grade de capitaine. Or, notre bon roi avait grand-souci: le trésor royal était bientôt vide et on conspirait contre lui. De tous ses conseillers, notre bon roi ignorait qui était félon, et qui lui restait fidèle.

Notre Sire Olivier avait bien sa petite idée, mais il n’en laissait rien paraître et faisait mine de tout ignorer. Il attendait que les traîtres se dévoilent à lui.

Nous, ses serviteurs, tâchions de notre côté d’en savoir davantage afin de l’aider à châtier les conspirateurs. Nous parvînmes si bien à endormir leur méfiance que bientôt, nous réussîmes à rassembler toutes les preuves nécessaires.

Un beau soir, Sire Olivier reçut un message secret, lui enjoignant de se trouver à trois lieues du palais, en un lieu désert. Comme nous savions qui était du complot, il nous fut aisé d’en informer Sire Olivier qui prit toutes les dispositions nécessaires. Il chargea six d’entre nous de se poster à des endroits-clés, d’où il serait possible de tomber en embuscade.

Et au jour et à l’heure dite, Sire Olivier alla à son rendez-vous. Là, il fut abordé par cinq hommes masqués. C’étaient les propres conseillers du roi, le trésorier et le sénéchal.

- Vous vouliez donc me parler en lieu sûr, nobles sires?, leur demanda-t-il innocemment. Nous y voici. Le lieu est désert et nulle oreille indiscrète n’est là pour nous déranger. Exposez-moi ce qui vous amène céans. Parlez sans détour et faites-moi confiance comme je vous fais confiance.

Un des conseillers regarda autour de lui, s’assura qu’ils étaient tous bien seuls et lui parla enfin.

- Noble seigneur, depuis que vous êtes arrivé dans notre royaume, vous avez accompli exploit sur exploit et votre renommée commence à s’étendre par delà les terres et les mers, Mais nous voulons nous assurer que vous êtes bien celui que vous prétendez être,

Je vais parler sans détour. Quel est votre sentiment pour notre bon roi Régis?

Sire Olivier les réunit autour de lui.

- Mes amis, moi aussi je serai sans détour. J’ai le plus grand respect pour notre bon sire Régis, mais..,

- Mais?

- Mais je suis de moins en moins sûr qu’il est celui qu’il nous faut. Trop de palabres, trop de conseils, pas assez d’action. Il règne, mais ne gouverne pas. Je crains que le royaume ne finisse par tomber, si..,

Les conseillers se regardèrent, heureusement surpris. L’un d’entre eux reprit:

- C’est tout juste notre sentiment. Le roi met son royaume en grand péril et nous, ses conseillers et pairs, en sommes grandement marris. Nous avons discuté en conseil étroit et nous avons dû prendre une pénible décision: il faut déposer le roi actuel et en choisir un autre qui soit plus digne de ceindre la couronne. Et c’est vers vous que s’est porté notre choix, car en vérité, vous êtes le plus digne de lui succéder et de refaire ce royaume qui tant en a besoin.

- Mes amis, répondit Sire Olivier, toujours aussi benoît comme chat en sa litière, je vous remercie pour cette marque de confiance et d’estime, et j’espère être digne de vos vœux et de la grande tâche qui m’attend. Mais vous n’ignorez pas qu’il nous faut des subsides. Rien ne peut se faire sans réserve d’or et de monnaie.

- Noble sire, nous avons tout prévu et avons commencé à mettre le trésor royal en sûreté. Aussi, les fonds ne vous feront pas défaut,

- Alors agissons sans tarder. A l’heure qu’il est, le roi est dans sa chambre. Nous le déposerons et tiendrons conseil. Et puisque vous m’accordez votre soutien, je vous fais mes premiers conseillers. Etes-vous suffisamment résolus?

- Nous avons trop attendu, Monseigneur, et brûlons d’impatience.

- Alors, en avant, mes amis, Et que Dieu bénisse notre sainte œuvre.

Les conseillers félons partirent les premiers, suivis de loin par Sire Olivier. Arrivés au carrefour de la Croix-de-Pierre, quelqu’un cria: « Maintenant! »

Aussitôt, les six braves se débusquèrent et désarmèrent promptement les traîtres, Sire Olivier les rejoint et dégaina son épée:

- Ah félons!, s’exclama-t-il. Vous voilà enfin démasqués! Voilà des lustres que j’attends ce moment! Dans votre fol orgueil, vous avez oublié que le serment du chevalier le lie à son suzerain, que celui-ci soit bon ou mauvais. Vous oubliez aussi qu’un chevalier a juré de faire triompher la justice. Aussi, vous allez payer votre traîtrise.

Il ordonna à ses compagnons:

- Allons, menez-les devant la justice du Roi.

Les mauvais conseillers furent amenés devant le bon roi Régis, tout ligotés et incapables de bouger. Sire Olivier prit la parole.

- Votre Majesté, voici devant vous ceux qui conspiraient contre votre personne. Ce sont eux qui détournaient le trésor royal et qui s’apprêtaient à vous détrôner.

Le roi se tourna vers eux et les questionna:

- Est-ce vrai? Aviez-vous vraiment juré ma perte, moi qui vous ai comblé de bienfaits? Allons, répondez!

Personne ne répondait. Dans la foule fusaient les « A mort ! », les « Hou ! » et les « Châtiez les traîtres! »

Le roi reprit :

- Votre silence vous accuse. C’est bien, vous aurez à répondre devant ma justice. Qu’on les emmène!

Les félons furent emmenés tandis que fusaient les clameurs et les applaudissements. Le roi se leva et s’adressa à tous ses sujets:

- Mes bons et loyaux sujets, une fois de plus, ce droit et noble bachelier a prouvé sa valeur et combattu le mal qui se cachait au sein de notre palais même. Acclamons-le comme il se doit ! Longue vie au Sire Olivier de Saint-Orner! Longue vie!

L’assistance répéta « Longue vie ! »

Après que les clameurs se furent apaisées, le roi reprit:

-Une fois de plus, le ciel veille sur nous et ne nous abandonne point. Allons de ce pas faire procession et remercier le bon Sain Lié et tous les saints du Paradis. Après quoi, nous organiserons grande fête pour notre champion de toujours

Précédé des bons moines de l’abbaye, tout le monde alla remercier le bon Saint Lié en sa chapelle. Puis le bon souverain fit distribuer en ville piécettes et bon pain pour les pauvres. Il fit venir jongleurs et ménestrels et organisa en l’honneur de notre bon seigneur une petite fête en son château.

Après les ripailles, le souverain s’adressa à Sire Olivier en ces termes:

-Sire Olivier de Saint-Orner, votre loyauté et votre obéissance doivent être bien récompensées. Vous recevrez pour votre monture une gorgière, un frein et des rênes, forgés toutes exprès dans nos ateliers. De plus, il n’est plus temps de différer votre adoubement. Il aura lieu demain. Pour l’heure, vous voudrez bien faire oraison en notre basilique de Saint-Rémi.

Et vous, ses fidèles et loyaux compagnons, qui tant bien m’avez servi, il y aura grandes récompenses et grande liesse pour vous aussi. Ainsi devons-nous récompenser tous ceux qui œuvrent pour le bien de tous. Dieu vous bénisse tous!

Tous nous acclamâmes le roi: « Noël à notre bon roi Régis! Noël à notre bon roi Régis! »

Puis après nous être concertés, nous décidâmes tous d’accompagner notre sire à la basilique St Rémi.

Arrivés à la basilique, Sire Olivier nous réunit autour de lui et nous déclara gravement:

- Mes amis; c’est la première fois que je vous appelle ainsi, car vous m’avez vraiment aidé contre vents et marées, à triompher de tous les périls. Cette journée qui s’annonce sera avant tout la vôtre.

Je voulais que vous le sachiez; après cette cérémonie, j’aurai le droit d’armer chevalier tous ceux qui auront bien combattu, dans l’honneur, le courage et la dignité. Et c’est vous, fidèles entre les fidèles, qui serez mes pareils, pour continuer dans notre recherche commune, si tel est votre désir.

Le brave Dominique répondit pour nous:

- Sire Olivier, c’est plus que chacun peut espérer. C’est grande surprise et grand honneur qui nous échoit là. Redoutable, même. Aussi, vous demandons-nous une faveur. C’est la première en tout ce temps que nous avons été avec vous et vous ne pouvez nous la refuser.

- Parle, mon bon.

- Laissez-nous faire oraison avec vous. Nous voulons remercier le ciel de nous avoir épargnés de terribles dangers et de nous avoir donné un seigneur que nous avons plaisir à servir.

- Mes amis, j’allais vous demander la même faveur: prier avec moi. C’est une grande joie pour mon cœur d’avoir des amis tels que vous. Des frères, même. C’est ce que nous serons demain. Il n’y aura désormais plus de distance entre nous.

L’assemblée acclama Sire Olivier; « Noël au noble Sire Olivier! Noël! Noël!  » Soudain, une petite voix s’éleva du milieu de notre groupe.

- Moi aussi je veux devenir chevalier!

C’est un enfant qui avait parlé; une petite fille qui avait l’air admirative. Sire Olivier se pencha vers elle et lui sourit:

- Jeune dame, cela ne se peut. Le noble métier de chevalerie est réservé aux hommes. Mais peut-être serez-vous un jour compagne ou mère d’un chevalier? Votre tâche sera tout aussi exaltante, car c’est vous qui l’inspirerez et participerez à sa formation.

- Et vous, comment avez-vous fait?

- Mon père, le Sire de Saint-Omer, m’a donné très tôt le goût de la chevalerie. Ma noble mère m’a enseigné aussi tout ce qu’un bon fils doit savoir, et mes maître et devanciers m’ont initié au métier des armes. J’ai du prouver ma valeur et j’ai dû affronter mille épreuves qui m’ont forgé le caractère.

J’ai affronté le mal sous toutes ses formes, combattu bien des méchants et grâce à cela, le bon roi Régis m’honore de sa confiance et de son estime. Un grand chevalier se doit d’acquérir toutes les vertus s’il veut être respecté…

Le chevalier s’arrêta net et prit conscience qu’il était en train de se vanter.

- Mon dieu, que suis-je en train de faire?, disait-il, enfouissant son visage entre ses mains. Je me glorifie moi même et je déshonore la chevalerie toute entière… Je trahis mes engagements et de plus, je suis en train de tromper cet enfant innocent… Je ne suis pas digne de porter les armes… Je suis indigne de la confiance de ma Dame et de notre bon roi… Je ne suis rien… Je ne suis plus rien… Je me suis gonflé de moi-même… Puisse le ciel me pardonner mon fol orgueil.

Le chevalier courba la tête et s’effondra sur lui même.

Ah, enfant! Devais-tu être l’ultime obstacle que devait franchir notre bon et vaillant seigneur? Fus-tu un ange envoyé du ciel pour l’éprouver, comme on éprouve l’or?

Pendant que notre bon maître gisait ainsi, l’âme tourmentée et le cœur labouré, l’enfant posa sa main sur son épaule. Et la paix descendit dans son être torturé. Et l’enfant lui dit :

- Allons, relève-toi, bachelier .Tu a pris la mesure de ta propre vanité et tu connais à présent la vraie valeur de l’humilité.

Elle lui tendit un poignard.

- Prends cette miséricorde. Qu’elle te rappelle que tu ne dois te fier qu’à Dieu si tu veux vraiment œuvrer pour le bien de tous. A présent, suis-moi.

Guidés par l’enfant, Sire Olivier et nous-mêmes, ses compagnons fûmes conduits devant le roi Régis, qui attendait dans un recoin. Il nous accueillit avec un grand sourire.

- Je vois, Sire Olivier, que tu as franchi la dernière épreuve. Jamais la princesse Gaëlle ne t’aurait conduit ici si elle ne s’en portait garante par sa présence céans. En vérité, tu es l’image vivante du vrai et pur chevalier. Par ton exemple, tu seras l’inspirateur de beaucoup. Et l’offre généreuse que tu as faite à tes compagnons de devenir tes égaux me pousse à te demander une faveur.

- A moi, Sire? Qui suis-je pour accorder une faveur à celui de qui vient toute faveur?

- Il se trouve, beau chevalier, que je suis moi-même serviteur d’une cause qui nous dépasse tous. C’est une tâche qui demande beaucoup d’efforts et de sacrifices. Il s’agit de tout faire pour que les hommes, nos frères, puissent enfin connaître la Paix Profonde et s’unir à Dieu. Voilà le Grand Œuvre dont tant on a parlé.

Cette tâche, je ne puis l’accomplir seul. Aussi, je te demande si tu veux bien travailler à mes côtés, silencieux et inconnu, au bonheur de ton prochain, sous le signe de la Rose et de la Croix?

Notre sire répondit avec enthousiasme:

- Majesté, oui, mille fois oui!

Le roi lui remit alors une Rose-Croix, ainsi qu’un bouclier.

- Alors, Frère Olivier, reçois ce nouvel emblème sous lequel tu travailleras désormais. Et que ce bouclier soit pour toi le rappel constant de la protection dont tu entoureras les faibles et les démunis.

Et vous, ses fidèles compagnons, acceptez-vous de l’aider encore et toujours dans la grande tâche qui l’attend? Acceptez-vous d’œuvrer avec mes compagnons et moi-même, sans craindre déceptions et trahisons?

Tout le monde accepta. Ce fut encore Dominique qui prit la parole:

- Sire, lorsque nous avons décidé se servir notre noble seigneur, Sire Olivier, jamais nous n’aurions pensé que notre périple nous amènerait à de si grandes choses. Ce que nous avons donné n’est rien en comparaison de ce que nous avons reçu. Et voilà que de nouvelles faveurs pleuvent sur nous. Nous serions bien ingrats si nous nous arrêtions là.

A présent, nous savons tous que quel que soit l’endroit où nous serons, les moyens ne nous manqueront jamais de faire œuvres bonnes et utiles. Peut-être, nous ne deviendrons pas tous chevaliers, mais tous, aurons à cœur de servir notre roi et notre Seigneur de notre mieux.

- Je vous en remercie tous. Allons de ce pas offrir une action de grâce au bon Saint Rémi. Après quoi, nous nous réunirons en chapitre et ferons grand banquet pour fêter notre nouvelle alliance. D’ici là, que notre Seigneur Jésus-Christ vous ait en sa sainte garde et qu’il vous accorde tous les bienfaits du ciel. Amen.

Le roi, la princesse, Sire Olivier et tous les compagnons rentrèrent enfin dans la basilique et rendirent grâce. Puis nous laissâmes notre cher seigneur seul, comme le veut l’usage.

Le lendemain, il y eut grande messe, et ce fut notre bon roi lui-même qui l’arma chevalier et qui lui remit des armes toutes neuves, fabriquées toutes exprès dans les forges royales, et du plus bel aloi.

Après quoi il y eut de grandes réjouissances et de grands tournois.

Puis ce fut notre première réunion de chapitre, où nous prîmes connaissance des vœux de notre souverain et de la nouvelle mission qui nous serait impartie. Quelques uns d’entre nous devraient repartir sur les routes du royaume et aller là où on aurait le plus besoin de nous. Avant le départ, notre bon roi fit venir tout exprès un troubadour, qui était de notre Ordre, et qui nous livra un de ses plus beaux chants.

Vous révéler le nom de notre Ordre et notre mission précise, cher lecteur, je ne le puis. Qu’il vous soit permis toutefois de méditer sur ce beau texte que vous trouverez ci-après.

Puisse-t-il vous inspirer et vous donner envie de vous mettre, vous aussi, en quête de la Rose des Sages

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La queste de Sire Olivier de Saint-Omer – 5ème partie

Posté par leblogdegaudius le 4 juin 2013

Il était vrai que toutes ces aventures nous avaient donné grand-faim. Nous parvînmes à sortir de cette forêt maudite et finirent par trouver une auberge bien coquette. Au dehors, un brave homme semblait nous attendre. En fait, il était en train de couper du bois. Quand il nous vit arriver en pareil arroi, il se frotta les mains et nous accueillit fort civilement.

- Soyez les bienvenus dans mon auberge, nobles voyageurs! Installez-vous confortablement. Qu’y-a-t-il pour votre service, Messeigneurs?

- Sers-nous de tes meilleurs crus et régales-nous de ta meilleure cuisine, l’homme!

- Certes, nobles seigneurs et gentes dames, certes! Mais mes fourneaux sont éteints. J’ai par contre d’excellentes pâtisseries qui n’attendent que vous. Qu’en dites-vous?

- Fais-les venir que nous les tastions un peu. Et aussi de quoi les faire passer.

Le brave aubergiste fit diligence et nous fit apporter aussitôt gaufres, pâtisseries et oublies ainsi que moult pichets de vin clairet délicatement parfumés

Ce furent petites, mais bonnes ripailles, et nous entonnâmes des chants de circonstances, comme « Margoton va-t-a-confesse », « Jehan-Grand-Gosier », ou « M’en revenant de Rome ».

Pendant que nous festoyions, l’aubergiste alla trouver Sire Olivier:

- Noble seigneur, dit-il, j’ai là une lettre de change pour une selle de cheval et ses armes. Comme je n’en aurai guère l’utilité, j’ai pensé qu’elle vous ferait bon usage. Je puis vous les céder pour un prix modique.

Sire Olivier tendit alors une bourse à l’aubergiste.

- Cela suffit-il pour payer le repas et les armes?

- C’est même beaucoup trop, monseigneur!

- Allons, garde tout, brave homme. Et continue de nous faire d’aussi succulentes pâtisseries.

Une heureuse surprise nous attendait. Un chevaucheur du roi entra dans l’auberge, s’enquit de nous et nous fit assavoir que le bon roi Régis le Débonnaire avait entendu parler de nos exploits et nous mandait toutes affaires cessantes en son château, où il nous offrait le gîte et le couvert.

Vraiment, la Divine Providence veillait sur nous et, prenant congé du brave aubergiste, nous repartîmes sans plus tarder vers notre glorieuse destinée, tout en rendant grâces au ciel, à Madame Marie, à notre Seigneur Jésus-Christ et à tous les saints du paradis.

Dans les mois qui suivirent, Sire Olivier se mit au service de notre bon roi. Il était chargé officiellement de l’entraînement des gardes royaux, avec grade de capitaine. Or, notre bon roi avait grand-souci: le trésor royal était bientôt vide et on conspirait contre lui. De tous ses conseillers, notre bon roi ignorait qui était félon, et qui lui restait fidèle.

Notre Sire Olivier avait bien sa petite idée, mais il n’en laissait rien paraître et faisait mine de tout ignorer. Il attendait que les traîtres se dévoilent à lui.

Nous, ses serviteurs, tâchions de notre côté d’en savoir davantage afin de l’aider à châtier les conspirateurs. Nous parvînmes si bien à endormir leur méfiance que bientôt, nous réussîmes à rassembler toutes les preuves nécessaires.

Un beau soir, Sire Olivier reçut un message secret, lui enjoignant de se trouver à trois lieues du palais, en un lieu désert. Comme nous savions qui était du complot, il nous fut aisé d’en informer Sire Olivier qui prit toutes les dispositions nécessaires. Il chargea six d’entre nous de se poster à des endroits-clés, d’où il serait possible de tomber en embuscade.

Et au jour et à l’heure dite, Sire Olivier alla à son rendez-vous. Là, il fut abordé par cinq hommes masqués. C’étaient les propres conseillers du roi, le trésorier et le sénéchal.

- Vous vouliez donc me parler en lieu sûr, nobles sires?, leur demanda-t-il innocemment. Nous y voici. Le lieu est désert et nulle oreille indiscrète n’est là pour nous déranger. Exposez-moi ce qui vous amène céans. Parlez sans détour et faites-moi confiance comme je vous fais confiance.

Un des conseillers regarda autour de lui, s’assura qu’ils étaient tous bien seuls et lui parla enfin.

- Noble seigneur, depuis que vous êtes arrivé dans notre royaume, vous avez accompli exploit sur exploit et votre renommée commence à s’étendre par delà les terres et les mers, Mais nous voulons nous assurer que vous êtes bien celui que vous prétendez être,

Je vais parler sans détour. Quel est votre sentiment pour notre bon roi Régis?

Sire Olivier les réunit autour de lui.

- Mes amis, moi aussi je serai sans détour. J’ai le plus grand respect pour notre bon sire Régis, mais..,

- Mais?

- Mais je suis de moins en moins sûr qu’il est celui qu’il nous faut. Trop de palabres, trop de conseils, pas assez d’action. Il règne, mais ne gouverne pas. Je crains que le royaume ne finisse par tomber, si..,

Les conseillers se regardèrent, heureusement surpris. L’un d’entre eux reprit:

- C’est tout juste notre sentiment. Le roi met son royaume en grand péril et nous, ses conseillers et pairs, en sommes grandement marris. Nous avons discuté en conseil étroit et nous avons dû prendre une pénible décision: il faut déposer le roi actuel et en choisir un autre qui soit plus digne de ceindre la couronne. Et c’est vers vous que s’est porté notre choix, car en vérité, vous êtes le plus digne de lui succéder et de refaire ce royaume qui tant en a besoin.

- Mes amis, répondit Sire Olivier, toujours aussi benoît comme chat en sa litière, je vous remercie pour cette marque de confiance et d’estime, et j’espère être digne de vos vœux et de la grande tâche qui m’attend. Mais vous n’ignorez pas qu’il nous faut des subsides. Rien ne peut se faire sans réserve d’or et de monnaie.

- Noble sire, nous avons tout prévu et avons commencé à mettre le trésor royal en sûreté. Aussi, les fonds ne vous feront pas défaut,

- Alors agissons sans tarder. A l’heure qu’il est, le roi est dans sa chambre. Nous le déposerons et tiendrons conseil. Et puisque vous m’accordez votre soutien, je vous fais mes premiers conseillers. Etes-vous suffisamment résolus?

- Nous avons trop attendu, Monseigneur, et brûlons d’impatience.

- Alors, en avant, mes amis, Et que Dieu bénisse notre sainte œuvre.

 

Les conseillers félons partirent les premiers, suivis de loin par Sire Olivier. Arrivés au carrefour de la Croix-de-Pierre, quelqu’un cria: « Maintenant! »

Aussitôt, les six braves se débusquèrent et désarmèrent promptement les traîtres, Sire Olivier les rejoint et dégaina son épée:

- Ah félons!, s’exclama-t-il. Vous voilà enfin démasqués! Voilà des lustres que j’attends ce moment! Dans votre fol orgueil, vous avez oublié que le serment du chevalier le lie à son suzerain, que celui-ci soit bon ou mauvais. Vous oubliez aussi qu’un chevalier a juré de faire triompher la justice. Aussi, vous allez payer votre traîtrise.

Il ordonna à ses compagnons:

- Allons, menez-les devant la justice du Roi.

Les mauvais conseillers furent amenés devant le bon roi Régis, tout ligotés et incapables de bouger. Sire Olivier prit la parole.

- Votre Majesté, voici devant vous ceux qui conspiraient contre votre personne. Ce sont eux qui détournaient le trésor royal et qui s’apprêtaient à vous détrôner.

Le roi se tourna vers eux et les questionna:

- Est-ce vrai? Aviez-vous vraiment juré ma perte, moi qui vous ai comblé de bienfaits? Allons, répondez!

Personne ne répondait. Dans la foule fusaient les « A mort ! », les « Hou ! » et les « Châtiez les traîtres! »

Le roi reprit :

- Votre silence vous accuse. C’est bien, vous aurez à répondre devant ma justice. Qu’on les emmène!

Les félons furent emmenés tandis que fusaient les clameurs et les applaudissements. Le roi se leva et s’adressa à tous ses sujets:

- Mes bons et loyaux sujets, une fois de plus, ce droit et noble bachelier a prouvé sa valeur et combattu le mal qui se cachait au sein de notre palais même. Acclamons-le comme il se doit ! Longue vie au Sire Olivier de Saint-Orner! Longue vie!

L’assistance répéta « Longue vie ! »

Après que les clameurs se furent apaisées, le roi reprit:

-Une fois de plus, le ciel veille sur nous et ne nous abandonne point. Allons de ce pas faire procession et remercier le bon Sain Lié et tous les saints du Paradis. Après quoi, nous organiserons grande fête pour notre champion de toujours

Précédé des bons moines de l’abbaye, tout le monde alla remercier le bon Saint Lié en sa chapelle. Puis le bon souverain fit distribuer en ville piécettes et bon pain pour les pauvres. Il fit venir jongleurs et ménestrels et organisa en l’honneur de notre bon seigneur une petite fête en son château.

Après les ripailles, le souverain s’adressa à Sire Olivier en ces termes:

-Sire Olivier de Saint-Orner, votre loyauté et votre obéissance doivent être bien récompensées. Vous recevrez pour votre monture une gorgière, un frein et des rênes, forgés toutes exprès dans nos ateliers. De plus, il n’est plus temps de différer votre adoubement. Il aura lieu demain. Pour l’heure, vous voudrez bien faire oraison en notre basilique de Saint-Rémi.

Et vous, ses fidèles et loyaux compagnons, qui tant bien m’avez servi, il y aura grandes récompenses et grande liesse pour vous aussi. Ainsi devons-nous récompenser tous ceux qui œuvrent pour le bien de tous. Dieu vous bénisse tous!

Tous nous acclamâmes le roi: « Noël à notre bon roi Régis! Noël à notre bon roi Régis! »

Puis après nous être concertés, nous décidâmes tous d’accompagner notre sire à la basilique St Rémi.

La queste de Sire Olivier de Saint-Omer - 5ème partie dans Les histoires de Gaudius clovis01-213x300

Pendant ce temps là, sur la planète Kree-Peton:

Le professeur Mars-El était furieux. Son grand rival, le docteur Zo-Zotan, avait remporté la partie. Avec des arguments fallacieux, il s’était servi des découvertes du Professeur Mars-El pour avancer une théorie improbable, l’évolution, alors que tout le monde savait bien que c’était le Grand Féné-An, maître de toutes choses, qui avait créé toutes les formes de vies qu’on connaissait actuellement et que les fossiles qu’on trouvait ici et là n’étaient au mieux que des espèces disparues, qui n’avaient pas trouvé grâce aux yeux du Créateur, au pire des faux grossiers fabriqués pour la cause. Malheureusement, l’Académie Planétaire des Sciences Kree-Petoniennes lui avaient donné tort. Dépité, le professeur Mars-El songeait à s’exiler sur une petite planète bleue qu’il avait repéré dans le 5ème rayon d’un lointaine galaxie, et il rassemblait tous les matériaux pour se construire, en secret, un vaisseau inter-galactique qui le mènerait à cette terre vierge. Il ne disposait que d’un marteau et des clous, mais il avait pour lui, dans sa propriété, un énorme gisement de cristaux de toutes sortes dont les applications pratiques  étaient prometteuses et qu’il se proposait d’exploiter dans le plus grand secret, car il fallait rester prudent. En effet, un certain Dark Kador  était à la recherche d’autres planètes à soumettre à son empire maléfique; aussi, fallait-il rester prudent.

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Le jardinier du silence (ou le pourquoi du secret).

Posté par leblogdegaudius le 6 janvier 2013

Les réflexions qui ont nourri les miennes proviennent d’une « planche maçonnique » trouvée sur GADLU infos; « Les états du silence » (*) et de 2 articles de Jeanne GUESDON, « Le silence » et « le jardinier mystique »(**)

Vu de l’extérieur, les sociétés initiatiques semblent étranges, mystérieuses, et les curieux se demandent souvent « mais qu’est ce qui se passe là dedans ? ». D’aucuns diront que quand on n’a rien à se reprocher, on ne cache rien et si les membres gardent le secret sur leur organisation, c’est que c’est sûrement suspect, qu’on complote, qu’on conspire et qu’on trame, et chacun est à l’affût de la moindre fuite, du moindre article, de la moindre information « autorisée » censée révéler les « secrets » et les « mystères » de ces organisations « secrètes » , qui lèvera définitivement le voile sur ces fonctionnements cachés. Pour un peu, on demanderait que les cérémonies se passent en public, presque dans la rue, au vu et au su de tout le monde, comme un office religieux ou pire, comme un spectacle ou un divertissement.

 

C’est oublier un peu vite que ces organisations « secrètes » sont des associations privées, avec un fonctionnement et des statuts propres, qu’elles ne sont pas si « secrètes » puisqu’elles ont pignon sur rue et qu’il suffit de s’informer et de se renseigner, quitte à se lever de son siège et aller à la rencontre des uns et des autres.

 

Mais alors, pourquoi demander le secret à leurs membres si dans le même temps, on s’affiche en public ? En fait, ce qui est demandé dans les sociétés initiatiques, c’est de garder une certaine discrétion sur le mode de fonctionnement, sur les rituels, les symboles et les mots de passe, sur l’appartenance des uns et des autres, bref, de tout ce qui relève de la cuisine interne. Par contre, il n’est pas défendu de parler spiritualité ou philosophie et d’exposer les divers points de vue et opinions sur des sujets variés et qui peuvent éventuellement intéresser quelques chercheurs.

 

Ce n’est pas en vain qu’on demande aux initiables de garder le silence, car c’est s’adonner à une certaine discipline intérieure et celui ou celle qui est capable de tenir sa langue prouve qu’il ou elle est une personne de confiance, qui parle à bon escient, et qui ne se livrera pas à des commérages quelconques.  Garder le silence, entrer dans le silence, même, c’est marquer une forme de respect envers le lieu dans lequel on va entrer, c’est se préparer, se mettre en ordre pour rentrer dans un autre espace, un espace « sacré », et un autre temps (quand ce n’est pas se situer hors du temps). Ce lieu, cet espace sacré, c’est le temple. Avant de pénétrer dans le temple, il faut donc se mettre en ordre, se préparer et on ne peut le faire que dans le silence.

 

Les « profanes » peuvent-ils entrer comme ils le désirent dans le temple, « pour voir » ? C’est possible dans certaines conditions, lors de cérémonies ouvertes et sous la garde vigilante des gardiens afin qu’aucun impair ne se commette. D’ailleurs, instinctivement, beaucoup manifestent un certain respect pour les lieux et si les rituels leur sont encore étrangers, ils en bénéficient tout de même.

 

La seule clé qui peut donner accès au temple est le désir et la sincérité, et une longue recherche mue par un réel intérêt, une aspiration authentique, comme si le fait de ne pas trouver le but nous rendait incomplet et insatisfait. C’est cette quête, venue du plus profond de notre être, qui nous donne accès aux portails du temple et il nous suffit de frapper et de demander notre admission pour que nous soyons admis à franchir le seuil. A ce sujet, on sépare le « sacré » du «profane » et cette dernière appellation s’applique à tous ceux qui ne sont pas « initiés ».  Je verrais plutôt la chose autrement : il y a des indiscrets, des curieux et des « profanes », c’est-à-dire ceux qui se tiennent devant le «fanum » (le terrain consacré). Pour ces derniers, s’ils se tiennent devant le fanum, c’est qu’ils en connaissent l’existence et qu’ils ont déjà un aperçu, qu’ils ont déjà fait quelques recherches et qu’il ne leur manque que de frapper aux portes. Puis il y a les curieux, qui passent devant, qui savent bien que ça existe, mais que finalement, ce n’est pas leur tasse de thé même s’ils admettent que d’autres y entrent. Puis il y a les indiscrets, qui collent leur œil au trou de la serrure et leur oreille contre la porte, mais qui prennent le large si on les invite simplement à entrer.

 

Pour en revenir au sujet du secret et du silence, on ne saisit pas tout de suite l’intérêt de cette discipline, pourtant, elle est nécessaire. Lorsqu’on s’astreint ou qu’on est astreint au silence, on finit par s’intérioriser, et donc, par écouter la voix de notre conscience, notre propre maître intérieur, ainsi qu’à écouter les autres, même leurs silences. C’est donc une étape nécessaire et fondamentale pour développer notre intuition. Ensuite, garder le secret sur les cérémonies et les symboles, c’est leur permettre de faire leur œuvre en nous et de nourrir notre être intérieur, c’est garder nos forces et permettre un certain processus de maturation. C’est permettre que les graines qui sont semées en nous s’enfoncent dans le sol, germent lentement, et arrivent à maturité. Disserter sur ces sujets avec ceux qui ne sont pas concernés, c’est stériliser notre propre terre et celle des autres, c’est jeter les semences aux vautours et c’est casser les outils qui doivent permettre de  cultiver notre propre jardin, laissant de ce fait croître les ronces là où on voulait faire pousser de belles plantes.

 

En revanche, il n’est pas interdit de partager les fruits de notre travail avec qui le veut sincèrement. Secret donc sur les semences, sur les outils, sur la méthode de travail, mais partage de la récolte, en premier lieu avec nos frères et sœurs, bien sûr, puis avec nos amis et nos connaissances, l’un n’est pas antinomique de l’autre. Pas de cachoterie, mais une discrétion de bon aloi, qui laisse l’espace libre, qui n’encombre pas son monde, et qui respecte l’autre (rien n’est plus fatigant qu’un être trop zélé qui, parce qu’il a trouvé ce qui lui correspond, se croit obligé de parler sans discernement de sa découverte et de convertir des gens parfaitement indifférents à ce sujet). Et par la capacité d’écoute que l’initié a pu développer, il est à même d’aider son prochain par des paroles prononcées au bon moment,  par une discussion sereine et dépassionnée ou par des actes significatifs.

 

Vous remarquerez les nombreuses métaphores jardinières employées dans ce message, mais c’est justement qu’on attribue au jardinier des vertus telles que la patience et la persévérance. Or, ces vertus ne peuvent s’épanouir que si nous respectons un certain silence, une certaine qualité de silence, qui n’est pas mutisme, mais plénitude.

Le jardinier du silence (ou le pourquoi du secret). dans Discussion générale 7699424-emoticone-en-signe-de-silence-264x300

(*):http://tolerance-fraternite.net/travaux_individuels/etatsdusilence.pdf

(**): http://fr.calameo.com/read/0003289659cf464e34f55

Gaudius

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Lumière

Posté par leblogdegaudius le 10 décembre 2012

Dans quelques jours, ce sera le solstice d’hiver, qui précède les fêtes de Noël et du Nouvel An. Les jours ont décliné à une vitesse phénoménale, le corps ressent une certaine lassitude et si ce n’étaient les impératifs économiques qui nous poussent à agir, nous rentrerions tous en hibernation.  L’hiver est le temps de l’intériorisation et de la méditation. Dans les rues, les guirlandes illuminent les rues, comme pour nous rappeler inconsciemment que la lumière est toujours là. C’est aussi une époque de fièvre, pas seulement acheteuse, mais de réjouissance, comme si, inconsciemment, nous retrouvions quelque chose de perdu.

 

Au sein de toutes les traditions, on s’apprête à fêter l’année qui se termine, et celle qui commence.

Les passages en italique qui suivent sont empruntés à quelques exposés de rosicruciennes et de rosicruciens, que je remercie pour leur aimable autorisation.

 

Ainsi le solstice de la Saint Jean d’hiver, la fête de Noël, la Fête de la Lumière chez les Rosicruciens ou la Fête de Yeschouah chez les Martinistes reflètent intérieurement le grand mystère du Cosmos à l’homme en quête d’éveil.

 

D’un point de vue astronomique, il faut savoir que

 

… en été, le Soleil se lève proche du nord-est, puis il s’approche de l’est qu’il franchit en automne. Passé l’automne, il se décale de plus en plus vers le sud-est jusqu’en hiver. A ce moment, il va rebrousser chemin pour repartir vers l’est qu’il franchit au printemps puis se dirige vers le nord-est d’où il rebroussera en été, et ainsi de suite. Aux époques, où le Soleil « rebrousse chemin », et ce pendant trois jours, il semble se lever sur le même point d’horizon. C’est le solstice : le «Soleil arrêté » (sol-sistere). Aux solstices, le Soleil se situe sur les cercles tropiques. Et le terme tropique, provient du grec tropos qui signifie demi-tour.

 

De même,… il est admis qu’il faut que le Soleil se situe à – 18° sous l’horizon pour que la nuit soit noire, sinon c’est encore le crépuscule…

 

D’un point de vue astrologique, le 21 décembre signale l’entrée du soleil dans le signe du Capricorne. Le Capricorne est considéré d’un point de vue traditionnel comme « la porte des dieux », la porte de la naissance dans le monde des Esprits (initiation, mort symbolique) ; opposé à son signe contraire, le Cancer, qui est « la porte des hommes », celle de naissance dans le monde physique. La lumière « solaire » (réflexive, rationnelle) laisse place à la lumière « lunaire » (intuitive, analogique). Rappelons le, cette période est propice à l’intériorisation, à la méditation et au recueillement.

 

Mais la période du solstice d’hiver est aussi l’époque des grands Avatars, des différents rédempteurs de l’humanité : Krishna, Horus, Mithra…. et bien sûr,            Jésus-Christ. A la « remontée » de l’âme humaine répond la « descente » d’un principe divin, comme pour un mariage mystique.

 

Que dit la tradition chrétienne ?

 

Selon la Tradition, Saint Jean l’évangéliste est la personnification de la lumière crépusculaire du soir, celle qui embrase le ciel lorsque le soleil vient de disparaître sous l’horizon. Le disciple préféré du maître fut, en effet, le confident de ses enseignements secrets, réservés aux intelligences d’élite des temps futurs. On lui attribue l’apocalypse, qui, sous prétexte de dévoiler les mystères chrétiens, les masque sous des énigmes calculées pour entraîner les esprits perspicaces au-delà des étroitesses du dogme. Aussi est-ce de la tradition johannite que se sont prévalues toutes les écoles mystiques, qui, sous le voile de l’ésotérisme, ont visé ã l’émancipation de la pensée. La doctrine du verbe fait chair, c’est-à-dire de la liaison divine incarnée dans l’humanité, remonte d’ailleurs, ã travers Platon, aux conceptions des anciens hiérophantes.

Ce solstice d’hiver, c’est-à-dire Noël, est la descente du Verbe Divin dans  » les parties inférieures de la terre « , comme dit St Jean, jusqu’au centre obscur de la Nature afin de l’illuminer, car  » Il doit tout remplir « , conformément à la parole de l’Écriture :  « Lux in tenebris lucet, »

Donc, , le moment de ce solstice est un moment qui nous permet de prendre conscience de la présence de l’esprit dans la matière, comme un éclair de lumière dans l’obscurité. Car le passage d’un état à un autre consiste toujours en une mort dans un cycle précédent et une naissance dans le cycle suivant. Ce processus de naissance et mort, mort et renaissance, appelé initiation, a lieu dans le Temple, creuset du voyage intérieur et image symbolique du Cosmos ou du monde manifesté.

 

Le solstice d’hiver est la fête d’une lumière plus subtile, que seule peut révéler une connaissance intérieure,

 

Comme le souligne encore la tradition chrétienne,   » La Lumière luit dans les Ténèbres, les Ténèbres ne peuvent L’atteindre « .

 

Aussi bien d’un point de vue symbolique que d’un point de vue géographique, la Lumière (entendu : spirituelle), issue du Logos, prend naissance au Nord, au plus noir de la nuit comme au plus froid de l’année. Elle n’est perceptible qu’au sein du silence intérieur de qui a su faire un instant taire ses bavardages devant l’ineffable.

 

Du côté « païen » : pourquoi le premier mois de l’année nouvelle est le mois de janvier ?

 

« La dénomination de janvier (“januarius”), mois par lequel s’ouvre l’année, provient du nom du dieu romain Janus (de “janua” qui signifie porte). En tant que dieu du passage d’un cycle à l’autre et, plus généralement, d’un état à un autre, il est habituellement représenté par un visage à double face dont l’une regarde vers le passé et l’autre vers l’avenir. Cependant, entre le passé qui n’est plus et le futur qui n’est point encore, il n’y a de place que pour l’imperceptible présent. Un présent au-delà de l’ordre temporel, où la succession se mue en simultanéité, où toute chose rejoint l’impérissable, l’éternité. Aussi, le vrai visage de Janus, celui de l’éternel présent, est-il invisible. “Maître du triple temps”, Janus est avant tout le “Seigneur de l’éternité”.

Janus, le gardien des portes du cycle annuel, est représenté avec deux clés, ses principaux attributs. Ces portes ne sont autres que les portes solsticiales qui donnent accès aux deux phases du soleil. C’est l’ombre et la lumière;

 

Pour en revenir à la tradition chrétienne, notons que la Crucifixion et l’Ascension ont eu lieu à midi : de « minuit  » à  » midi « , c’est le trajet de la rédemption faisant passer le monde et l’homme des ténèbres à la lumière. La fixation de la fête de Noël au 25 décembre correspond au solstice d’hiver, le point où le soleil, arrivé au plus bas de sa course annuelle, recommence à s’élever dans le ciel ; cette « porte solsticiale  » était appelée dans l’Antiquité, la  » porte des dieux « , nous dit Porphyre, c’est-à-dire le passage par où l’on s’élève aux états supérieurs.

On comprend mieux combien ce symbolisme s’applique merveilleusement au Christ qui est le  » Soleil de justice  » dont la naissance fut saluée comme celle de « l’astre se levant d’En-Haut, pour éclairer ceux qui sont assis dans les ténèbres et l’ombre de la mort, pour diriger nos pas dans la voie de la paix » (St Luc 1, 78-79).^

Si nous prenons donc le temps de méditer sur les aspects philosophiques et spirituels des fêtes de fin d’année, peut-être en feront nous un point de départ pour une certaine quête intérieure ?  Puissent donc les prochains jours vous apporter  joie, régénération intérieure et, selon la formule rosicrucienne consacrée, Paix Profonde.

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Gaudius

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Serge TOUSSAINT: Lettres ouvertes

Posté par leblogdegaudius le 3 décembre 2012

Il m’a semblé opportun de vous faire part des « Lettres ouvertes » que Serge Toussaint adresse régulièrement au public dans son blog. Il propose une vision humaniste et en appelle au rassemblement des bonnes volontés. Pour ceux que cela peut intéresser, elles sont aussi disponibles sur ce site:

http://www.blog-rose-croix.fr/category/lettres-ouvertes/

http://www.rose-croix-et-societe.fr/

 Description:

Tradition et société

Les Rose-Croix sont trop souvent perçus comme des mystiques préoccupés uniquement par la dimension spirituelle de l’existence, au détriment de son aspect matériel. Si besoin était, les textes que l’A.M.O.R.C. destine régulièrement au public prouvent que ses responsables observent avec beaucoup d’attention et d’intérêt la marche du monde. Ainsi, au-delà des clivages religieux et politiques, ils font connaître de temps à autre leur point de vue sur la société et sur l’orientation qu’il faudrait lui donner pour que son avenir soit aussi positif que possible. Ces textes ont été rassemblés ici pour permettre à chacun d’en prendre connaissance

Appel des Rose-Croix à la non-violence

Publié le 1 juillet 2011

 

À tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté

Serge TOUSSAINT: Lettres ouvertes appel-non-violenceComme chacun sait, nous vivons dans une société de plus en plus violente, et le nombre d’assassinats, de crimes et d’agressions en tous genres ne cesse d’augmenter, avec son lot de victimes et de familles meurtries. Pris dans la tourmente, les écoles, les collèges, les lycées, les facultés et les universités, qui par nature devraient être des lieux paisibles et sécurisants, sont désormais le théâtre d’une violence quasi quotidienne, qui va du harcèlement au crime, en passant par le racket.

 

Malgré l’évidence du constat, certains idéologues continuent à dire que la société actuelle n’est pas plus violente qu’il y a quelques décennies, et que si elle semble l’être, c’est uniquement parce que les médias la mettent en exergue et l’utilisent pour alimenter leurs chroniques, sachant qu’elle est malheureusement un pôle d’intérêt plus ou moins morbide pour de nombreux lecteurs, auditeurs, téléspectateurs et internautes. De mon point de vue, cette vision des choses est erronée et s’apparente au mieux à une forme d’angélisme, au pire à une forme de complaisance irresponsable.

Face à cette montée généralisée de la violence, beaucoup de personnes s’interrogent sur les causes de cette situation à la fois dramatique et préoccupante. Nombre de raisons consensuelles sont évoquées, tant par les “citoyens de base” que par les “élites” : chômage, misère sociale, sentiment de frustration, impression d’insécurité, échec scolaire, etc. Certes, ce sont là des facteurs générateurs de violence, mais je pense que sa cause majeure réside dans la violence elle-même, telle qu’elle est exaltée à la télévision, au cinéma, sur internet et à travers les jeux vidéo.

Certains psychologues prétendent que la violence qui s’exprime à travers les films et les jeux vidéo est utile, en ce sens qu’elle permettrait aux personnes qui les regardent ou les utilisent d’exprimer et d’exorciser la violence que tout être humain possède à l’état latent, leur évitant ainsi de passer à l’acte. En ce qui me concerne, il est évident que cette violence virtuelle ne fait qu’entretenir, développer et banaliser celle qui sévit dans la société, à tel point que certains crimes et délits s’inspirent de scènes vues sur le “petit” ou le “grand” écran. Prétendre qu’elle sert d’exutoire est un non-sens absolu.

Pour éradiquer la violence, il ne suffit pas de lutter contre les inégalités, les discriminations, les frustrations, les échecs, etc. Il faut également faire en sorte qu’elle ne soit plus aussi présente dans les films et autres supports audio et vidéo. Certes, nul n’est obligé de regarder ce genre de films ou de s’adonner à des jeux violents, mais dès lors qu’ils sont proposés au grand public, on doit bien se douter que des milliers, voire des millions de personnes (adultes, adolescents et enfants) le feront, avec tout ce qui en résulte de négatif pour eux-mêmes et la société en général.

Que faire pour que la violence soit moins présente à la télévision et au cinéma ? L’idéal serait que les programmateurs, les producteurs, les réalisateurs, les acteurs et autres personnes impliquées prennent conscience qu’ils contribuent à l’exalter et à la banaliser, et que chacun d’eux cesse de le faire à son niveau. Hélas, la violence est devenue un produit marketing qui profite financièrement à tous ceux qui la mettent en scène. Pour qu’elle disparaisse des écrans, il faut donc faire en sorte qu’elle soit moins “consommée”, notamment par les jeunes. Cela pose naturellement tout le problème de l’éducation.

Les choses étant ce qu’elles sont, force est de constater que la violence est devenue une culture qui s’étend désormais à tous les pays et tous les milieux sociaux. Fondée sur la loi du plus fort ou du plus puissant, elle prend des formes diverses et s’attaque aussi bien aux corps qu’aux esprits. Qu’elle soit physique ou psychologique, elle est plus que jamais une atteinte à la dignité et à l’intégrité de la personne humaine. Tel un cancer, elle ronge le corps social et l’affaiblit, non sans provoquer des tensions et des réactions sécuritaires préjudiciables au « Vivre ensemble».

Pour mettre un terme à cette culture de la violence, il n’y a pas d’autre solution que de promouvoir une culture de la non-violence, ce à quoi les Rose-Croix se sont toujours consacrés depuis leur émergence au XVIIe siècle. Et quoi qu’on en dise, c’est avant tout aux parents de le faire. Certes, les enseignants doivent également se sentir concernés, mais leur rôle premier est d’instruire et non pas d’éduquer. Si l’on se décharge autant sur eux pour assumer l’éducation des enfants et des adolescents, c’est malheureusement parce que nombre de parents ont démissionné dans ce domaine ou n’ont plus les repères voulus.

Par définition, l’instruction consiste à transmettre des connaissances en vue de contribuer à la culture générale des enfants, puis à préparer les adolescents à entrer dans le monde professionnel. Quant à l’éducation, elle a pour but de leur inculquer des valeurs civiques et éthiques, pour ne pas dire morales, et à travers elles le respect que l’on doit manifester aux autres, que ce soit dans le cadre familial, dans le milieu scolaire, ou dans l’environnement social. Parmi ces valeurs, il y a notamment ces qualités que sont la patience, le courage, la tolérance, l’honnêteté, la générosité, et naturellement la non-violence.

Pour inculquer la non-violence à leurs enfants, la première chose à faire pour les parents consiste à leur donner l’exemple d’un comportement non-violent, tant au sein de la cellule familiale qu’à l’égard des personnes qu’ils côtoient ou rencontrent dans leur vie sociale. Cela suppose pour eux de se montrer aussi calmes et paisibles que possible au quotidien, et de s’évertuer à réagir tout aussi calmement et paisiblement en cas de provocation, voire même d’agression. Certes, cela nécessite, sinon une certaine maîtrise de soi, du moins la volonté de se maîtriser lorsque cela est nécessaire. Mais l’enjeu n’en vaut-il pas la peine ?

Donner l’exemple d’un comportement non-violent ne suffit pas pour éveiller les enfants à la non-violence. Il faut aussi que les parents, et les adultes en général, condamnent la violence sous toutes ses formes, y compris verbale et écrite, comme c’est le cas à travers les “réseaux sociaux”. Il faut également qu’ils ne la cautionnent pas. Compte tenu de ce que j’ai dit précédemment au sujet des films violents, cela implique qu’ils ne laissent pas leurs enfants les regarder, mais qu’eux-mêmes ne les regardent pas. Dans le même ordre d’idée, cela suppose qu’ils ne se livrent pas à des activités violentes, et dissuadent leurs enfants de le faire.

Puisque la violence est un vecteur de désagrégation sociale, et puisque la non-violence fait partie des vertus que l’éducation devrait inculquer, permettez-moi de rappeler les paroles de Platon, à l’aube du déclin de la civilisation grecque : « Lorsque les pères s’habituent à laisser faire les enfants, lorsque les fils ne tiennent plus compte de leurs paroles, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu’ils ne reconnaissent plus au-dessus d’eux l’autorité de rien ni de personne, alors, c’est là en toute beauté et en toute jeunesse le début de la tyrannie. »

Comme c’était le cas pour les idées exprimées dans l’« Appel à la tolérance » lancé le 1er septembre 2010, toujours en ligne sur ce blog, celles que je viens de partager avec vous doivent sembler évidentes à la plupart d’entre vous. Néanmoins, si vous voulez les soutenir plus ouvertement, je vous propose d’inscrire vos nom et prénom à la suite de cet « Appel à la non-violence », et éventuellement la ville et le pays où vous résidez. Si vous connaissez des personnes susceptibles d’y adhérer, n’hésitez pas à le leur faire connaître. Comme vous l’aurez compris, le but de cet Appel est d’exprimer notre désir de contribuer individuellement et collectivement à l’avènement d’une culture de la non-violence, condition pour que la société s’apaise et se régénère, dans l’intérêt de tous et de chacun.

Avec mes meilleures pensées.

Fraternellement.

Serge Toussaint
Grand Maître de l’Ordre de la Rose-Croix

 

Appel des Rose-Croix à la tolérance

Publié le 1 septembre 2010

 

logo_toleranceÀ tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté Comme chacun peut le constater, l’humanité va mal et se déchire dans des divisions de tous ordres. Outre la crise financière, économique et sociale à laquelle elle est confrontée depuis plusieurs années, elle est en proie à nombre de tensions, de conflits et de guerres dont la plupart ont leur origine dans une faiblesse majeure de la nature humaine : l’intolérance. Cela laisse supposer que si la majorité des êtres humains faisaient preuve de tolérance dans leurs jugements et dans leur comportement, le monde irait beaucoup mieux et s’en trouverait considérablement apaisé, ce que chacun devrait souhaiter.

 

Mais qu’est-ce que la tolérance ? D’une manière générale, c’est l’aptitude à respecter les idées qui sont différentes des nôtres et même qui s’y opposent, et ce, dans tous les domaines : religieux, politique, culturel, artistique, etc. Je pense que le meilleur moyen de nous montrer tolérants dans la vie courante est de reconnaître que nous sommes imparfaits, que nous ne savons pas tout, et que nous sommes sujets à l’erreur. Cela n’est pas facile, car nous avons tous un ego, et celui-ci, en raison même de sa nature, nous incite généralement à croire que nous sommes, sinon parfaits, du moins bien meilleurs que nous ne le sommes. C’est également sous son influence que nous avons tendance à considérer que nous avons raison de penser, de dire et de faire ce que nous pensons, disons et faisons en telle ou telle circonstance.

L’un des domaines où l’intolérance crée le plus de dommages est la religion. Combien de crimes et de guerres a-t-elle générés au cours de l’Histoire ? Combien de divisions, de disputes et de fâcheries a-t-elle causées dans les familles ou entre amis ? Et malheureusement, il en est toujours ainsi. Pourtant, aucune religion n’a le monopole de la Foi, et aucune ne connaît la Vérité. Si Moïse, Bouddha, Jésus, Mahomet et autres messies ou prophètes du passé revenaient sur Terre, il ne fait aucun doute qu’ils condamneraient toutes les formes d’intégrisme et de fanatisme auxquels les religions, qui sont respectables en elles-mêmes, ont donné naissance au cours des âges. Et si Dieu existe, au sens qu’elles Lui donnent à travers leur credo respectif, Il est le même pour tous. Dès lors, comment penser qu’Il puisse soutenir ou cautionner la malveillance, la rancœur et la haine ?

S’il est essentiel que les dirigeants et les fidèles de toutes les religions se montrent tolérants les uns envers les autres et se considèrent mutuellement comme des croyants plutôt que comme des fidèles de tel ou tel culte, il faut également qu’ils respectent tous ceux qui ne croient pas en Dieu et ne mènent aucune quête religieuse ou spirituelle. Inversement, ces derniers doivent comprendre et admettre que l’on puisse être croyant et puiser dans la Foi, sinon une raison de vivre, du moins un idéal de vie. Malheureusement, comme c’est le cas de la religiosité, l’athéisme génère parfois des comportements intégristes, notamment lorsqu’il est militant et qu’il dévoie la laïcité à des fins laïcistes.

La politique est également un domaine où règne l’intolérance, avec tout ce qui en résulte en termes de tensions, de divisions, d’oppositions, de rivalités, etc, non seulement entre les citoyens d’un même pays, mais également entre les nations. Si tel est le cas, c’est parce que chacun projette en elle son vécu, ses pulsions, ses frustrations, ses convictions, ses aspirations, ses angoisses, etc. Mais là encore, aucun parti ni aucun système, aussi démocratique soit-il, ne détient la Vérité à l’exclusion des autres, d’où la nécessité de dialoguer, d’échanger et de puiser dans des points de vue différents une opportunité de remettre les nôtres en cause. En cela, le sectarisme politique est tout aussi destructeur que le sectarisme religieux, notamment lorsqu’il se confond avec le pouvoir.

Dans tous les pays, la plupart des gens aspirent à la paix, car ils savent, au plus profond d’eux-mêmes, qu’elle est indissociable du bien-être et du bonheur qu’ils recherchent. Mais celle-ci correspond à un état idéal qui ne peut être atteint que si chacun exprime le meilleur de lui-même, c’est-à-dire manifeste autant que possible les qualités les plus positives dont l’être humain est capable. La tolérance est l’une des plus importantes, ce qui fit dire à Nicolas Roerich (1874-1947), peintre et écrivain rosicrucien de renommée internationale, promoteur d’une «culture de la paix»:«Nous pouvons être de véritables coopérateurs de l’Évolution. En cela, la connaissance véritable est basée sur la tolérance réelle ; de la tolérance réelle vient la compréhension absolue ; de la compréhension absolue naît l’enthousiasme pour la paix, qui éclaire et purifie».

Naturellement, il n’y a pas que dans les domaines de la religion et de la politique qu’il faut s’employer à être tolérant. Chaque jour, nous sommes amenés à discuter avec d’autres personnes sur des sujets divers, que ce soit dans le cadre de notre vie familiale, de notre activité professionnelle, de nos relations sociales et amicales, etc. Au cours de ces discussions, des idées, des opinions et des avis différents et même opposés sont nécessairement émis. C’est précisément en de telles circonstances que nous devons savoir faire preuve d’ouverture d’esprit et de tolérance. Cela implique d’échanger avec nos interlocuteurs, sans vouloir absolument les convaincre que nous avons raison ou, ce qui revient au même, qu’ils ont tort. Et si nous sommes en désaccord avec eux, sachons leur expliquer pourquoi, calmement et sans agressivité.

Une remarque s’impose néanmoins : la tolérance ne consiste pas à tout tolérer. En effet, il y a des situations, des attitudes, des comportements, des propos, etc., qui sont intolérables. D’une manière générale, il en est ainsi de tout ce qui porte atteinte à la personne humaine et à la nature. L’accepter ou s’y résoudre ne relève pas de la sagesse, mais de la faiblesse, voire de la lâcheté. À titre d’exemples, le racisme comme la xénophobie ne doivent pas être tolérés, pas plus que l’esclavage et la tyrannie. Il en est de même des mauvais traitements infligés aux animaux et des ravages causés à l’environnement. Être tolérant, ce n’est donc pas être laxiste, permissif ou libertaire. Ceci doit vous sembler évident ; il est donc inutile d’insister davantage sur ce point.

L’Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix, connu pour sa contribution à la culture et à la paix entre les peuples, a toujours eu pour devise : « La plus large tolérance dans la plus stricte indépendance ». En application de cette devise, il compte parmi ses membres des Chrétiens, des Juifs, des Musulmans, des Bouddhistes, des Hindouistes, etc., mais aussi des personnes qui ne suivent aucune religion particulière. De même, les Rosicruciens diffèrent par leurs opinions politiques, qui sont parfois opposées, sans que cela ne pose problème entre eux. S’il en est ainsi, c’est précisément parce qu’ils respectent le droit à la différence et s’évertuent à être tolérants les uns envers les autres. Ce qui est possible au sein d’une fraternité comme l’A.M.O.R.C. doit l’être également au niveau de l’humanité. Il s’agit essentiellement d’une question de volonté individuelle et collective.

Nous savons tous que notre planète est devenue un seul pays, et il paraît évident que les êtres humains sont appelés de plus en plus à se mêler, pour ne pas dire à se mélanger. Il s’agit d’un processus naturel qui s’inscrit dans l’évolution de l’humanité. Sous l’effet de ce processus, qui s’est accentué au cours des dernières décennies et qui ira en s’intensifiant, les races, les nationalités, les cultures, les religions, les partis politiques, etc., vont devoir coexister et même coopérer dans l’intérêt de tous et de chacun. Si nous voulons que cette coopération se fasse harmonieusement et paisiblement, nous devons la placer sous les auspices de la tolérance et cultiver en nous le désir de nous comporter véritablement comme des citoyens du monde.

Certes, ces quelques réflexions n’ont rien d’original en elles-mêmes, mais si vous les partagez et si vous souhaitez les soutenir, je vous invite à souscrire à cet «Appel à la Tolérance» en vous engageant personnellement, vis-à-vis de vous-même, à faire tout votre possible pour vous montrer tolérant(e) dans vos relations avec autrui. Dans ce cas, inscrivez vos nom et prénom sur ce blog, dans la rubrique concernée, ainsi que la ville et le pays où vous résidez si vous n’y voyez pas d’inconvénients. Le nécessaire sera fait pour que vous figuriez sur la liste des signataires. Naturellement, vous pouvez proposer à des personnes de votre connaissance de le faire également. Ensemble, nous manifesterons ainsi notre volonté d’œuvrer à l’avènement d’un monde où la tolérance n’aura d’égal que le désir d’instaurer l’unité dans la diversité, prélude à l’émergence d’une nouvelle humanité.

Dans les liens qui nous unissent au-delà de nos différences, recevez mes meilleures pensées.

Fraternellement.

Serge Toussaint
Grand Maître de l’Ordre de la Rose-Croix

 

Lettre ouverte des Rose-Croix aux Citoyens et aux Citoyennes du monde

Publié le 28 octobre 2008

 

Le 28 octobre 2008 – Année R+C 336

Si nous avons souhaité vous adresser cette lettre ouverte, c’est parce qu’il nous a semblé utile et nécessaire de le faire. Naturellement, nous sommes tout à fait conscients que les propos qui vont suivre ne feront pas l’unanimité et susciteront des désaccords, des oppositions et même des critiques. Profondément respectueux de la liberté d’opinion, nous laissons à chacun le droit de les juger à l’aune de ses propres convictions. Au moins auront-ils eu le mérite de nourrir la réflexion des uns et des autres.

Pour dire les choses comme nous les pensons, nous avons le sentiment que l’Humanité est en proie à une folie collective et qu’elle a perdu tout repère : les émissions les plus affligeantes de bêtise, de vulgarité et d’impudeur, font des records d’audience ; le voyeurisme atteint des sommets ; on fait croire que le but de l’existence est de devenir riche et célèbre, si possible rapidement et sans effort ; la violence, déjà omniprésente dans la vie quotidienne, est exaltée à la télévision et au cinéma ; les médias se sentent obligés de mettre en exergue ce qu’il y a de plus sombre dans la nature humaine ; on qualifie de stars ou d’artistes des personnes dont la qualité première est d’être à la mode ou de plaire à une pseudo élite ; le jeunisme fait des ravages ; on confond « humour » et « raillerie » ; le culte de la personnalité n’a d’égal que celui du corps ; on glorifie la grossièreté et on fustige le raffinement ; le culot, l’impertinence et l’insolence sont élevés au rang de vertus, etc.

La crise financière, économique et sociale à laquelle le monde est confronté depuis plusieurs années n’est pas sans rapport avec ce que nous venons de dire, et l’on aurait tort de l’attribuer uniquement à la dérive d’un système financier et bancaire perverti. Sa cause réside également dans un dérèglement généralisé de la société, notamment dans les pays que l’on dit “développés”. À grand renfort de publicités souvent mensongères et de crédits en tous genres, on incite les gens à consommer coûte que coûte et à faire de l’« avoir » un idéal de vie, au détriment de l’« être ». Par là même, on a fait de l’argent, fut-il virtuel, le fondement d’un “consommisme” effréné. Alors qu’il devrait être un moyen d’échange permettant à chacun de se procurer ce dont il a besoin pour vivre décemment sur le plan matériel, il est devenu un but en soi, au mépris de toute éthique. Il n’a sans doute jamais été un tel agent d’avilissement, un tel vecteur de corruption et une telle source d’inégalité sociale. Faisant office de nouvelle idole, il ne compte plus ses adeptes au royaume de l’avidité et de la cupidité.

Parmi vous, certains penseront que ce constat est trop sévère, voire trop négatif, et qu’il traduit une vision excessivement pessimiste du monde actuel. D’autres iront peut-être jusqu’à présumer qu’il est l’oeuvre d’idéologues réactionnaires en quête d’ordre moral. Pourtant, notre philosophie nous incline à l’optimisme et même à l’utopisme. Quant à la morale, nous en avons une approche que toute personne intelligente et sensée devrait partager, puisque nous voyons en elle le respect de soi-même, d’autrui et de l’environnement, ce qui n’a rien de moralisateur, ni même de moraliste. Aussi, nous pensons que notre jugement sur l’état de l’Humanité est simplement réaliste. Nous allons donc poursuivre en partant du principe que vous le partagez, ne serait-ce qu’en partie. [...]

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Lettre ouverte des Rose-Croix aux parents que nous sommes, avons été ou serons

Publié le 13 juillet 2012

 

Le 13 juillet 2012 – Année R+C 3365

 « De tous les arts, l’éducation est le plus spirituel, car il s’applique sur des âmes
en voie d’évolution et conditionne le futur de l’humanité
. »

Pythagore (VIe siècle avant Jésus-Christ)

Lettre ouverte aux parents que nous sommes, avons été ou serons

Depuis longtemps, et peut-être parce que j’ai enseigné plusieurs années, l’éducation est un sujet qui me préoccupe et auquel je m’intéresse. Or, force est de constater qu’elle est en perdition. Nous sommes d’ailleurs de plus en plus nombreux à dire qu’il n’y a plus de respect, que l’incivilité se généralise, que la violence se banalise, que l’incivisme est devenu une culture, etc. Or, rappelons les paroles de Platon, alors que se profilait la décadence de la civilisation grecque :

 

« Lorsque les parents s’habituent à laisser faire les enfants, lorsque les enfants ne tiennent plus compte de leurs paroles, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu’ils ne reconnaissent plus au-dessus d’eux l’autorité de rien ni de personne, alors, c’est là en toute beauté et en toute jeunesse le début de la tyrannie. »

Cette lettre ouverte ne vise aucun but moraliste ou moralisateur. Elle n’a pas non plus de visée fascisante ou réactionnaire. Son objectif est plutôt de partager avec vous des idées générales sur l’éducation. Peut-être serez-vous en désaccord avec elles ? C’est votre droit, mais au moins auront-elles suscité la réflexion sur un sujet qui nous concerne tous, à savoir le devenir de nos enfants et, par là même, l’avenir de la société et de l’humanité dans son ensemble.

Tout d’abord, il me semble important d’établir une distinction entre l’éducation et l’instruction, car on a tendance à confondre les deux. Éduquer un enfant, c’est lui inculquer des valeurs civiques et éthiques, afin qu’il se comporte aussi dignement que possible dans son milieu familial et dans la société. Chacun devrait convenir que c’est avant tout aux parents d’assumer ce rôle et cette responsabilité, d’autant que ce sont eux qui, en règle générale, passent le plus de temps avec leurs enfants et connaissent le mieux leur personnalité.

Instruire un enfant, c’est lui transmettre des connaissances en vue de contribuer à sa culture générale, puis de le préparer à entrer dans le monde professionnel et ce que l’on appelle communément la « vie active ». Cette mission revient aux enseignants qui, en principe, ont les compétences nécessaires, tant sur le plan théorique que pratique. J’ai d’ailleurs toujours pensé que l’appellation « Éducation Nationale » n’était pas appropriée en France, et qu’il serait préférable de parler d’« Instruction Nationale » ou d’« Instruction Publique », ce qui éviterait toute ambiguïté.

Les remarques précédentes ne doivent pas laisser supposer que les enseignants n’ont pas à intervenir sur le plan éducatif, mais ce n’est pas leur responsabilité première. Malheureusement, nombre de parents se déchargent sur eux pour éduquer leurs enfants, incapables qu’ils sont de le faire eux-mêmes, le plus souvent parce qu’ils n’en ont pas la volonté ou parce qu’ils n’ont plus les repères nécessaires. J’ajouterai que si les élèves étaient plus disciplinés, ceux et celles qui sont chargés de les instruire auraient moins de difficultés à le faire et seraient plus efficaces, de sorte qu’il y aurait moins d’échecs scolaires.

À ce stade de notre réflexion, la question qui se pose est de savoir pourquoi nous en sommes arrivés à ce point critique en matière d’éducation. Il n’y a pas de réponse absolue, dogmatique et définitive à cette question. En revanche, ce qui me semble évident, c’est que nous sommes passés en quelques décennies d’une autorité sclérosante et parfois brutale à une permissivité libertaire. Parallèlement, les droits ont supplanté les devoirs. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix a rédigé en 2005 une « Déclaration rosicrucienne des devoirs de l’Homme », qui a été publiée dans des revues et des journaux de premier plan.

Que l’on ne se méprenne pas : il est légitime, pour tout citoyen, d’avoir des droits et de les revendiquer s’il n’en bénéficie pas, dès lors, naturellement, que cela se justifie. En cela, la « Déclaration universelle des droits de l’Homme » reste à la fois une référence et un guide dans ce domaine. Mais comme Pythagore le disait déjà à son époque, l’harmonie et le bon fonctionnement d’une société reposent sur un équilibre entre les droits et les devoirs de chacun. Lorsque cet équilibre est rompu, la discorde, pour ne pas dire l’anarchie, s’instaure. Puis la dictature fait tôt ou tard son apparition, avec ce qui en résulte en termes de répression et de suppression des libertés.

Précisément, la nécessité d’équilibrer les droits et les devoirs est essentielle en matière d’éducation. En effet, il est très important d’expliquer aux enfants qu’il y a des choses qui se font et d’autres qui ne se font pas, que ce soit d’ailleurs à l’égard d’eux-mêmes ou d’autrui. Cela suppose de poser des interdits, ce qui est devenu “politiquement incorrect” depuis que d’aucuns ont scandé qu’il fallait “interdire d’interdire” et donc s’autoriser à tout autoriser, ce qui revient à tout laisser faire. Un demi-siècle plus tard, chacun peut constater les effets produits par ce genre de préceptes idéologiques.

Certes, il est plus facile de dire « oui » que de dire «non», mais contrairement à ce que pensent de nombreux parents, tout céder à leurs enfants, comme cela est devenu courant, ne garantit aucunement d’être davantage aimés par eux. Souvent même, et au-delà des apparences, ils interprètent cette permissivité comme un manque d’intérêt et même d’affection à leur égard. Quoi qu’il en soit, leur laisser croire que tout est possible est à la fois démagogique et irresponsable, car devenus adolescents puis adultes, ils seront confrontés à des obligations et à des interdictions.

Quelles sont donc les valeurs civiques et éthiques que nous devons inculquer à nos enfants ? La plus importante, me semble-t-il, est le respect d’autrui, sans lequel la vie en société ne peut être harmonieuse. Au risque de paraître quelque peu rétrograde, savoir dire « bonjour », « au revoir », « s’il vous plaît », « merci », « excusez-moi », etc., sont autant de convenances qui permettent d’avoir de bonnes relations avec les autres. De même, aider un aveugle à traverser la rue, porter le sac chargé d’une personne âgée, laisser sa place à un adulte dans le train ou le car, couper son téléphone portable dans les transports en commun ou lors d’une réunion, etc., sont des actes civiques auxquels il faut sensibiliser les enfants.

Quant aux valeurs éthiques que nous devons leur transmettre, elles correspondent à celles qui entrent dans ce que l’on appelait autrefois la «morale». Si je précise « autrefois », c’est parce que ce mot, associé pendant des siècles à la religion, a subi un tel rejet que le seul fait de s’y référer confine désormais à la “ringardise”. De nos jours, il est même en vogue d’être amoral, si ce n’est immoral. Pourtant, la morale, au sens non religieux mais philosophique du terme, désigne tout simplement le respect de soi-même, d’autrui et de l’environnement. Chacun, quelles que soient ses croyances religieuses et ses opinions politiques, devrait pouvoir faire sienne cette définition.

Nous avons dit précédemment ce qu’il en est du respect d’autrui. Appliqué à l’éducation, le respect de soi consiste à faire en sorte que les enfants aient une bonne hygiène de vie : ne pas fumer, ne pas se droguer, ne pas boire d’alcool, ne pas s’éterniser au téléphone portable ou devant l’écran de la télévision ou de l’ordinateur, se coucher à des heures raisonnables, etc. ; autant de comportements auxquels il faut sensibiliser les enfants, en leur expliquant en quoi c’est dans leur intérêt présent et futur. Cela suppose de faire preuve d’autorité si nécessaire et de savoir leur dire « non ».

À propos d’autorité, peut-être est-il nécessaire de préciser qu’elle ne consiste pas à créer des rapports de force avec nos enfants et à “profiter” de notre statut de parents pour les obliger à se conformer à ce que nous leur demandons de faire ou de ne pas faire. Agir ainsi à leur égard s’apparente à de l’autoritarisme, lequel constitue en lui-même un abus de pouvoir et un aveu de faiblesse. Ce qu’il faut, c’est communiquer avec eux et leur expliquer en quoi il est bien pour eux de respecter telle ou telle demande de notre part. S’ils n’en tiennent pas compte, il faut alors sévir et au besoin punir, non pas à des fins répressives, mais dans un but éducatif.

En ce qui concerne le respect de l’environnement, il se situe à deux niveaux : le milieu sociétal et le milieu naturel. Dans le premier cas, il s’agit d’apprendre aux enfants à respecter les biens privés et publics (habitations, matériel urbain, voirie, etc.). En effet, comment tolérer que des maisons soient taguées, des abris de bus détériorés, des pancartes arrachées, etc. ? Dans le second cas, il s’agit de les amener à respecter la nature et même à l’aimer. En cela, l’écologie fait partie intégrante de l’éducation et repose plus que jamais sur les jeunes générations. Il est évident que si rien n’est fait dans ce domaine, l’humanité se condamne à disparaître.

Mais de mon point de vue, l’éducation doit inclure une dimension encore plus élevée que je qualifierai de « spirituelle ». En effet, elle a également pour but d’éveiller chez les enfants des qualités comme la patience, la tolérance, le courage, la générosité, l’intégrité, la non-violence, etc. En effet, ce sont ces qualités qui font la valeur et la dignité de l’être humain. Socrate, considéré comme le « père de la morale », les désignait sous le nom de «vertus» et voyait en elles des attributs de l’âme. Par ailleurs, il pensait que tout individu les possède à l’état latent mais doit les développer, afin de les rendre manifestes dans son comportement.

D’un point de vue philosophique, l’éducation ne se limite donc pas à inculquer des valeurs civiques et éthiques aux enfants. Elle consiste également à les éveiller aux vertus qui sommeillent en eux. L’idéal en la matière est de les élever dans l’idée que tout être humain possède une âme et que le but fondamental de la vie est de rendre cette âme toujours meilleure. Cela suppose d’opter pour une approche spiritualiste de l’existence et d’admettre la présence en nous d’un principe divin. C’est ce qui fit dire à Khalil Gibran que les enfants ne sont pas nos enfants, mais des âmes qui nous sont confiées par la Vie.

Que nous soyons spiritualistes ou non, reconnaissons que l’orgueil, la jalousie, la convoitise, la violence, l’intolérance, etc., n’apportent rien de bon à la société, mais génèrent la discorde entre les citoyens. En fait, ce sont ces défauts de la nature humaine qui sont à l’origine de l’état chaotique du monde. À titre d’exemple, si des millions d’enfants ne mangent pas à leur faim, c’est en grande partie parce que l’égoïsme l’emporte largement sur la générosité dans les comportements individuels et collectifs. De même, s’il y a tant de conflits et de guerres dans le monde, c’est parce que les êtres humains, dans leur ensemble, agissent sous l’impulsion des aspects les plus négatifs de leur ego. À contrario, cela veut dire qu’il ne dépend que de nous de vivre en paix et d’entretenir des relations fraternelles avec tous les êtres.

De toute évidence, l’avenir du monde sera ce que les adultes d’aujourd’hui mais également leurs enfants en feront. Aussi, posons-nous la question : que souhaitons-nous à court, moyen et long terme pour le pays dans lequel nous vivons et pour l’humanité dans son ensemble ? Beaucoup parmi nous, sinon tous, répondront : la paix, la fraternité, la concorde, la prospérité, le bonheur, le bien-être, etc. Or, nous savons que cela n’est possible qu’en apprenant à exprimer le meilleur de nous-mêmes et en apprenant à nos enfants à le faire également. À défaut d’être spiritualiste, cela implique au moins d’être humaniste. Or, l’humanisme, au sens civique et éthique du terme, n’est pas inné dans le comportement humain ; il doit être éveillé, ce qui, à nouveau, pose tout le problème de l’éducation.

Au début de cette lettre ouverte, j’ai insisté sur le fait que l’éducation est de la responsabilité des parents et non des enseignants. Cela dit, les parents et les adultes en général ont tellement perdu les repères voulus pour éduquer correctement leurs enfants qu’il est devenu nécessaire d’enseigner le civisme et l’éthique dans les écoles, et ce comme une matière, non pas secondaire, mais principale. Ainsi, nous leur (re)donnerons le sens des valeurs qui fait souvent défaut aux adultes et en ferons de futurs citoyens respectueux d’eux-mêmes, des autres et de l’environnement. Il ne s’agit pas là d’une position politique ou idéologique, mais d’une simple mesure de bon sens…

Parallèlement à l’instruction civique et éthique qu’il est devenu nécessaire de réintroduire dans les programmes scolaires, les parents que nous avons été, sommes ou serons doivent donner l’exemple aux enfants et aux adolescents : être nous-mêmes polis, courtois, disciplinés, respectueux, etc. Soyons également soucieux d’œuvrer à notre amélioration personnelle et à l’élévation des consciences. Enfin, remettons l’enfant à la place qui devrait être la sienne, à savoir celle d’un adulte en devenir qui a besoin d’être guidé sur le sentier de la vie, ce que nous devons faire, certes avec amour, mais également avec conviction et autorité.

Si vous partagez ne serait-ce qu’en partie le contenu de cette «Lettre ouverte», ou si vous pensez qu’elle peut nourrir la réflexion des uns et des autres, n’hésitez pas à la faire connaître à qui vous semble bon. Dans le cas contraire, ne vous formalisez pas et oubliez-la…

En conclusion, je souhaiterais partager avec vous une citation de Coménius, célèbre Rose-Croix du XVIIe siècle, considéré encore de nos jours comme le père spirituel de l’U.N.E.S.C.O. Les siècles ont passé, mais ses propos restent très actuels :

« Par cette Éducation universelle, tous les êtres humains doivent être munis des connaissances nécessaires à leur vie et y être bien conduits de façon adéquate. Ils doivent apprendre à marcher sur les chemins de la concorde et ne pas pratiquer la discorde, mais au contraire ramener au consensus ceux qui la pratiquent. Leurs réflexions, discussions et actions doivent être zélées et aussi harmonieuses que possible. Si l’on arrivait à réaliser ces objectifs, ils disposeraient du remède contre leur infortune. Mais aujourd’hui, bien peu se soucient de l’avenir ; chacun est en conflit avec tout le monde et en lutte avec soi-même dans ses pensées, ses paroles et ses actes. »

Avec mes meilleures pensées.

Serge Toussaint
Grand Maître de l’Ordre de la Rose-Croix

Prophéties des Rose-Croix

 

Le 13 décembre 2011 – Année R+C 3364

« La plus utile des prophéties est celle qui annonce un monde meilleur. »

Sceau du Grand MaîtreComme vous le savez, la plupart des prophéties émises jusqu’à présent ont annoncé et annoncent encore des événements négatifs et dramatiques pour l’humanité. La crise généralisée à laquelle elle est confrontée depuis plusieurs années semble les accréditer et, par là même, suscite des peurs et des angoisses que certains n’hésitent pas à entretenir et à exploiter à des fins diverses. Les Rose-Croix, quant à eux, ont toujours considéré qu’il ne fallait pas les interpréter à la lettre et que nombre d’entre elles n’avaient au mieux qu’une valeur symbolique ou allégorique. Quoi qu’on en dise, l’avenir du monde sera ce que les hommes en feront individuellement et collectivement, ce qui engage avant tout leur libre arbitre et leurs choix à court et moyen terme. Par ailleurs, nous pensons qu’ils disposent de toutes les facultés physiques, mentales, psychiques et spirituelles voulues pour le rendre positif et permettre ainsi à tous, sans distinction, d’être heureux et de s’épanouir sur tous les plans.

Puisque nous venons de faire allusion aux prophéties négatives, nous saisissons cette occasion pour dire que nous ne souscrivons en aucun cas à celle, relativement récente, qui annonce que la fin du monde se produira en 2012. Malheureusement, cette rumeur, qui relève de la manipulation et que certains médias ont contribué à répandre, a semé le doute et la confusion dans les esprits. C’est ainsi que nombre de personnes fragiles et influençables en sont venues à s’inquiéter, et même à envisager le pire. Comme vous le savez certainement, ceux qui sont à l’origine de cette prophétie la font reposer sur le calendrier maya, censé prendre fin le 21 décembre 2012. Soyez pourtant assuré qu’à l’instar de toutes celles qui ont été avancées jusqu’à présent en relation avec l’“Apocalypse” (1967, 1984, 1993, 2000, pour ne citer que les années les plus récentes), cette date passera sans que le monde ne disparaisse d’ici là dans tel ou tel cataclysme planétaire. Il y aura donc un 1er janvier 2013…

Est-ce à dire que toutes les prophéties du passé étaient fantaisistes, et que toutes celles qui concernent l’avenir n’ont aucun fondement ? Non, à tel point que certaines se sont réalisées. Parmi les plus connues, citons la naissance de Moïse, de Jésus et d’autres Avatars, le déclin des civilisations égyptienne, grecque et romaine, la déclaration de la Première et de la Seconde Guerre mondiales, les révolutions socio-culturelles des années 60, l’émergence de la communauté européenne, etc. On notera que pour la plupart, elles ont concerné des événements qui ont influencé l’évolution des mœurs, des mentalités et des consciences à une échelle plus ou moins grande. Cela étant, on aurait tort de penser qu’elles avaient un caractère inéluctable. Quant à celles qui avaient une connotation négative, elles constituaient plutôt une forme d’avertissement, de mise en garde, de sorte qu’elles auraient pu être évitées si les hommes avaient agi en conséquence.

La question qui se pose également à propos des prophéties est de savoir sur quel principe elles se fondent. Qu’on l’admette ou non, l’univers ne se limite pas à un ensemble d’étoiles, de planètes et autres corps célestes se mouvant dans un espace infini. Il est doué d’une conscience qui intègre le passé, le présent et le futur de tout ce qui participe à son existence et à son évolution. Or, il est possible de s’harmoniser avec cette conscience universelle et d’obtenir des impressions sur l’avenir de l’humanité, ce qui suppose, naturellement, de savoir comment procéder. Précisons également que de telles impressions ne deviennent prophétiques qu’à partir du moment où elles se réalisent. C’est pourquoi, comme nous l’avons dit précédemment, les prophéties, y compris celles qui ont une connotation positive, ne correspondent pas à des événements inéluctables et n’impliquent pas la négation du libre arbitre des hommes.

Indépendamment des prophéties fondées sur des révélations obtenues en s’harmonisant avec la conscience universelle, l’homme est capable de faire des rêves prémonitoires et, grâce à eux, d’entrevoir le futur, ne serait-ce que furtivement. Il peut également l’anticiper au moyen de son raisonnement et de son imagination, dans ce qu’elle a de plus intuitif. C’est d’ailleurs en combinant ces deux facultés que certains grands visionnaires du passé ont prédit ce que l’avenir réservait à l’humanité dans divers domaines. Rappelons que Léonard de Vinci travailla sur des projets qui marquaient une avance considérable sur son temps. Il en est de même de Jules Vernes, qui avait prévu que les hommes voyageraient dans l’espace et au fond des océans. Nul doute également que certains récits et films d’anticipation devancent ce que le monde sera dans quelques décennies et dans quelques siècles.

Les Rose-Croix se sont toujours employés à anticiper l’avenir et à prophétiser ce qu’il réserve de meilleur à l’humanité si elle agit avec sagesse et suit la destinée à laquelle elle est promise. Nous pensons en effet que l’homme n’est pas le fruit du hasard ou d’un concours de circonstances, pas plus que l’univers lui-même. S’il vit sur Terre, c’est pour évoluer spirituellement, c’est-à-dire pour prendre graduellement conscience de sa nature divine et l’exprimer à travers ses pensées, ses paroles et ses actions. Au delà des épreuves et des vicissitudes de l’existence, c’est dans cette quête de sens que se trouve la clé du bonheur auquel il aspire. Par extension, l’humanité dans son ensemble est destinée à instaurer une société idéale, que nombre de sages du passé ont appelé de leurs vœux, et en laquelle de nombreux individus espèrent plus ou moins consciemment.

[...]

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Lettre ouverte des Rose-Croix aux scientifiques

Publié le 3 décembre 2012

 

Le 1er décembre 2012 – Année R+C 3365

LETTRE OUVERTE DES ROSE-CROIX AUX SCIENTIFIQUES
(pour un rapprochement entre la science et la spiritualité)

« Le plus noble emploi que nous puissions faire de la pensée est l’étude des œuvres du Créateur… L’émotion la plus belle et la plus profonde que nous puissions vivre est celle du sentiment mystique».
Albert Einstein (1879-1955) 

De nos jours, la majorité des astrophysiciens s’accordent à dire que l’univers est apparu il y a environ 13,7 milliards d’années, suite à une gigantesque explosion cosmique que la communauté scientifique désigne sous le nom de «big bang». En moins de trois minutes, cette explosion enfanta la lumière, puis les atomes de base (hydrogène et hélium) qui forment les galaxies et les étoiles. Parallèlement sont apparues les notions de temps et d’espace, telles que nous les connaissons actuellement.

 

Désormais, nous savons que l’univers contient des milliards de milliards de galaxies, d’étoiles, de planètes et d’astres divers. Par ailleurs, les scientifiques ont acquis la conviction qu’il continue à se refroidir et à s’étendre, mais n’ont pas de certitude quant à la question de savoir s’il est fini ou infini. Si les recherches entreprises depuis de nombreuses années permettent de mieux comprendre la manière dont il s’est formé et comment il évolue, de nombreux points demeurent inexpliqués. De toute évidence, il y a encore beaucoup à apprendre au sujet de l’univers, et il est peu probable que l’homme parvienne un jour à résoudre toutes les énigmes le concernant.

Étant donné que cette lettre ouverte s’adresse avant tout aux scientifiques, il me semble inutile de rappeler les grandes étapes qui ont marqué la création et l’évolution de l’uni- vers, depuis le big bang jusqu’à son état actuel. En effet, ils les connaissent beaucoup mieux que je ne saurais les décrire. Par ailleurs, on peut les trouver aisément dans des livres traitant de ce sujet, ainsi que dans des documentaires réalisés sur ce thème, lesquels sont de plus en plus explicites et attrayants. En cela, il est réjouissant de constater que l’étude de l’univers, fût-elle “vulgarisée”, est désormais accessible à de nombreuses personnes, y compris aux enfants.

Si la question de savoir comment l’univers s’est formé est digne d’intérêt, celle qui consiste à se demander pourquoi l’est tout autant. Or, très peu de scientifiques s’y intéressent, et ce, pour deux raisons fondamentales. En premier lieu, nombre d’entre eux considèrent que cette question relève davantage de la métaphysique que de la physique, ce qui est vrai. En second lieu, la science en général est plutôt matérialiste dans sa démarche, de sorte qu’elle exclut a priori toute hypothèse spiritualiste. C’est naturellement son droit, mais ce faisant, elle reste prisonnière d’un rationalisme excessif qui tend à limiter le champ de ses recherches et de ses études.

Nous savons désormais que l’univers se réduisait à l’origine à un centre d’énergie aussi prodigieux que minuscule, puisqu’il était plus petit qu’un atome. Or, de cet «atome primordial», comme certains l’ont appelé, ont jailli toutes les galaxies, tous les soleils, toutes les planètes et tous les astres qu’il contient. Ce constat est un tel défi à la raison que l’on peut être tenté d’y voir un “miracle”, à défaut d’un terme mieux approprié. Que dire également du processus qui aboutit à la naissance d’un être humain ? Là aussi, la science connaît les étapes qui marquent le développement de l’embryon puis du fœtus, mais elle est incapable d’expliquer le “miracle” qui permet à un œuf d’à peine un millimètre de diamètre (union d’un spermatozoïde et d’un ovule) de contenir en puissance toutes les cellules et tous les organes d’un corps humain adulte.

Que les scientifiques dont vous faites peut-être partie ne se méprennent pas sur les remarques précédentes. Les Rose-Croix n’adhèrent pas à la notion de “miracle”, au sens religieux du terme. Si certains phénomènes nous semblent “miraculeux”, c’est uniquement parce que nous sommes incapables, à un moment donné de nos connaissances, d’en comprendre la cause. Pour les hommes préhistoriques, le lever et le coucher du Soleil étaient miraculeux. Désormais, nous savons qu’ils sont dus au fait que la Terre tourne à la fois sur elle-même et autour de lui. Au Moyen-Âge, la moindre guérison tenait du miracle dans l’esprit des gens. Depuis, la médecine a beaucoup progressé et traite la plupart des maladies, sans parler de la chirurgie. Cela étant, la science ne sera jamais capable de tout expliquer, tant est vaste ce qu’il lui reste à découvrir et à comprendre.

Il y a environ 4,5 milliards d’années, en périphérie d’une galaxie “ordinaire”, se forme un système solaire probablement semblable à des millions d’autres dans l’univers. Après une très longue période de refroidissement et de transformations en tous genres, l’une de ses planètes, en l’occurrence la Terre, devient le théâtre d’un phénomène absolument extraordinaire, pour ne plus dire “miraculeux” : l’apparition de la vie, d’abord dans les océans sous forme d’êtres unicellulaires, puis sur la Terre elle-même, avec les premiers amphibiens. Dès lors, elle ne cessa de se développer et donna naissance à des êtres vivants de plus en plus diversifiés, depuis les animaux préhistoriques jusqu’aux mammifères et à l’homme lui-même. Là encore, la science est capable de retracer la manière dont la vie a évolué sur notre planète, mais elle ne peut expliquer ce qu’est la vie en tant que telle.

Comme vous le savez, la plupart des religions attribuent l’apparition de la vie sur Terre à Dieu. Selon elles, c’est Lui également qui créa l’univers, en six jours si l’on en croit la Bible. Et d’après la Genèse, l’homme lui-même serait apparu le sixième jour, tel qu’il est actuellement sur les plans physique et mental. Les Rose-Croix ne peuvent que comprendre le désaccord des scientifiques face à cette vision des choses. Comme eux, ils sont, non pas créationnistes, mais évolutionnistes. Autrement dit, ils pensent que l’être humain n’a pas été créé ex nihilo par on ne sait quel Créateur, mais qu’il est le résultat d’une très longue évolution de la vie, à travers des êtres de plus en plus complexes et de plus en plus élaborés. En fait, nous souscrivons à l’idée selon laquelle il serait issu d’une branche parallèle aux grands singes anthropomorphes.

Puisque je viens de me référer à Dieu, il me semble utile également de préciser que d’un point de vue rosicrucien, il ne s’agit en aucun cas d’un Surhomme situé quelque part dans le ciel, occupé de tout temps à faire en sorte que l’univers soit ce qu’il a été depuis ses origines et à surveiller ce qui se passe sur Terre, au point d’intervenir personnellement dans les affaires humaines. Nous respectons cette conception anthropomorphique de Dieu, mais ne la partageons pas. En effet, nous pensons plutôt qu’Il s’apparente à l’Intelligence, la Conscience, l’Énergie, la Force (peu importe le terme) qui est à l’origine de toute la Création, et qu’Il agit à travers elle au moyen de lois naturelles et universelles impersonnelles. Selon nous, ces lois sont de deux sortes, physiques et métaphysiques, ce qui nous ramène au clivage apparent qui existerait entre la science et la spiritualité.

Si l’on remonte à la plus haute Antiquité, notamment à la Grèce ancienne, on constate qu’il n’y avait pas de frontière entre la science et la spiritualité. C’est ainsi que la plupart des philosophes de l’époque étaient spiritualistes et admettaient comme une évidence l’existence de l’âme et celle de Dieu. Pour prendre quelques exemples marquants, Démocrite (Ve siècle avant notre ère) voyait en Lui «l’Intelligence ordonnatrice du cosmos». Or, c’est lui qui émit pour la première fois l’idée selon laquelle la matière est constituée d’atomes, mot grec qui signifie littéralement «insécable». Mieux encore, il postula que ces atomes étaient composés de particules auxquelles il donna le nom d’«éons». De nos jours encore, il est considéré comme le père de l’atomisme. Que dire également de Pythagore (VIe siècle avant notre ère), qui fut le premier à assimiler Dieu au Grand Architecte de l’Univers et à le symboliser par la Tetraktys, somme des 4 premiers nombres (1 + 2 + 3 + 4 = 10). Pensons également à Empédocle (Ve siècle avant notre ère), qui proposa la première classification des espèces et envisagea «une continuité de la vie et de la conscience» à travers les règnes de la nature.

En fait, c’est l’avènement des religions monothéistes qui créa la rupture entre la spiritualité et la science. Partant du principe que les Livres sacrés (Bible et Coran) contenaient la Vérité divine et toute la Connaissance accessible à l’homme, elles combattirent tous ceux qui cherchaient ailleurs les réponses aux questions qu’ils se posaient. Parallèlement, elles frappèrent d’hérésie tous ceux qui osaient contredire les Saintes Écritures sur tel ou tel point. C’est ainsi que nombre de savants et de philosophes furent condamnés par les autorités religieuses, au mieux à se rétracter, au pire à mourir sur le bûcher. À titre d’exemple, Copernic fut menacé par l’Inquisition pour avoir dit que la Terre est ronde et qu’elle tourne autour du Soleil. Quant à Giordano Bruno, il fut brûlé vif en 1600 pour avoir envisagé que d’autres mondes que le nôtre puissent être habités. Dans ces conditions, on peut comprendre que les esprits les plus éclairés de ces époques sombres aient mené leurs recherches dans le plus grand secret et se soient éloignés de la religion.

Du fait de l’intolérance manifestée à son encontre par la religion, la science adopta par réaction une démarche de plus en plus rationaliste. Cette tendance se radicalisa avec le temps et donna naissance au scientisme, attitude tout aussi dommageable, basée sur l’idée que seule la science peut tout expliquer. Faisant de la raison le fondement exclusif de ses investigations, ce courant de pensée, qui atteignit son apogée au XIXe siècle, séduisit de nombreux penseurs et se perpétua avec vigueur jusqu’à notre époque. Malheureusement, cet état d’esprit prévaut toujours dans la science, de sorte que la plupart des scientifiques actuels ont tendance à exclure de leur mode de raisonnement tout postulat ou tout argument ayant une connotation spiritualiste. En un mot, la majorité d’entre eux demeurent résolument matérialistes, ce que nous regrettons profondément.

Désormais, nous savons que l’univers est le théâtre d’une intense activité : des soleils et des planètes naissent et meurent chaque minute, des explosions cosmiques ont lieu en permanence, des astéroïdes fendent continuellement l’espace, etc. Mais malgré cette incroyable agitation, c’est l’ordre et non le chaos qui prévaut. Les savants grecs l’avaient déjà compris, puisqu’ils parlaient du cosmos, terme qui signifie littéralement «univers organisé». Dès lors, est-il vraiment absurde d’envisager qu’il y ait une Volonté, une Direction, une Intention à l’œuvre dans l’univers ? À ce propos, Isaac Newton (1642-1727), qui fut en relation étroite avec la Fraternité rosicrucienne de l’époque, déclara : «Cet arrangement aussi extraordinaire du Soleil, des planètes et des comètes n’a pu avoir pour source que le dessein d’un Être intelligent et puissant, qui gouverne tout et que l’on pourrait désigner sous le nom de “Gouverneur universel”». Quant à la Terre elle-même, des calculs de probabilité ont montré qu’il y avait une possibilité sur un million pour qu’elle réunisse un jour les conditions indispensables à la vie, telle qu’elle s’exprime sur notre planète. Aussi, est-il rationnel d’invoquer le hasard ?

En dernière analyse, il y a deux manières d’envisager l’existence de la Terre et des for- mes de vie qu’elle abrite, parmi lesquelles l’homme lui-même. Soit on considère effectivement qu’elle est due au hasard et ne poursuit aucun but ; c’est le point de vue de la plupart des scientifiques. Soit on pense au contraire qu’elle s’intègre dans un processus qui a été mis en œuvre par une Cause intelligente et intentionnée ; c’est la position de tous les spiritualistes, notamment des Rose-Croix. Pour eux, il est évident que l’univers s’inscrit dans un Dessein cosmique, pour ne pas dire un Plan divin, et que les êtres humains en sont à la fois des acteurs et des spectateurs. Des acteurs : parce que notre comportement et nos choix influent sur l’humanité dans son ensemble et sur le devenir de notre planète. Spectateurs : parce que nous pouvons observer l’univers et nous laisser émerveiller par tout ce qui en fait la grandeur, la beauté et le mystère.

Précisément, qu’en est-il de l’homme actuel ? D’un point de vue rosicrucien, et comme je l’ai dit précédemment, il est le résultat d’une évolution qui couvre des millions d’années, tant sur le plan physique que sur le plan mental. En cela, nous rejoignons les scientifiques. Désormais, il est prouvé que l’Homo sapiens sapiens (l’homme qui sait qu’il sait), espèce à laquelle nous appartenons, compte parmi ses ancêtres directs ou indirects l’homme de Cro-Magnon, connu pour ses peintures rupestres, l’homme de Néandertal, auquel on attribue le premier culte des morts, l’Homo erectus, l’homo habilis, l’australopithèque et le ramapithèque, apparu il y a environ 10 millions d’années. Durant tout ce temps, le corps de l’homme n’a cessé de se transformer et de s’affiner, pour devenir ce qu’il est de nos jours. Rappelons également qu’il a fallu des millions d’années à nos ancêtres les plus lointains pour marcher debout (la bipédie), et être capables d’opposer le pouce aux autres doigts (la préhension), deux faits déterminants dans l’évolution de l’homme.

Ce qui est vrai pour le corps physique de l’homme l’est également pour son intelligence. Pour s’en convaincre, il suffit de penser à toutes les découvertes et inventions qui ont jalonné l’histoire de l’humanité, ainsi qu’à toutes les sciences et techniques qu’elles ont générées ou qui leur sont associées : astronomie, médecine, physique, chimie, biologie, zoologie, anthropologie, arithmétique, géométrie, géologie, paléontologie, botanique, géographie, météorologie, écologie, etc. Depuis la découverte du feu jusqu’à celle du boson de Higgs (que certains auraient qualifié de «particule de Dieu»), que de chemin parcouru par l’homme dans l’usage de ses facultés mentales ! Grâce à son cerveau, dont on ignore encore beaucoup de choses quant à sa structure et à son fonctionnement, il a donné naissance à la vie en société et à la civilisation. Mais parallèlement, les êtres humains n’ont cessé de s’entretuer, ont massacré des millions d’animaux, épuisé nombre de ressources naturelles, pollué gravement la planète, etc. Cela pose tout le problème d’une faculté qui, selon nous, transcende nos fonctions céré- brales : la conscience.

Qu’est-ce que la conscience ? La plupart des scientifiques considèrent qu’elle est le produit du cerveau et l’assimilent à la pensée, à laquelle ils associent quatre sortes d’ondes cérébrales : les ondes delta, les ondes thêta, les ondes alpha et les ondes bêta, auxquelles certains ajoutent les ondes gamma (entre 30 et 35 Hz). Les Rose-Croix, de leur côté, voient en elle un attribut de l’âme, laquelle utilise le cerveau pour s’exprimer à travers le corps et le mental durant son incarnation. En fait, elle est l’énergie spirituelle qui fait de chacun de nous un être, non seulement vivant, mais également conscient. C’est elle aussi qui est à l’origine de ce qu’il y a de meilleur dans la nature humaine, et c’est sous son impulsion que nous évoluons sur le plan intérieur. En cela, ce que nous appelons communément la «voix de notre conscience» n’est pas une fonction cérébrale, mais une faculté spirituelle. Malheureusement, trop peu de personnes en tiennent compte, ce qui explique l’état chaotique du monde.

Chacun connaît l’adage «science sans conscience n’est que ruine de l’âme», que l’on attribue à François Rabelais, philosophe et médecin du XVIe siècle. Il est un fait que la science, comme tout autre domaine de l’activité humaine, peut être mise au service du bien ou du mal, et faire ainsi le bonheur ou le malheur de l’humanité. Hélas, comme le déclara Francis Bacon, éminent Rose-Croix du XVIIe siècle, père de la science expérimentale : «Peu sont poussés vers la connaissance pour se servir du don divin de la raison dans l’intérêt de l’humanité». C’est ainsi que les armes nucléaires ou bactériologiques, les pesticides en tous genres, les plantes transgéniques, le clonage reproductif, nombre de vaccins et de médicaments douteux, etc., impliquent directement ou indirectement les scientifiques. S’ils avaient écouté la voix de leur conscience et pensé uniquement au bien commun, auraient-ils utilisé leur intelligence pour créer de telles “choses” ? Je ne le pense pas, car «science en conscience est la lumière de l’âme», laquelle est fondamentalement bienveillante.

Au risque de surprendre les scientifiques qui liront cette lettre ouverte, les Rose-Croix ont souvent été précurseurs, y compris dans les domaines dévolus a priori à la science. Ainsi, ils postulent depuis au moins la fin du XIXe siècle qu’il existe un total de 144 atomes dans la nature. Dans le tableau établi par Mendeleïev en 1869, on en comptait 63. À ce jour, on en a référencé 118, ce qui nous rapproche lentement mais sûrement de 144. Dans le même ordre d’idée, l’enseignement rosicrucien stipule depuis plus longtemps encore que l’être humain a un potentiel génétique qui devrait lui permettre de vivre jusqu’à environ 140 ans. Or, cette hypothèse a été reprise récemment par des savants éminents. Dans un autre ordre d’idée, il est pour nous évident que d’autres humanités peuplent l’univers, certaines étant plus évoluées que la nôtre, d’autres moins. L’avenir prouvera que c’est vrai…

De tout ce qui précède, vous pouvez en déduire que les Rose-Croix ne sont en aucun cas opposés à la science. Ils souhaitent simplement qu’elle rompe avec le matérialisme et s’ouvre à la spiritualité, ce que certains savants, et non des moindres, ont commencé à faire. L’Ordre de la Rose-Croix a d’ailleurs compté parmi ses membres et ses sympathisants des scientifiques célèbres. Outre Isaac Newton et Francis Bacon, citons Théophraste Paracelse, Robert Fludd, Jean-Baptiste van Helmont, Thomas Vaughan, William Crookes, Wilhelm Leibniz, William Harvey, Charles Littlefield, Benjamin Franklin, etc. J’ajouterai que depuis le début du XXe siècle, l’A.M.O.R.C. parraine l’Université Rose-Croix Internationale, qui comporte notamment une section en sciences physiques et une autre en médecine. Le résultat de leurs travaux est publié régulièrement dans la revue Rose-Croix, dans des livres ou à travers des conférences ouvertes au public.

En conclusion, nous pensons, non seulement que la science et la spiritualité sont compatibles, mais également qu’elles sont complémentaires. En fait, elles constituent les deux piliers sur lesquels l’humanité doit prendre appui pour s’élever dans la compréhension de ce que l’on désigne couramment sous le nom de «mystères». Plus que jamais, elles doivent s’unir et mettre ce qu’elles ont de meilleur au service de son bien-être matériel et spirituel. Cela suppose que les scientifiques adoptent une démarche spiritualiste, pour ne pas dire mystique, et se rendent à l’évidence : la vie sur Terre et l’homme lui-même ne sont pas le fruit du hasard ou d’un concours de circonstances, et l’univers ne se limite pas à exister ; d’un point de vue rosicrucien, il sert de support à l’Évolution cosmique, telle qu’elle opère depuis le big bang. Pour être plus précis, il permet à l’Âme universelle d’évoluer graduellement vers la prise de conscience de sa perfection latente. Or, tout être humain possède en lui une émanation de cette Âme, de sorte que nous sommes tous, non seulement des enfants des étoiles, mais également des âmes vivantes en quête d’Absolu.

Voici donc les quelques réflexions que je souhaitais partager à travers cette lettre ouverte. N’étant pas un scientifique de formation ni de profession, ceux qui le sont jugeront peut-être certains de mes propos quelque peu approximatifs, voire simplistes. Mais s’il en est au moins un parmi eux qui puise en elle une source de questionnement, au point de sentir une résonance en sa conscience si ce n’est en son âme, alors elle aura été utile.

Avec mes meilleures pensées.

Sincèrement et respectueusement.

Serge Toussaint
Grand Maître de l’Ordre de la Rose-Croix

Hymme rosicrucien à la fraternité

 

FraternitéDans le monde entier, des milliards d’êtres humains, toutes nationalités et toutes religions confondues, y compris des athées, s’apprêtent à célébrer Noël.

A cette occasion, permettez-moi, au nom de tous les Rose-Croix, de vous souhaiter de très belles fêtes en famille ou entre amis.

Indépendamment  des croyances de chacun, je vous convie à nous unir mentalement si ce n’est spirituellement dans cet « hymne rosicrucien à la fraternité », dédié à toute l’humanité.

HYMNE À LA FRATERNITÉ

Nous n’habitons pas tous dans le même pays
Nous ne sommes pas tous nés au même endroit
Nous n’avons pas tous le même mode de vie
Nous ne dépendons pas tous des mêmes lois

 

Nous n’avons pas tous la même couleur de peau
Nous n’avons pas tous la même hérédité
Nous ne vivons pas tous sous le même drapeau
Nous n’avons pas tous la même nationalité

Nous n’avons pas tous la même apparence
Nous ne parlons pas tous le même langage
Nous n’avons pas tous la même intelligence
Nous n’avons pas tous le même âge

Nous n’avons pas tous le même passé
Nous n’avons pas tous les mêmes souvenirs
Nous n’avons pas tous les mêmes projets
Nous n’avons pas tous le même avenir

Nous ne suivons pas tous la même religion
Nous n’avons pas tous les mêmes idées politiques
Nous n’avons pas tous les mêmes passions
Nous n’aimons pas tous la même musique

Nous n’avons pas tous les mêmes connaissances
Nous ne possédons pas tous les mêmes dons
Nous n’avons pas tous les mêmes compétences
Nous ne pensons pas tous de la même façon

Nous n’avons pas tous les mêmes croyances
Nous ne défendons pas tous les mêmes causes
Nous n’avons pas tous les mêmes espérances
Nous ne rêvons pas tous des mêmes choses

Nous n’avons pas tous la même culture
Nous ne suivons pas tous les mêmes émissions
Nous n’avons pas tous les mêmes lectures
Nous ne fredonnons pas tous les mêmes chansons

Nous n’avons pas tous les mêmes états d’âme
Nous n’avons pas tous les mêmes élans du cœur
Nous ne brûlons pas tous de la même flamme
Nous n’avons pas tous la même idée du bonheur

Mais
Nous sommes tous des enfants de la Terre
Nous sommes tous en quête de Lumière

Nous sommes tous des citoyens du monde
Nous aspirons tous à la paix profonde

Nous sommes tous des cellules de l’humanité
Nous avons tous besoin de fraternité

Alors
Faisons-nous troubadours
Et laissons triompher l’amour…

 

 

Lettre ouverte aux jeunes

Publié le 7 janvier 2013

 

Le 6 janvier 2013 – Année R+C 3365

LETTRE OUVERTE AUX JEUNES

« Plus que jamais, le monde de demain sera ce que les jeunes d’aujourd’hui en feront individuellement et collectivement… »

Depuis longtemps, je souhaitais m’adresser aux jeunes par le biais d’une lettre ouverte, mais j’ai sans cesse reporté ce projet, de crainte qu’une telle initiative leur semble présomptueuse ou qu’ils la jugent “ringarde” ; sans parler de ceux qui pourraient y voir l’œuvre d’un “gourou” souhaitant attirer l’attention. Mais chacun connaît l’adage : «la peur n’évite pas le danger !» Par ailleurs, j’ai toujours pensé qu’il fallait avoir le courage de ses opinions, au risque d’être incompris, mal jugé ou même moqué. Je me suis donc décidé à écrire cette lettre, étant entendu que mon but n’est en aucun cas d’alimenter la moindre polémique, mais, peut-être, de susciter la réflexion des uns et des autres.

En préambule, je voudrais dire que j’aime sincèrement les jeunes, ce qui n’a rien d’original en soi, d’autant que peu de personnes oseraient prétendre ou avouer le contraire. Cela étant, je n’ai jamais cédé au “jeunisme”, qui constitue pour moi une forme de démagogie et un aveu de  “vieillisme”. Bien que je me sente jeune d’esprit et que je m’emploie à conserver mon âme d’enfant, j’ai parfaitement conscience que l’essentiel de ma vie présente est derrière moi et que ma jeunesse appartient désormais aux souvenirs. Si je précise «de ma vie présente», c’est parce que, comme la plupart des Rose-Croix, j’adhère au principe de la réincarnation. Mais ceci est un autre sujet…

Sans vouloir jouer sur les mots, il me semble préférable d’aimer plutôt les jeunes que la jeunesse. En effet, nombre de personnes disent aimer les jeunes, alors qu’en réalité, elles aiment à travers eux le souvenir qu’elles ont de leur propre jeunesse. Cela étant, il est naturel, lorsqu’on a la chance d’avoir eu une jeunesse heureuse, d’en éprouver une certaine nostalgie. Toujours est-il qu’aimer les jeunes, c’est avoir de l’empathie pour eux, ce qui suppose d’être à leur écoute et de vouloir leur bonheur, de préférence avec eux et non malgré eux. Tel est mon cas, ce qui ne veut pas dire pour autant que j’approuve ou apprécie tout ce qu’ils disent et font, ce que les “jeunistes” ont tendance à faire ou à faire croire pour paraître jeunes aux yeux des autres.

Ayant l’occasion de beaucoup voyager dans le cadre de ma fonction, je voudrais d’abord dire aux jeunes combien je suis heureux de constater que la très grande majorité d’entre eux ne sont ni racistes ni nationalistes, ce qui est très appréciable. De même, ils sont ouverts à toutes les cultures. C’est probablement la première fois dans l’histoire que la jeunesse, sur un plan mondial, est aussi universelle. Cela s’explique en grande partie par le fait que les moyens de transports et de communications, auxquels est venu s’ajouter Internet, ont fait de la Terre un seul pays. Il y a une autre explication à cette émergence de l’universalisme : qu’ils  en  aient  conscience  ou  non,  et  parfois  au-delà  des  apparences,  les  êtres  humains évoluent intérieurement de génération en génération, pour ne pas dire d’incarnation en incarnation.

Du fait que les jeunes ont une ouverture d’esprit de plus en plus grande sur le monde, ils sont beaucoup plus pacifistes que ne l’étaient les générations passées. Jadis, le patriotisme, le nationalisme, la peur de l’autre, les préjugés raciaux, etc., favorisaient la guerre. Une fois déclenchée, la spirale de la haine, alimentée par le désir de vengeance, conduisait même les moins belliqueux à tuer et à massacrer. De nos jours, la plupart des jeunes sont, non pas nécessairement antimilitaristes, mais antiguerre, ce qui est en soi plus positif. Nous ne pouvons que nous en réjouir, car la paix est l’un des idéaux les plus nobles qui soient. En fait, elle est un archétype qui fait partie intégrante de l’âme humaine. Cela veut dire que plus l’humanité évoluera mentalement et spirituellement, plus cet idéal s’exprimera à travers les comportements individuels et collectifs.

Sous l’effet, non seulement de l’évolution qui opère de génération en génération, mais également de la multiplication des supports de savoirs, de connaissances et d’informations, les jeunes sont plus cultivés et moins naïfs que ne l’étaient à leur âge leurs parents, grands-parents et arrière-grands-parents. C’est ce qui explique pourquoi les religions ont nette- ment perdu de leur influence sur eux. D’une manière générale, leurs dogmes ne sont plus adaptés aux mentalités de notre époque, et ce, aussi bien sur le plan moral que doctrinal. En ce début de XXIe siècle, combien parmi les jeunes croient que l’humanité résulte d’un couple originel, en l’occurrence Adam et Ève, qui auraient été chassés du paradis pour avoir mangé le fruit défendu ? De même, combien adhèrent à la résurrection des corps et pensent que Dieu, à la fin des temps, fera la part entre les bons et les méchants ? Ne voyez pas là une mise en cause ou une critique des religions. Elles ont eu et ont encore leur utilité, ne serait-ce que parce qu’elles permettent à des millions de personnes de vivre leur foi au quotidien.

Si je comprends le désintérêt des jeunes à l’égard de la religion, notamment en Occident, je regrette néanmoins que ce désintérêt les ait éloignés de la spiritualité. En effet, cet éloignement va à l’encontre de leur bien-être, car il crée un vide au plus profond d’eux-mêmes. Étant donné que «la nature a horreur du vide», nombre d’entre eux comblent celui-ci par des activités qui accaparent et même exacerbent leurs sens physiques et leur mental, parfois jusqu’à l’extrême, au détriment de leur vie intérieure. Il en résulte un déséquilibre psychique qui explique en grande partie pourquoi beaucoup ne sont pas vraiment heureux et souffrent d’un mal-être évident. Pour s’en convaincre, il suffit de rappeler que dans les pays dits développés, le nombre de suicides chez les jeunes ne cesse d’augmenter, au point de devenir très préoccupant. Comment ne pas être affecté par un tel constat ?

Mais comment reprocher aux jeunes de manquer de spiritualité, alors que leurs aînés ont contribué à rendre la société de plus en plus matérialiste ? De nos jours, et comme chacun sait, c’est l’argent qui mène le monde. Certes, il a toujours exercé une grande influence sur les êtres humains, mais cette influence semble avoir atteint son paroxysme et donne lieu à une avidité et à une cupidité apparemment sans limite. Vénéré tel un dieu, il sert de fondement à une religion sans âme, avec ses fidèles et ses serviteurs. Son credo est on ne peut plus simple et se résume en un mot : «avoir» (toujours plus). Sur son autel, les valeurs morales les plus élémentaires sont sacrifiées : honnêteté, intégrité, équité, générosité, partage, etc. Cela étant, nous avons tous besoin d’argent, de sorte que ce n’est pas lui qui est à blâmer, mais la trop grande importance qui lui est accordée aujourd’hui. De «serviteur» qu’il devrait être, il est devenu un bien «mauvais maître», et ce, dans toutes les catégories sociales.

En quoi consiste donc la spiritualité qui fait défaut à la plupart des jeunes et dans laquelle ils pourraient puiser une source de bien-être ? Précisons tout d’abord qu’elle ne nécessite pas de suivre l’une des religions qui existent actuellement, d’autant plus, comme je l’ai dit précédemment, qu’ils ont tendance à s’en détourner. En quelques mots, elle est fondée sur l’idée que tout être humain possède une âme et que le but de la vie est de rendre cette âme meilleure. Comment ? En travaillant librement à son développement personnel, ou plus exactement au perfectionnement de sa personnalité. C’est dans ce travail de perfectionnement que se trouve le fondement de la spiritualité, au sens, non pas religieux du terme, mais mystique. Vu sous cet angle, Dieu n’est pas seulement l’Intelligence, la Conscience, l’Énergie, la Force (peu importe le terme) qui œuvre à travers l’univers et la nature ; Il est aussi en l’homme ce que nous appelons communément «la voix de sa conscience».

L’influence grandissante que l’argent exerce sur la société a donné naissance à une sous-culture dont la télévision est actuellement le vecteur majeur. Que d’émissions ineptes, vulgaires et avilissantes, sans parler de la violence qui s’affiche continuellement  sur les écrans ! Nombre d’entre elles sont conçues pour les jeunes, ce qui laisse supposer que ceux et celles qui les financent, les réalisent, les programment et les animent, considèrent que la jeunesse se complaît dans la bêtise et la vulgarité, et qu’elle prend plaisir à s’avilir. Face à un tel mépris à son égard, qu’attend-elle pour s’affirmer et opter pour des programmes dignes de sa sensibilité et de son intelligence ? Ne se grandirait-elle pas en refusant et même en s’opposant à cette manipulation éhontée des esprits ? À l’instar d’Internet, la télévision est le reflet de la société ; elle en exprime le meilleur et le pire. À tous en général, et aux jeunes en particulier, d’en faire un support d’élévation culturelle et morale plutôt que d’abêtissement.

Parmi les manipulations les plus pernicieuses à laquelle se livre la téléréalité auprès des jeunes, il y a l’exaltation de la célébrité. À grand renfort d’exhibitionnisme et de voyeurisme, on leur fait croire que l’un des buts majeurs dans la vie est de devenir célèbre, et par là même d’être admiré et adulé, pour ne pas dire vénéré. À quoi peut mener un tel culte de l’ego, sinon à la désillusion et au désenchantement ? Comme le montre l’expérience, la célébrité ne suffit pas pour être épanoui et heureux ; dans de nombreux cas, elle est même une source d’angoisses, de craintes et de stress. Ce n’est pas dans le regard des autres que nous devons rechercher le bonheur, mais dans celui que nous portons sur nous-mêmes. Cela revient à dire qu’il faut avant tout apprendre à être une bonne compagnie pour soi. Quiconque en est une n’éprouve aucunement le désir d’être célèbre, pas plus qu’il ne se laisse aller à aduler telle ou telle “star”, au point de donner l’impression de vivre à travers elle par procuration.

Que dire également des modes que l’on impose régulièrement aux jeunes ou qu’ils s’imposent entre eux, que ce soit dans le domaine de la musique, de l’habillement, du langage, des mœurs, etc. ? Là aussi, qu’ils se posent la question de savoir à qui ou à quoi profite cette manipulation. Il est naturel de vouloir s’individualiser et s’affirmer, mais avoir de la personnalité, ce n’est pas imiter les autres ou suivre la mode, dans quelque domaine que ce soit. Ce n’est pas non plus “prendre le pied inverse” et se démarquer exagérément des autres dans un souci de marginalité. C’est tout simplement être soi-même et vivre en accord avec ses propres valeurs et ses goûts personnels. Et contrairement à ce que semblent penser de nombreux jeunes, rien n’est plus respectable et même admirable que d’être conforme aux choix qui nous sont propres, fussent-ils “normaux”, plutôt que d’adopter ceux que l’on nous impose de l’extérieur pour être ou paraître “à la mode”.

Comme c’est le cas pour la religion, le rapport des jeunes avec la politique a lui aussi beaucoup changé. Précisons tout d’abord qu’elle fait partie intégrante de la société et qu’elle est une nécessité pour gouverner l’État comme la cité, et ce, depuis le plus petit village jusqu’à la plus grande mégalopole. Il n’y a encore que quelques décennies, elle était au centre des conversations entre jeunes, chacun se sentant une âme de “contestataire”, parfois d’ailleurs sans trop savoir si ce qu’ils contestaient était vraiment contestable. De nos jours, beaucoup s’en désintéressent. Pourquoi ? Parce qu’ils ont le sentiment qu’elle est impuissante à résoudre les problèmes qui se posent aux citoyens de base et incapable de rendre le monde meilleur. C’est ce qui explique que dans nombre de pays, le pourcentage d’abstention aux votes est très important chez les jeunes, excepté peut-être dans les élections locales, où ils se sentent davantage concernés.

À l’image des hommes, la politique est imparfaite ; elle est donc sujette à la critique. Mais si l’on admet que dans toute démocratie véritable on a les dirigeants que l’on mérite, elle est à l’image, certes de ceux qui nous gouvernent, mais également de ceux qui sont gouvernés. Face aux problèmes qui se posent à la collectivité, il est donc à la fois trop simple et trop facile de s’en prendre exclusivement à ceux et à celles qui exercent des fonctions politiques. Indépendamment du fait que nous sommes libres de notre vote, nous pouvons et même devons faire un bon usage de notre libre arbitre et agir pour rendre la société meilleure. Comment ? En nous évertuant à devenir des «êtres humains accomplis», pour reprendre les termes de Coménius, éminent Rose-Croix du XVIIe  siècle, considéré comme le père spirituel de l’U.N.E.S.C.O. En cela, j’ai toujours pensé que la politique, au sens philosophique du terme, est d’abord et avant tout l’art de se gouverner soi-même.

De mon point de vue, la solution à la crise actuelle réside davantage dans l’éthique que dans la politique, l’une n’excluant pas l’autre. Mais qu’est-ce que l’éthique ? En quelques mots, c’est l’attitude qui consiste à se respecter soi-même, à respecter autrui et à respecter la nature, ce qui n’a rien de moralisateur. Malheureusement, ce respect manque cruellement de nos jours, car les parents et les adultes en général ne l’ont pas transmis aux enfants. Durant les dernières décennies, on les a conditionnés à revendiquer des droits. Cela ne serait pas dommageable si, parallèlement, on les avait familiarisés avec les devoirs correspondants. Cela n’a pas été fait, d’où le déséquilibre actuel et ses conséquences dans la société : violence, corruption, intolérance, vols, viols, trafics en tous genres, etc. ; autant de com- portements négatifs qui traduisent l’absence de non-violence, d’intégrité, de tolérance, d’honnêteté, de bienveillance, etc. Il devient donc urgent de revenir à ces fondamentaux, et c’est aux jeunes de relever ce défi. Étant donné qu’ils sont plutôt victimes que coupables du laxisme qui sévit depuis trop longtemps dans ce domaine, leur mérite n’en serait que plus grand…

En relation avec la notion de devoirs, les jeunes qui liront cette lettre ouverte trouveront peut-être un guide dans la «Déclaration rosicrucienne des devoirs de l’Homme», proposée par l’Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix en 2006. À noter que cette déclaration a été publiée en pleine page dans des revues et des journaux de premier plan, et que sa parution a été saluée par nombre de personnalités civiles, politiques et religieuses. L’Épilogue parle de lui-même : « Si tous les individus s’acquittaient de leurs devoirs fondamentaux, il resterait peu de droits à revendiquer, car chacun bénéficierait du respect qui lui est dû et pourrait vivre heureux dans la société. C’est pourquoi toute démocratie ne doit pas se limiter à promouvoir un “État de droit”, auquel cas l’équilibre évoqué dans le Prologue ne peut être maintenu. Il est impératif également qu’elle prône un “État de devoir”, afin que tout citoyen exprime dans son comportement ce que l’homme a de meilleur en lui. Ce n’est qu’en s’appuyant sur ces deux piliers que la civilisation pourra assumer pleinement son statut d’humanité. » Assurément, de tels propos n’ont rien de réactionnaire, mais traduisent ce qui devrait sembler évident à tous.

De ce qui précède, on en déduit que la politique n’est pas l’affaire exclusive des partis et des courants qui s’y consacrent, toutes tendances confondues. En tant que gouvernance de soi-même, elle implique chacun d’entre nous et nécessite de mettre le meilleur de nous-mêmes au service des autres et de la société, ce qui nous ramène à ce que j’ai dit précédemment à propos de la spiritualité. Vue sous cet angle, la plus haute forme de politique est l’humanisme, idéal philosophique qui consiste à mettre le bien-être de tout individu au cœur des préoccupations des gouvernants et des gouvernés, sans distinction. Cela revient à faire aux autres ce qu’on aimerait qu’ils nous fassent, mais également à ne pas leur faire ce que l’on n’aimerait pas qu’ils nous fassent. Cela rappelle naturellement le commandement majeur du Maître Jésus, lequel n’est la propriété morale ou spirituelle d’aucune religion, mais une source d’inspiration pour quiconque, chrétien ou non, croyant ou athée, adhère à ce commandement. Alors, à défaut d’être spiritualistes, j’engage tous les jeunes à être humanistes.

Mais on ne peut être humaniste sans s’impliquer également dans la sauvegarde et la protection de la nature. Or, nous savons tous que notre planète est très menacée : réchauffement climatique, déforestation excessive, destruction généralisée d’écosystèmes, disparition de nombreuses espèces végétales et animales, pollutions diverses… De toute évidence, l’écologie est devenue l’enjeu majeur du XXIe siècle. Malheureusement, la crise économique et sociale qui frappe le monde depuis plusieurs décennies occulte cet enjeu, au risque que l’on ne fasse pas le nécessaire pour éviter le pire. Certes, c’est là l’héritage laissé par les générations passées, mais si les jeunes d’aujourd’hui ne se mobilisent pas, il semble évident que la Terre, chef-d’œuvre de la Création, deviendra invivable pour des millions, peut-être même pour des milliards d’êtres humains. Alors, gageons sur leur sens des responsabilités et sur leur mobilisation, avec l’idée que leurs enfants et leurs petits-enfants  hériteront  quant à eux d’une Terre-Mère régénérée, avec laquelle l’humanité se sera définitivement réconciliée.

Un autre danger menace l’équilibre de la société et ce que l’on appelle communément le «vivre ensemble», à savoir l’individualisme. En effet, s’il est vrai qu’Internet est une grande source d’informations et un moyen extraordinaire de communication, je regrette néanmoins que son usage soit devenu aussi excessif, au point que nombre de jeunes admettent qu’ils ne peuvent plus s’en passer. Que dire également de leur addiction aux portables et autres smart-phones ? Paradoxe des temps modernes : les êtres humains communiquent à longueur de journée d’un lieu à l’autre de la planète, mais nombre d’entre eux disent se sentir infiniment seuls. À ce propos, voici ce qu’on peut lire dans la «Positio Fraternitatis Rosae Crucis», Manifeste que l’A.M.O.R.C. a publié en 2001 sur un plan mondial : « Nous constatons par ailleurs qu’à l’ère de la communication, les individus ne communiquent pratiquement plus. Les membres d’une même famille ne dialoguent plus entre eux, tout occupés qu’ils sont à écouter la radio, regarder la télévision ou surfer sur Internet… » N’est-il pas temps de (re)privilégier les contacts directs et de (ré)humaniser la société ?

En raison de l’état chaotique du monde, nombre de personnes, notamment de jeunes, sont pessimistes quant à leur avenir personnel et à celui de l’humanité. Les Rose-Croix, de leur côté, sont et demeurent optimistes, ce qui ne veut pas dire qu’ils ne sont pas réalistes. C’est ainsi que dans le texte intitulé «Prophéties des Rose-Croix», qu’ils ont publié en 2011, on peut lire : « Au regard de notre enseignement et de notre philosophie, nous sommes optimistes pour l’avenir, même si la situation actuelle peut laisser craindre le pire. Au-delà des apparences, la période troublée que nous traversons constitue un “passage obligé” qui devrait permettre à l’humanité de se transcender et de renaître à elle-même… Dans son ensemble, elle est destinée à instaurer une société idéale, que nombre de sages du passé ont appelé de leurs vœux, et en laquelle de nombreux individus espèrent plus ou moins consciemment. » Alors, confiance ! Plutôt que de se limiter à dire que «l’espoir fait vivre», agissons avec l’idée que la vie est pleine d’espérances.

En introduction à cette lettre, j’ai évoqué ma crainte qu’elle soit perçue comme étant “ringarde”, notamment par les jeunes qui la liront. Pourtant, je ne pense pas qu’il soit “ringard” de les encourager à être spiritualistes, humanistes et écologistes, de les engager à ne plus se laisser manipuler par ceux qui font commerce de la bêtise, du voyeurisme et autres dérives de la “peopolisation” des mœurs, de les mettre en garde contre l’individualisme que génèrent les nouvelles technologies, de leur recommander d’éveiller et d’exprimer ce qu’il y a de meilleur en eux, etc. En ce qui me concerne, j’en appelle à leur conscience et même à leur âme, afin qu’ils ne passent pas à côté de leur existence et fassent de l’humanité ce qu’elle est destinée à être : l’expression sur Terre de ce que la vie peut offrir de mieux aux générations présentes et futures. Aussi, qu’ils se posent la question : quelle société, quelle humanité, quel monde souhaitent-ils pour leurs enfants ?

Un adage que vous connaissez tous énonce : «Si jeunesse savait ; si vieillesse pouvait», ce qui laisse supposer que les jeunes ont l’énergie voulue pour améliorer le monde, mais n’ont pas l’expérience nécessaire. Je suis convaincu que s’ils en ont la volonté, ils peuvent y parvenir, au-delà même de nos espérances. Alors, ayons foi en eux…

C’est sur ces paroles d’espoir que je conclurai cette lettre, non sans exprimer tous mes vœux de bonheur et de succès à tous les jeunes qui en prendront connaissance, qu’ils l’aient d’ailleurs appréciée ou non.

Avec mes meilleures pensées.

Serge Toussaint
Grand Maître de l’Ordre de la Rose-Croix

 

Lettre ouverte aux Africains qui croient à la magie noire…

février 4, 2013 by Points de vue • Tags:

Le 2 février 2013

LETTRE OUVERTE AUX AFRICAINS QUI CROIENT À LA MAGIE NOIRE, À LA SORCELLERIE ET AUTRES PRATIQUES MALÉFIQUES

De Serge Toussaint, Grand Maître de l’Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix


« Rien ne détruit plus complètement les superstitions que de les considérer comme insensées. » 
Théophraste Paracelse (1493-1541)

Cher lecteur,

Pourquoi cette lettre ouverte ? Parce que je me rends régulièrement en Afrique dans le cadre de ma fonction, et que chaque fois, j’ai le sentiment qu’elle s’enfonce toujours un peu plus dans les méandres de la superstition, avec toutes les conséquences négatives qui en résultent pour elle et pour ses habitants. Or, j’aime ce continent et ceux qui le peuplent, parmi lesquels des membres de l’Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix, et je ne peux me résoudre à l’idée que des ensorceleurs, envoûteurs et autres “magiciens noirs” continuent à ce point à les manipuler et à les aliéner, les empêchant ainsi d’évoluer comme ils le devraient sur les plans matériel et spirituel.

Serge ToussaintTout d’abord, je tiens à dire que je me considère comme un citoyen du monde et ne pense aucunement que tel peuple soit “inférieur” ou “supérieur” à tel autre, pas plus que tel individu par rapport à tel autre. D’un point de vue rosicrucien, tous les êtres humains sont autant de cellules d’un seul et même corps, celui de l’humanité dans son ensemble. Cela étant, il y a de par le monde des croyances et des traditions qui élèvent les consciences, et d’autres

qui les avilissent. Pour moi, il est évident que l’idée selon laquelle une personne peut en ensorceler ou en envoûter une autre fait partie de ces dernières, car elle aliène les corps, les esprits et les âmes. Ne pensez surtout pas que je m’arroge le droit de “faire la morale” à quiconque et que mes intentions soient empreintes de condescendance. Je pense simplement qu’il est de mon devoir de m’exprimer sur un sujet que je connais assez bien, en espérant que cela suscitera au moins la réflexion.

La question préalable qu’il faut se poser dans ce domaine est de savoir s’il existe effectivement des personnes qui pratiquent la sorcellerie, l’envoûtement et autres sortilèges, que ce soit d’ailleurs en Afrique ou sur d’autres continents. La réponse est «oui». Le nier ne serait qu’ignorance, mensonge ou hypocrisie. C’est ainsi qu’il existe des individus qui s’emploient à nuire à autrui au moyen de pratiques dites “maléfiques”. Ce peut être pour faire mourir la “victime”, la rendre malade, faire en sorte que sa maison brûle, décimer son troupeau, etc. Les moyens utilisés dans ce but sont multiples : évocation des mauvais esprits ou des démons ; récitation de formules “magiques” ; rituels occultes ; sacrifices d’animaux ; fétichisme ; etc. Ajoutons que selon les cas, ils agissent à titre personnel ou à la demande d’une tierce personne qui les a contactés dans ce but. De toute évidence, lorsqu’on fait appel à un ensorceleur ou à un envoûteur, c’est rarement par gentillesse et bienveillance…

Si l’on ne peut nier que la magie noire et la sorcellerie existent dans nombre de pays, notamment en Afrique, ces pratiques malveillantes n’ont en réalité pas d’autre effet que celui qu’on leur attribue. Cela veut dire que si l’on ne croit pas en leur efficacité, on n’a rien à craindre d’elles. En fait, elles n’agissent que sur les personnes qui en ont peur, car celles-ci s’autosuggestionnent négativement et conditionnent elles-mêmes les affres qu’elles redoutent. Autrement dit, elles s’ensorcellent ou s’envoûtent sous l’effet de leurs propres pensées. À titre d’exemple, si un individu croit qu’on lui a “envoyé” une maladie au moyen d’un sortilège ou d’un envoûtement, il finit par s’empoisonner mentalement et crée en lui les causes psychosomatiques de cette maladie. En cela, ce ne sont pas les pensées négatives émanant des autres que nous devons redouter, mais celles que nous entretenons dans notre propre conscience.

À propos des maladies, je voudrais dire également qu’elles ne sont l’œuvre, ni de Dieu, ni du diable. Si l’on fait abstraction de celles qui ont une origine génétique ou congénitale, la plupart résultent du fait que par ignorance, négligence ou manque de sagesse, nous violons les lois naturelles qui régissent le fonctionnement et le métabolisme de notre corps. Boire trop d’alcool, fumer, se droguer, avoir une mauvaise alimentation, ne pas dormir suffisamment, manquer d’exercice physique, etc., sont autant de facteurs qui finissent tôt ou tard par provoquer des troubles plus ou moins graves. Par ailleurs, entretenir des pensées fondées sur la haine, la rancune, la jalousie, l’envie, etc., affecte la santé. Chacun devrait convenir que cela engage en grande partie notre responsabilité. S’ajoute à cela le manque d’hygiène. En Afrique, il y aurait infiniment moins de maladies si les ordures et détritus en tous genres ne pourrissaient pas à ciel ouvert à proximité des habitations.

Puisque je me suis référé à Dieu, peut-être est-il utile de préciser qu’il ne s’agit pas d’un Surhomme siégeant quelque part dans le ciel et se comportant à l’égard des hommes comme un père envers ses enfants, décidant de leur destin au quotidien, y compris du moment de leur mort. Malheureusement, c’est ainsi que Le conçoivent un grand nombre de croyants, toutes traditions et toutes religions confondues. En réalité, il faut voir en Lui l’Intelligence, la Conscience, l’Énergie, la Force (peu importe le terme) qui est à l’origine de l’univers et de la Terre elle-même, avec tous les êtres vivants qui la peuplent. Bien qu’Il soit inconcevable, Il se manifeste au moyen de lois impersonnelles que nous pouvons et même devons étudier. C’est précisément ce que font les Rose-Croix à travers leur enseignement. En fait, le bien-être et le bonheur auxquels nous aspirons tous résident dans le respect de ces lois divines, au sens de lois naturelles, universelles et spirituelles.

Pour ce qui est du diable, je ne crois nullement à son existence. En réalité, c’est l’homme lui-même, lorsqu’il applique son libre arbitre d’une façon négative, au point de commettre des actes malveillants, criminels, barbares, et donc “diaboliques” ou “démoniaques”. Il ne s’agit donc aucunement d’une entité spirituelle extérieure à nous, rivalisant avec Dieu pour nous inciter à faire le mal et désireuse de prendre possession de notre être durant notre vie ou après notre mort. Aussi, ce n’est pas la crainte de le rencontrer, d’être possédés par lui, de subir ses maléfices, etc., qui doit nous inciter à bien agir, mais la conviction que là est notre devoir en tant qu’êtres humains et citoyens. De même, les démons n’ont aucune existence, si ce n’est dans l’imaginaire de ceux et celles qui croient en eux. Ils symbolisent en fait les vices et les passions négatives de l’être humain.

Étant donné que le diable n’existe pas, il ne peut prendre possession de notre corps, pas plus que de notre âme. Malheureusement, cette croyance est très courante en Afrique, d’où le grand nombre d’exorcismes que l’on y pratique. Pour l’avoir vu, il est vrai que certaines personnes, y compris des enfants, en viennent parfois à se comporter comme si elles étaient “possédées” : état de transe, cris effrayants, yeux révulsés, contorsions impressionnantes, etc. Le plus souvent, il s’agit d’une “tragi-comédie” à laquelle la victime, convaincue de l’existence du diable, se livre sous l’effet de l’autosuggestion, parfois dans le seul but d’attirer l’attention sur elle. Dans les autres cas, cet état hystérique est dû à des troubles pathologiques, généralement une crise d’épilepsie, que l’on attribue à “l’œuvre du démon”. On fait alors appel à un exorciste, avec l’espoir qu’il mettra fin à la “possession”. Pourtant, là aussi, ce qu’il fait, fût-ce au nom de Dieu et aussi spectaculaire que cela puisse paraître, n’a pas d’autre effet que celui qu’on lui prête. Mieux vaudrait un traitement médical approprié…

En Afrique, comme partout ailleurs dans le monde, il y a malheureusement des enfants qui naissent avec des malformations physiques ou des déficiences mentales. De nombreux Africains croient qu’elles sont dues à des sortilèges. De crainte de les subir “par contagion”, il arrive fréquemment que la population locale évite tout contact avec ces enfants et  leur  famille.  Dans  certains  villages,  ce  rejet  peut  aller  jusqu’au  bannissement  et  pire encore… Au cours de ces dernières années, des organisations non gouvernementales (O.N.G.) se sont créées pour prendre en charge et soigner ceux qui souffrent de ces pathologies. On ne peut que s’en réjouir. Mais ces organisations se heurtent à une partie du peuple, qui voit là une intrusion dans ses mœurs. Les plus virulents à leur encontre sont les “guérisseurs- féticheurs”, car ils prétendent être les seuls à connaître l’origine précise de ces affections et à pouvoir les guérir. Ne les croyez pas ; faites confiance aux vrais médecins.

Contrairement à ce que pensent ceux et celles qui croient à la magie noire et à la sorcellerie, aucun être humain n’a le pouvoir de nuire aux autres à distance, car les pensées malveillantes, en raison de leur nature vibratoire, se “dissolvent” dans l’espace environnant avant d’atteindre quiconque. Pour prendre une analogie, elles sont comparables à une poignée de cendres qu’on lance devant soi et qui se dispersent à quelques pas, souvent même sur nous. De même, il est impossible à quiconque de “sortir de son corps” pour “vampiriser” telle personne, ou se transformer en animal féroce pour tuer ou blesser telle autre. Là encore, on est dans le domaine de l’imaginaire et de la superstition. En revanche, n’importe qui peut verser du poison dans votre boisson, mettre des poils de panthère dans votre nourriture afin de vous perforer l’estomac, etc. Dans ce cas, il ne s’agit plus de sortilèges, mais d’actes criminels dont les auteurs devraient répondre devant les tribunaux.

Mon but, à travers cette lettre ouverte, n’est pas de faire le “procès en sorcellerie” de ceux et celles qui s’adonnent à des pratiques maléfiques destinées à nuire aux autres, mais de rassurer, et même de conforter, ceux et celles qui en ont peur. Aussi, je réaffirme que quiconque s’adonne à la magie noire et à la sorcellerie n’a pas d’autre pouvoir que celui qu’on lui prête. Je pense également que si certains sont convaincus à tort d’être capables de jeter des sorts, d’autres savent parfaitement qu’ils ne le sont pas et mentent en parfaite connaissance de cause. Quoi qu’il en soit, le seul moyen de se protéger contre leurs agissements est de n’y prêter aucune attention. Convaincus de cela, les Rose-Croix ne les craignent nullement, et même s’y opposent sur tous les plans. Je n’en connais d’ailleurs aucun qui ait eu à souffrir d’ensorcellements, d’envoûtements et autres sortilèges. En revanche, vous connaissez certainement des ensorceleurs et des envoûteurs qui ont eu des accidents, sont tombés malades, etc., alors que leurs “pouvoirs” étaient censés les protéger. Dans ce domaine comme dans d’autres, chacun finit par récolter ce qu’il a semé.

Je ne peux évoquer le problème de la magie noire et de la sorcellerie sans parler des fétiches, amulettes et autres gris-gris auxquels on attribue un pouvoir bénéfique ou maléfique. Conformément à ce que j’ai expliqué précédemment, aucun objet, par lui-même et en lui-même, ne porte bonheur ou malheur, chance ou malchance. Une telle croyance relève également de la superstition. La même chose est vraie à propos des animaux. Malheureusement, de par le monde, on a massacré des millions de corbeaux, de chats noirs, de chouettes, de loups, etc., sous prétexte qu’ils étaient maléfiques. S’ils l’étaient vraiment, pourquoi la nature, et à travers elle Dieu Lui-même, aurait fait en sorte qu’ils viennent à l’existence ? Toujours est-il que si vous croyez à la magie noire et à la sorcellerie, sachez qu’aucun objet rituel, religieux ou traditionnel, aussi “sacré” et “puissant” soit-il, ne peut vous protéger. La meilleure protection en la matière, c’est le pouvoir de vos propres pensées. Soyez donc assuré que nul individu, pas même un féticheur, quoi qu’il dise, quoi qu’il suggère, quoi qu’il fasse, n’est capable de vous envoûter ou de vous ensorceler si vous ne le voulez pas au plus profond de vous-même.

À propos des animaux, je sais que nombre d’entre eux sont sacrifiés en Afrique et ailleurs dans le cadre de rituels magico-religieux ayant pour but de chasser les démons, d’éloi- gner les mauvais esprits, de jeter un sort, de se protéger d’un envoûtement, de guérir une maladie, etc. En réalité, de tels sacrifices n’ont aucun effet protecteur, mais ils génèrent des souffrances inutiles, souvent barbares, à l’animal concerné. Là encore, il ne fait pour moi aucun doute que ceux qui les pratiquent ou les cautionnent s’exposent à des “retours de flamme”, car toute vie est sacrée aux yeux du Créateur et ne peut être prise que pour de bonnes raisons. Or, sacrifier des animaux, que ce soit d’ailleurs à des fins maléfiques ou pour plaire à Dieu, est coupable à Ses yeux. S’Il devait attendre un sacrifice de notre part, ce serait celui qui consiste à “tuer” ce qui est indigne et malveillant en nous, afin que nous devenions meilleurs dans nos jugements et notre comportement.

Je suis parfaitement conscient que les idées exprimées dans cette lettre ouverte vont choquer certains et déplaire à d’autres, et ce, pour des raisons diverses. À l’exception des Rose-Croix, beaucoup d’Africains, en la lisant, vont se dire également que je ne sais pas de quoi je parle et que le Français que je suis, pour ne pas dire le “blanc”, ne peut comprendre ce qu’il en est vraiment de la magie noire et de la sorcellerie. Je respecte ce point de vue, mais je leur demande néanmoins de faire momentanément abstraction de leurs croyances ancestrales, de réfléchir par eux-mêmes et de faire confiance aux lois divines, lesquelles sont constructives par nature et ne permettent pas à l’être humain de nuire à autrui au moyen de pratiques occultes ou “magiques”. Et qu’ils se posent la question : quel intérêt puis-je avoir à vouloir les convaincre qu’ils sont en eux-mêmes plus puissants que n’importe quel ensorceleur, envoûteur, etc. ?

À l’instar de tout individu, chaque peuple a des points forts et des points faibles. Alors que les Européens en général et les Français en particulier ont tendance à être trop rationalistes et même trop matérialistes, les Africains sont très spiritualistes, ce qui, de mon point de vue, est une qualité majeure. Leur faiblesse réside dans le fait qu’ils ont tendance à penser que les épreuves auxquelles ils sont confrontés (maladies, accidents, difficultés à avoir un enfant, perte de son emploi, échec à un examen, etc.) sont dues à des forces maléfiques que le diable, un démon, un esprit, un ensorceleur, un envoûteur, etc., dirige contre eux. Aussi longtemps qu’ils le croiront et se laisseront manipuler par ceux qui profitent de leur crédulité, ils resteront prisonniers des superstitions qui leur ont été inculquées de génération en génération, et ne pourront exprimer pleinement leur intelligence et leur esprit de créativité.

Je sais que les Africains aiment leurs enfants. Aussi, je les encourage plus que jamais à les éduquer dans l’idée qu’ils n’ont rien à craindre de la magie noire, de la sorcellerie et autres pratiques soi-disant maléfiques. La meilleure chose qu’ils puissent faire pour eux, outre leur donner une bonne éducation et répondre à leurs besoins les plus légitimes, c’est de les libérer définitivement du carcan de la superstition et permettre ainsi à l’Afrique de s’élever vers les hauteurs auxquelles elle est promise. Dans cette perspective, qu’ils soient assurés du soutien fraternel et spirituel de tous les Rose-Croix du monde…

Avec tous mes vœux de succès, de prospérité et de bonheur.

Sincèrement et fraternellement,

Serge Toussaint
Grand Maître de l’Ordre de la Rose-Croix

> Lettre ouverte aux Africains qui croient à la magie noire (Document original en Pdf)

 

Lettre ouverte aux athées

Le 9 mai 2013 – Année R+C 3366

« N’est pas athée qui croit l’être…
Les grands 
athées sont rares. »

Victor Hugo (1802-1885)

LETTRE OUVERTE AUX ATHÉES

De Serge Toussaint, Grand Maître de l’Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix

Tout d’abord, je souhaiterais préciser que cette lettre ouverte n’est animée d’aucune intention vindicative à l’encontre des athées et n’a pas pour but de les convaincre de quoi que ce soit, en supposant même qu’on puisse le faire. Elle s’apparente plutôt à une réflexion générale sur l’athéisme, non pas à travers des considérations empruntées à la philosophie académique, universitaire, classique, moderne ou autre, mais à la lumière de la pensée rosicrucienne. Elle ne s’adresse donc pas à une élite intellectuelle, mais à quiconque accepte, le temps de sa lecture, de s’interroger sur lui-même et sur le sens qu’il donne ou ne donne pas à sa vie. J’ajouterai qu’elle est dénuée de toute arrière-pensée moralisatrice, chacun devant l’interpréter à l’aune de ses convictions personnelles.

Par définition, l’athéisme est l’opinion de toute personne qui nie l’existence de Dieu, et par extension celle de l’âme. Il est impossible de dire combien d’athées il y a dans le monde, mais des enquêtes récentes montrent que son nombre n’a cessé d’augmenter au cours de ces dernières années, notamment dans les pays développés. En Europe, c’est la France qui en compte le plus, avec environ 30 % de la population. Est-ce là un héritage de cet esprit que l’on dit cartésien et que beaucoup de Français revendiquent et cultivent ? Si oui, peut-être faut-il rappeler que René Descartes fut en contact étroit avec les Rose-Croix de son époque et montra un intérêt évident pour la spiritualité. Dans l’un de ses livres, il déclara d’ailleurs :

« Comment serait-il possible que je puisse savoir que je doute, c’est-à-dire qu’il me manque quelque chose et que je ne suis pas parfait, si je n’avais en moi aucune idée d’un Être plus parfait que le mien par la comparaison duquel je puis connaître les défauts de ma nature ? […] Puisque je suis une chose qui pense et qui a en soi quelque idée de Dieu, quelle que soit la cause que l’on attribue à ma nature, il me faut nécessairement avouer qu’elle doit pareillement être une chose qui pense, et posséder en soi l’idée de toutes les perfections que j’attribue à la Divinité. »

De nombreux athées, dont peut-être vous-même, ne l’étaient pas à l’origine, mais le sont devenus. Certains ont perdu la foi suite à des épreuves qui ont généré en eux un profond sentiment d’injustice : la mort d’un être cher, une maladie grave dont ils n’ont pas guéri, la destruction de leur habitation lors d’une catastrophe naturelle, etc. C’est alors qu’ils ont commencé à douter et à remettre en cause l’existence de Dieu, considérant à tort que leur croyance en Lui aurait dû les préserver de telles épreuves. Bien que compréhensible sur le plan humain, une telle réaction montre en fait que leur conception de Dieu était erronée. Contrairement à ce qu’ils pensaient, il ne s’agit pas d’un Être anthropomorphique, soucieux d’intervenir personnellement dans notre vie pour nous préserver des vicissitudes de l’existence, et ce, avec d’autant plus d’empressement que l’on suit Ses commandements, tels que les religions les définissent à travers leur credo. Malheureusement, c’est ainsi que nombre de croyants Le conçoivent, d’où leur déception et leur incompréhension lorsque l’adversité les submerge.

Pour rester dans le même genre de raisonnement, nombre d’athées nient l’existence de Dieu, car ils pensent que s’Il existait, il n’y aurait ni guerres, ni pauvreté, ni maladies, etc. Or, ce n’est pas Lui qui fait les guerres, mais les hommes ; s’ils s’aimaient les uns les autres, elles n’auraient plus cours. De même, s’ils étaient plus fraternels et plus solidaires, il n’y aurait quasiment plus de pauvres. S’ils avaient une meilleure hygiène de vie et respectaient davantage les lois naturelles, il y aurait infiniment moins de maladies, etc. D’une manière générale, la cause majeure des difficultés, des problèmes et des épreuves auxquels nous sommes confrontés se situe dans le comportement humain. Cela veut dire que si les hommes, dans leur ensemble, faisaient preuve de sagesse et s’évertuaient à exprimer le meilleur d’eux-mêmes, le paradis que les religions situent quelque part dans l’au-delà serait accessible ici-bas. C’est ce qui a conduit nombre de penseurs et de philosophes à dire que l’humanité est capable de créer sur Terre la société idéale.

Que faut-il entendre par « exprimer le meilleur de nous-mêmes » ? Comme l’enseigna Socrate, il s’agit de manifester les vertus qui font la dignité de l’être humain, telles que l’intégrité, l’humilité, la générosité, la tolérance, etc. Or, ces vertus ne résultent pas du cerveau ; la science n’a d’ailleurs jamais décelé de zones cérébrales dont l’activité ou la stimulation inciterait à être modeste, intègre, bienveillant, tolérant, etc. Il ne s’agit donc pas de facultés mentales ou intellectuelles, pas plus que ne l’est la « voix de la conscience ». Elles sont des attributs de l’âme et sont donc de nature spirituelle. Vue sous cet angle, la spiritualité est fondée sur la conviction qu’il existe en tout être humain une dimension transcendantale, pour ne pas dire divine, et que le but de la vie est d’exprimer cette dimension à travers notre comportement. Cela suppose d’avoir la volonté de s’améliorer sur le plan humain, et par conséquent de travailler sur soi-même pour sublimer ses défauts et ses faiblesses. C’est précisément ce à quoi les Rose-Croix se consacrent en application de leur philosophie.

L’athée que vous êtes peut-être se dira probablement que l’on peut œuvrer à son perfectionnement sans pour autant être spiritualiste, et donc sans croire en Dieu. C’est vrai ; mais toute personne ouverte à la spiritualité fait de ce travail personnel un but en soi et l’inscrit dans la durée, au-delà même de sa vie présente. Autrement dit, elle s’y consacre avec l’idée qu’il bénéficiera à son âme, non seulement durant son existence en cours, mais également par-delà ce que l’on appelle communément « la mort », cette échéance qui constitue le mystère des mystères et à laquelle aucun être humain ne peut se soustraire. Ainsi, là où un athée voit la fin définitive de ce qu’il était en tant que personnalité, et donc des efforts éventuels qu’il a faits pour s’améliorer, un spiritualiste entrevoit le début d’un nouveau cycle d’existence, avec la survivance des qualités qu’il a éveillées au contact des autres.

Puisque je viens de me référer à la mort, il me semble utile d’expliquer brièvement comment les Rose-Croix la conçoivent. Après que le défunt ait rendu son dernier souffle, l’âme qui l’animait se libère graduellement de son corps et recouvre l’état d’énergie-conscience qu’elle avait avant de s’incarner. Elle est alors consciente que sa vie est achevée, d’autant qu’elle perçoit tout ce qui se déroule autour de ce qui était son “enveloppe charnelle”. Durant les heures et les jours qui suivent le décès, elle demeure à proximité des êtres qui lui sont chers et irradie vers eux des “pensées” destinées à les réconforter. Malheureusement, leur peine et leur ignorance de ce qu’est vraiment la mort les empêchent souvent de recevoir cette aide purement spirituelle. À un moment donné, l’âme se sent comme attirée vers ce que l’on appelle couramment « l’au-delà », qui correspond en fait à une autre dimension de l’univers, ou si vous préférez à un univers parallèle. Après avoir fait le bilan de la vie qu’elle vient d’achever, elle se réincarne, afin de poursuivre son évolution spirituelle.

Après la mort, l’âme ne se rend donc ni en enfer ni au paradis, fût-ce après un séjour plus ou moins long au purgatoire. Ces destinations post-mortem n’ont aucun fondement ontologique et ne correspondent à aucune réalité. Bien que respectables en soi, elles ont été conçues par les fondateurs des religions, afin d’encourager les hommes à faire le bien et les dissuader de faire le mal, ce que l’on peut comprendre. De même, le diable n’a jamais existé, pas plus que les démons censés le servir ; il s’agit là aussi d’un concept qui a été imaginé pour inciter les fidèles à suivre scrupuleusement les credo religieux, de crainte qu’il ne prenne possession de leur âme durant leur vie ou après leur mort. Durant des siècles, ces croyances ont conditionné le comportement de millions d’hommes, de femmes et d’enfants. Mais de nos jours, la grande majorité des croyants n’y adhèrent plus, toutes religions confondues. C’est notamment le cas des jeunes, car ils sont plus instruits que ne l’étaient leurs aînés, et beaucoup moins manipulables.

Pour faire suite aux remarques précédentes, chacun sait que de nombreux athées le sont parce qu’ils n’adhèrent pas aux croyances perpétuées par les religions : le paradis, l’enfer, le purgatoire, le diable, mais également Adam et Ève en tant que premier homme et première femme ayant vécu sur Terre, le péché originel, l’univers créé en six jours, la résurrection des corps, etc. Il est un fait que l’évolution des consciences et les progrès de la science ont rendu ces croyances obsolètes aux yeux de nombreuses personnes. Malheureusement, cette incrédulité s’est transformée en incroyance, laquelle s’est elle-même mutée en athéisme. Ceci est d’autant plus dommage qu’il ne faut pas confondre « religiosité » et « spiritualité ». En effet, on peut tout à fait être spiritualiste sans suivre un credo religieux et se soumettre aux dogmes qui lui sont propres. Par ailleurs, le seul fait de croire en Dieu ne rend pas meilleur, à tel point que nombre de guerres ont été menées en Son nom, parfois même à la demande des plus hautes autorités de certains clergés.

Mais s’il est vrai que la religiosité a généré des guerres au cours des âges, ce n’est pas une raison pour prôner l’athéisme avec véhémence, comme certains le font de nos jours. En effet, la politique, au sens large du terme, en a causé beaucoup plus. Dans ce dernier cas, l’enjeu n’était pas de convertir tel peuple à telle religion, mais d’envahir, de conquérir et d’asservir, le plus souvent à des fins idéologiques, géopolitiques ou économiques. Que dire également de l’économie elle-même, qui dresse les nations les unes contre les autres, et à l’intérieur d’elles les classes sociales ? Ce n’est pas pour autant que l’on se détourne de la politique ou de l’économie. De même, il n’est ni rationnel ni raisonnable de se désintéresser de la spiritualité, ou pire encore de s’y opposer, sous prétexte qu’aucune religion ne nous intéresse. Réagir ainsi ne peut que nous éloigner de nous-mêmes, avec le risque de cultiver en nous un scepticisme qui confine au sectarisme à l’encontre des croyants.

Comme vous le savez certainement, Blaise Pascal, dans ses Pensées, a fait de l’existence ou de la non-existence de Dieu l’enjeu d’un « pari ». Dans un style très vivant et démonstratif, il amène progressivement le lecteur à la conclusion, non pas que Dieu existe nécessairement, mais qu’il y a fort à parier qu’Il existe. Dans un texte intitulé « Les deux infinis », il franchit une étape supplémentaire, puisqu’il va jusqu’à dire que « c’est le plus grand caractère sensible de la toute-puissance de Dieu que notre imagination se perde dans cette pensée » (celle qui consiste à comprendre que « l’homme est un néant à l’égard de l’infini, un tout à l’égard du néant »). Considérant que « Dieu est une sphère dont le centre est partout et la circonférence nulle part », Blaise Pascal consacra un grand nombre de ses écrits à s’opposer à l’athéisme, dans lequel il voyait une source d’ennui et de tristesse. Quelle que soit votre opinion en la matière, vous conviendrez que ce grand penseur fut loin d’être un ignorant…

À propos de la tristesse, il est avéré que les croyants sont en grande majorité plus heureux que les athées, car le fait d’admettre l’existence de Dieu, quelle que soit la conception qu’on en ait, rend généralement plus optimiste et plus confiant en la vie. Par ailleurs, s’il est vrai que certains d’entre eux perdent la foi face à des épreuves particulièrement pénibles, la plupart puisent en elle la force intérieure de les affronter et de les surmonter, de sorte qu’ils ne cèdent ni au pessimisme ni à l’aigreur. Il a été prouvé également que des pratiques comme la prière et la méditation ont un effet positif sur la santé et favorisent la guérison des maladies. Un autre fait a été confirmé par le personnel médical : un croyant a une approche de la mort beaucoup plus positive qu’un athée et l’aborde avec une sérénité qui bénéficie, non seulement à lui-même, mais également à son entourage.

Naturellement, je n’ai pas la prétention de me situer au niveau de Blaise Pascal, mais je vous propose de voir en quoi, me semble-t-il, l’existence de Dieu est indéniable : nul ne peut nier que l’univers, désigné sous le nom de « cosmos » (univers organisé) par les philosophes grecs, est une réalité tangible, de même que la Terre sur laquelle nous vivons. Or, d’un point de vue rationnel, il y a nécessairement une cause à l’origine de toute chose et de tout être, car rien ne peut être généré par le néant ou par le vide. Il en résulte que la Création dans son ensemble est nécessairement l’œuvre d’un Créateur. Et puisque les scientifiques eux-mêmes reconnaissent que l’univers et la nature sont régis par des lois admirables, il en résulte que ce Créateur est prodigieusement intelligent. Dès lors, pourquoi ne pas l’appeler « Dieu » et voir en Lui, à l’instar d’Isaac Newton et d’Albert Einstein, une Intelligence absolue, ordonnée et ordonnatrice ? Depuis quelques années, de plus en plus de scientifiques, et non des moindres, vont d’ailleurs dans ce sens.

De mon point de vue, la question essentielle qui se pose au sujet de Dieu n’est donc pas de savoir s’Il existe ou non, mais de savoir s’Il intervient ou non dans la vie des êtres humains que nous sommes. À cette question, je répondrai ceci : En tant qu’Intelligence, Conscience, Énergie, Force (peu importe le terme), Dieu intervient dans nos vies à la mesure du respect que nous accordons aux lois par lesquelles Il se manifeste dans l’univers, dans la nature et en nous-mêmes. Au regard de l’ontologie rosicrucienne, ces lois sont de trois sortes : naturelles, universelles et spirituelles. Plus nous vivons en harmonie avec elles, plus nous posons en nous et autour de nous les conditions d’une vie heureuse. Cela suppose de les étudier, ce que font les membres de l’A.M.O.R.C. à travers leur enseignement. Vous noterez que cette approche de Dieu est plus scientifique que religieuse, et qu’elle fait davantage appel à la raison qu’à la foi ; elle ne devrait donc heurter aucun athée.

Revenons-en à l’âme humaine. Certes, il est impossible de prouver objectivement son existence. Cela étant, comment expliquer les milliers d’E.M.I. (Expérience de Mort Imminente) répertoriées par des scientifiques à travers le monde ? Tous les témoignages recueillis confirment que les personnes concernées sont “sorties” de leur corps et ont eu accès à un monde parallèle qu’elles ont qualifié de « spirituel », à défaut peut-être d’un mot mieux approprié. De même, des milliers d’individus, dont un grand nombre d’enfants, ont décrit qui ils étaient dans leur vie antérieure, où ils habitaient, comment ils s’appelaient, etc., après en avoir eu des réminiscences. Vérifications faites par des observateurs indépendants, il s’est avéré que la plupart des récits étaient fondés. Dès lors, n’y a-t-il pas davantage de raisons d’admettre l’existence de l’âme que de la nier ? Si oui, n’y en a-t-il alors pas davantage également pour considérer que Dieu existe plutôt que le contraire, du moins au sens rosicrucien du terme ?

Comme le montre l’histoire du monde, ce sont les civilisations les plus ouvertes à la spiritualité, et même à la religiosité, qui ont le plus contribué à l’évolution de l’architecture, de la littérature, de l’art, et d’une manière générale de la culture. Pour prendre deux exemples marquants, rappelons-nous le rayonnement atteint par l’Égypte et la Grèce antiques. Si l’humanité actuelle poursuit sa conversion à l’athéisme, il me paraît évident qu’elle sombrera davantage encore dans le matérialisme et le laïcisme, avec le risque d’enfanter des systèmes socio-politiques liberticides et sans âme, ayant pour but exclusif de faire le bonheur des gens malgré eux. L’homme a toujours éprouvé le besoin de croire en “quelque chose” de transcendantal. S’il en est ainsi, c’est parce qu’il est d’essence spirituelle et ressent la nécessité de comprendre le sens profond de l’existence. L’athéisme est donc contre nature, ce qui explique pourquoi il ne peut rendre quiconque heureux à long terme.

En conclusion de cette lettre ouverte, je dirai simplement que si vous êtes athée, ce qui est votre droit le plus absolu, j’espère ne pas avoir porté atteinte à votre non-foi, tant il est évident que chacun est libre de ses croyances, dès lors, naturellement, qu’elles ne donnent pas lieu à des pratiques contraires aux valeurs éthiques les plus élémentaires. La grande majorité des philosophes et des penseurs qui ont jalonné l’histoire de l’humanité étaient spiritualistes et se sont évertués à démontrer que l’athéisme est aliénant, en ce sens qu’il empêche l’être humain de se réaliser pleinement. Le moment est donc peut-être venu de redécouvrir leurs œuvres et de nous en faire l’écho. Qu’en pensez-vous ?

               Avec mes pensées les plus fraternelles.

 

Serge Toussaint
Grand Maître de l’Ordre de la Rose-Croix

> Lettre ouverte aux athées (Texte original en Pdf)

 

 

Lettre ouverte aux artistes

Le 21 juin 2013 – Année R+C 3366

« L’art, c’est la contemplation ; c’est le plaisir de l’esprit
qui pénètre la nature et qui y devine l’esprit
dont elle-même est animée. »

Auguste Rodin (1840-1917)

 

 

LETTRE OUVERTE AUX ARTISTES

De Serge Toussaint, Grand Maître de l’Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix

 

 Tout d’abord, il me semble important de préciser que je ne suis pas un artiste et encore moins un spécialiste en art. Aux yeux de certains lecteurs, cet aveu suffira peut-être à rendre peu crédibles les propos qui suivent, au point de ne pas aller au-delà de ces quelques lignes. D’autres, sans avoir cet a priori défavorable, ne les partageront pas, ne serait-ce qu’en partie. C’est naturellement leur droit. Dans ce cas, qu’ils les considèrent avec bienveillance et voient en eux une source de réflexion en la matière.

Dans la plupart des livres de référence, l’art est présenté comme « la création d’objets ou de mises en scène spécifiques destinés à produire chez l’homme un état de sensibilité et d’éveil lié au plaisir esthétique ». Quant au mot « esthétique », on lui donne généralement pour définition : « qui a rapport au sentiment, à la perception du beau ». Cela veut dire que l’art est par essence indissociable de la notion de beauté. Or, l’expérience prouve que ce qui est beau pour les uns ne l’est pas nécessairement pour les autres, et ce, dans toutes les branches liées à l’activité artistique : peinture, sculpture, musique, danse… De ce fait, l’idée que chacun se fait de l’art est subjective et dépend en grande partie de sa sensibilité, de ses goûts, de ses croyances, de ses convictions, de ses idéaux et de sa culture. Dans ce domaine comme dans d’autres, il existe donc des désaccords profonds, pour ne pas dire des oppositions. Il faut dire également que l’expression, la perception et la conception de l’art ont évolué au cours des âges, de sorte que ce qui était considéré comme artistique à une certaine époque ne l’est plus nécessairement aujourd’hui, et inversement.

La plupart des historiens de l’art considèrent que celui-ci est apparu dès la préhistoire, à l’époque où l’homme primitif a commencé à peindre des fresques sur les murs des grottes qu’il habitait, c’est-à-dire à partir de 50 000 ans avant notre ère. L’un des exemples les plus connus à travers le monde est probablement celui de la grotte de Lascaux, en Dordogne, dont les peintures rupestres remontent à environ 20 000 ans. A priori, nous pouvons penser que ceux qui les ont réalisées l’ont fait avant tout dans le but de représenter des scènes de leur vie courante, ce qui prouve, non seulement qu’ils étaient pleinement conscients d’être distincts de leur environnement, mais également qu’ils étaient sensibles aux expériences qu’ils vivaient au quotidien. La question que l’on peut se poser est de savoir si, en les peignant, ils ont souhaité créer quelque chose de beau. Dans l’affirmative, cela laisse supposer que la beauté est un archétype qui fait depuis longtemps partie de la conscience humaine, pour ne pas dire depuis toujours. Dans le cas contraire, cela signifie que ce sont les hommes modernes qui, d’une manière plus ou moins arbitraire, ont donné à ces peintures une valeur artistique. Pour autant, cela n’amoindrit aucunement l’esthétique qui s’en dégage et l’émotion que l’on ressent à l’idée qu’elles sont l’œuvre de nos lointains ancêtres.

En ce qui me concerne, je pense effectivement que l’art implique la volonté de manifester le beau. Pour reprendre l’expression de Joséphin Péladan, qui fut l’organisateur des Salons de la Rose-Croix tenus à Paris en 1892, il présuppose le désir d’accomplir un « geste esthétique ». Quant à Victor Hugo, il déclara : « L’art, c’est le reflet que renvoie l’âme humaine éblouie de la splendeur du beau ». Dès lors, une œuvre n’est artistique qu’à partir du moment où celui qui l’a réalisée a souhaité, certes s’exprimer, mais également et surtout manifester la beauté. De ce point de vue, il me semble évident que des Monet, Rodin, Mozart et consorts ont voulu exprimer le beau à travers ce qu’ils ont réalisé, et qu’ils l’ont fait dans le respect des règles élémentaires de l’esthétique. En cela, ils méritent à juste titre le qualificatif d’artistes. Certes, on peut ne pas aimer l’ensemble de leur œuvre ou préférer Rembrandt à Monet, Michel-Ange à Rodin, Beethoven à Mozart, etc., mais il faudrait être de mauvaise foi ou totalement ignorant sur le plan artistique pour voir en eux des imposteurs. Rappelons si besoin est que certains d’entre eux n’ont pas été reconnus de leur vivant, le plus souvent parce qu’ils étaient en avance sur leur temps ou parce que les gens de l’époque n’avaient ni la culture ni la sensibilité voulues pour apprécier leurs œuvres.

S’il est possible que le talent artistique de certains peintres, sculpteurs et musiciens du passé n’ait pas été aussi grand et exceptionnel qu’on l’a prétendu, je pense que l’art contemporain a donné et donne encore lieu à des impostures diverses. Pour reprendre un passage du Manifeste publié en 2001 par l’A.M.O.R.C., « le bruit n’est pas de la musique ; le barbouillage n’est pas de la peinture ; le concassage n’est pas de la sculpture ; le défoulement n’est pas de la danse ». Ce sont avant tout des formes d’expression qu’on est naturellement libre d’apprécier. Malheureusement, l’argent, la mode, le snobisme et le désir de notoriété exercent une influence de plus en plus pernicieuse sur l’art, ce qui explique pourquoi les dernières décennies ont enfanté nombre d’artistes qui, à mon avis, ne le sont que de nom. Dans le domaine de la peinture, il y a des dessins d’enfants qui n’ont rien à envier à certains tableaux signés de noms “d’artiste”. Comble du ridicule, on en est même venu à faire peindre des animaux, dont les “œuvres” se vendent à prix d’or. Un point noir au milieu d’une toile blanche suscite l’admiration. Des expositions ont été organisées à partir de ce que l’on trouve dans les poubelles. Des acteurs et des danseurs s’exhibent entièrement nus sur scène… Que restera-t-il de ces “œuvres” dans un siècle ? Quoi qu’on en dise, l’art ne se réduit pas au culot et encore moins à l’exhibitionnisme. Cela étant, il ne s’agit en aucun cas de réduire l’art contemporain à ces impostures, car il a donné naissance à d’authentiques chefs-d’œuvre.

Personnellement, je reste convaincu que l’art doit faire appel à l’émotion beaucoup plus qu’à la raison. Dès lors que l’on doit analyser et “décortiquer” une œuvre pour en comprendre le sens premier, on se situe davantage dans la spéculation intellectuelle que dans le sentiment artistique. Cela suppose qu’une peinture ou une sculpture doit susciter une impression d’esthétique et de beauté au moment même où on la regarde. Naturellement, on peut réfléchir ensuite sur la technique employée, mais cette réflexion n’intervient a posteriori que pour mesurer la maîtrise de l’artiste et saisir les subtilités qu’il a su exprimer. Ce principe s’applique tout aussi bien à la musique et à la danse, où le ressenti doit primer sur le réfléchi. À titre d’exemple, si l’on écoute la «Sonate au clair de lune» de Beethoven, c’est d’abord la beauté musicale de ce que l’on entend qui séduit, et non la partition qui lui sert de base ou le type de piano utilisé. De même, si le «Lac des cygnes» de Tchaïkovski constitue véritablement une œuvre d’art, c’est parce que la chorégraphie de ce ballet touche spontanément les émotions. Et si un athée est émerveillé par l’architecture d’une cathédrale, c’est parce qu’elle émeut son âme, même s’il en nie l’existence.

De ce qui précède, n’en déduisez pas que l’art n’a pas vocation à questionner et à faire réfléchir. Néanmoins, lorsqu’il le fait, je pense que ce doit être, non pas pour susciter des cogitations aussi spéculatives que stériles, mais pour induire des pensées positives et constructives, ou pour générer des idées empreintes de pureté et d’harmonie. Certains artistes disent œuvrer avant tout pour dénoncer tel problème de société ou interpeller sur tel autre, au besoin en choquant ou en mettant mal à l’aise ceux qui regardent leurs expositions ou écoutent leurs compositions. Mais de mon point de vue, exposer des cadavres, des détritus, des mégots de cigarettes et que sais-je encore, ou apostropher notre ouïe avec des vociférations ou des bruits aussi vagues que discordants, n’a rien d’artistique. Sans mettre en cause la sincérité des personnes qui se livrent à ce genre de choses, j’éprouve beaucoup de difficulté à voir en elles des artistes dignes de ce nom, d’autant que nul n’est besoin dans ce cas de maîtriser une technique ou d’avoir du talent. Cela étant, chacun est libre de les considérer comme tels et d’apprécier ce qu’elles font.

Mais que serait une peinture, une sculpture, une danse ou une pièce musicale sans ceux qui prennent le temps de la regarder ou de l’écouter ? Par extension, qui est le mieux habilité à dire qu’une création est artistique ou ne l’est pas ? Est-ce une élite (réelle ou supposée) ? Est-ce le grand public ? À chacun sa réponse. En ce qui me concerne, je pense que l’art est devenu beaucoup trop élitiste au fil du temps et qu’il est de plus en plus orienté par un petit nombre de décideurs ayant divers intérêts à le faire. Malheureusement, dans ce domaine comme dans d’autres, beaucoup de personnes se laissent manipuler, au point de se sentir parfois obligées de laisser entendre qu’elles aiment telle œuvre ou tel style, de crainte d’être considérées comme totalement ignares ou arriérées en matière artistique. Il arrive également que des artistes cèdent à ce type de manipulation et deviennent les complices d’une dérive, d’une déviance ou d’un dévoiement de l’art. On ne peut que le regretter, car eux sont censés savoir ce qu’il en est.

Il existe de nombreux courants et mouvements dans l’art, et ce, dans chacun des domaines qui lui sont propres : classique, moderne, contemporain, abstrait, concret, conceptuel, figuratif, analytique, synthétique, impressionniste, expressionniste, réaliste, utopiste, naturel, artificiel, etc. Cette pluralité est une bonne chose, car l’art ne saurait se réduire à un seul genre. Cela étant, et pour les raisons expliquées précédemment, tous ces courants et tous ces mouvements devraient avoir en commun d’exprimer la beauté. Or, tout comme nous pressentons au plus profond de nous-mêmes ce qui est bien et bon dans le comportement humain, je pense que nous sommes naturellement sensibles à ce qui est beau et vrai. C’est pourquoi Platon, en digne disciple de Socrate, exhorta les hommes à rechercher et à exprimer le bien, le bon, le beau et le vrai. De toute évidence, l’art est un moyen privilégié de le faire et de contribuer ainsi à l’élévation des consciences. Cela suppose néanmoins que les artistes eux-mêmes soient animés par le désir profond d’éveiller l’humanité à l’esthétique des sensations et des sentiments.

Si vous admettez que l’art devrait avoir pour but d’exprimer la beauté, vous conviendrez que la nature reste une référence dans ce domaine, car elle est une expression vivante de l’harmonie. C’est peut-être ce qui a fait dire à George Sand : « L’art est une démonstration dont la nature est la preuve ». Ses sons, ses couleurs et ses formes en font une œuvre d’art qui réunit tous les arts en un tout à la fois beau et cohérent. Vous noterez d’ailleurs que l’admiration dont elle est l’objet est à la fois universelle et intemporelle. Au-delà de la technique utilisée et de l’école suivie, elle a toujours inspiré les artistes, qu’ils soient croyants ou non. Cela ne veut naturellement pas dire qu’elle doit être pour eux la seule source de référence et qu’ils doivent se limiter à l’imiter. En effet, l’homme est doué d’un pouvoir d’abstraction qui lui permet de laisser libre cours à la fantaisie et de créer des œuvres issues de son imagination. Cela dit, il devrait toujours chercher à le faire dans le respect des règles d’harmonie, de mesure et de cohérence que l’on trouve aussi bien dans la nature que dans les plus hauts niveaux de la conscience humaine. Le seul moyen d’y parvenir consiste à s’élever vers le monde des archétypes et non à descendre dans celui des stéréotypes.

De mon point de vue, l’art est indissociable de la spiritualité, en ce sens qu’il devrait puiser sa source dans les niveaux supérieurs de l’âme, et non dans les méandres du mental, comme c’est trop souvent le cas. C’est précisément là que se situe la différence entre un artiste vraiment inspiré et un qui ne l’est pas. Le premier fait appel à ce qu’il y a de plus subliminal en lui ; quant au second, il ne fait souvent qu’extérioriser, voire exorciser, ses pensées, ses désirs et ses pulsions égotistes. Malheureusement, il se trouve toujours quelque personnalité connue ou influente pour s’extasier et laisser entendre qu’il s’agit de créations artistiques, d’où les impostures évoquées précédemment. Les choses étant ce qu’elles sont, l’art est devenu un produit de marketing et de consommation. On le fabrique à la demande, au mépris de la beauté et de l’esthétique qui devraient pourtant lui servir de fondements. Alors qu’il devrait être un support d’élévation culturelle et spirituelle, il est trop souvent un vecteur d’abêtissement et d’égotisme. Certes, on peut dire qu’« il en faut pour tous les goûts » et qu’une création peut être qualifiée d’artistique dès lors qu’elle est considérée comme telle par plusieurs personnes ou même par une seule. Mais n’est-ce pas la porte ouverte à tous les abus ?

Comme vous le savez sans doute, l’alchimie, pratique à laquelle certains occultistes se livraient au Moyen-Âge, était couramment désignée par l’expression « Art royal ». Elle avait pour but de transformer les métaux vils (généralement le plomb et l’étain) en or, selon un processus qui comportait plusieurs étapes (sept d’après la plupart des livres de référence). À l’issue de ce processus, les alchimistes espéraient obtenir la Pierre Philosophale qui, après avoir été réduite en poudre et projetée sur le métal en fusion, était censée transformer celui-ci en or. De nos jours, les Rose-Croix pratiquent plutôt l’alchimie spirituelle, laquelle consiste à transmuter leurs défauts (nous en avons tous) en leurs qualités opposées, afin d’exprimer ce qu’il y a de meilleur en eux et d’être ainsi une bonne compagnie pour eux-mêmes et pour les autres. Ce faisant, ils donnent tout son sens à ce que l’on appelle communément la « Beauté intérieure », dont on dit qu’elle est invisible pour les yeux. Vu sous cet angle, on peut dire que le plus noble et le plus utile des arts est celui qui consiste pour tout être humain à révéler ce qui est beau en lui.

Au regard de l’ontologie rosicrucienne, ce qu’il y a de plus beau en tout être humain n’est autre que son âme, c’est-à-dire l’essence spirituelle qui l’anime. Celle-ci est pure et parfaite en essence, mais nous n’en avons pas conscience objectivement. Si nous vivons sur Terre, c’est précisément dans le but de conscientiser cette pureté et cette perfection latentes, et de les manifester à travers nos pensées, nos paroles et nos actions. Autrement dit, c’est pour évoluer graduellement vers l’état de Sagesse, appelé « état Rose-Croix » dans la Tradition rosicrucienne. Chacun de nous doit donc être un artiste pour lui-même et s’évertuer à réfléchir la beauté de son être intérieur. En termes allégoriques, cela revient pour tout individu à rechercher et à exprimer dans son comportement la beauté absolue du Grand Architecte, du Grand Artisan, du Grand Artiste de l’Univers…

Dans les liens de la beauté et de l’esthétique.

Sincèrement.

 

Serge Toussaint
Grand Maître de l’Ordre de la Rose-Croix

Lire l’original de cette lettre (Pdf)

Une nouveauté: Les « Lettres ouvertes » ont été rassemblées dans un volume:

http://fr.calameo.com/read/000918146e64d0a4501ff

Lettre ouverte aux rosicruciens et aux rosicruciennes

Le 8 août 2013 – Année R+C 3366

 

« Sois et demeure un penseur libre. Réfléchis par toi-même et
ne pense pas 
d’après l’opinion des autres. De même, laisse
chacun libre de ses pensées ; n’impose pas tes idées à autrui
et considère toujours qu’elles sont susceptibles d’évoluer. »
Article 16 du Code de vie rosicrucien.

 

LETTRE OUVERTE AUX ROSICRUCIENS ET AUX ROSICRUCIENNES
DE LA JURIDICTION FRANCOPHONE

 de Serge Toussaint, Grand Maître de l’Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix

 

Chers membres,

Au cours des derniers mois et des dernières années, j’ai écrit quelques lettres ouvertes (« aux citoyens et aux citoyennes du monde », « aux parents que nous sommes, avons été et serons », « aux jeunes », « aux scientifiques », « aux athées », « aux artistes »). Comme je vous l’ai expliqué dans le bulletin mensuel qui est joint chaque mois aux monographies qui vous sont adressées ou auxquelles vous avez accès par Internet, j’ai pris cette initiative dans le but de susciter la réflexion sur des sujets de société, chaque fois sous un angle rosicrucien. Aussi m’a-t-il semblé utile également de m’adresser à vous ouvertement, c’est-à-dire en donnant la possibilité aux non-membres de lire les propos que je vous destine et de se faire ainsi une idée sur les liens et les relations que nous avons sur un plan interne. Parallèlement, ils pourront entrevoir les préoccupations qui sont les nôtres en ces temps particulièrement troublés pour l’humanité.

Parmi vous, certains viennent de s’affilier à l’A.M.O.R.C. et découvrent à la fois l’esprit et l’enseignement rosicruciens. Si vous faites partie de ces membres récents, il est néanmoins probable que vous ayez consulté le site de l’Ordre (www.rose-croix.org) ou le blog (www.blog-rose-croix.fr), et que vous sachiez déjà dans les grandes lignes ce qu’il en est de notre Fraternité et de ses idéaux. Par ailleurs, les premières monographies que vous avez reçues en tant que Postulants contiennent de nombreuses explications sur les tenants et les aboutissants de l’étude rosicrucienne. L’une d’elles contient même le programme général de cette étude, de sorte que tout membre sait parfaitement, dès le début de son affiliation, vers quoi il chemine de mois en mois et d’année en année. Ce point me semble très important, car il est préférable qu’une quête spirituelle ne soit ni improvisée ni laissée au hasard. En cela, on ne peut dissocier le but à atteindre de la voie à suivre pour y parvenir.

Il y a également parmi vous des membres anciens, voire très anciens. Ceux-là connaissent notre Ordre depuis de nombreuses années et lui sont restés fidèles. Qu’ils en soient d’ailleurs sincèrement remerciés. Certains ont atteint les plus hauts degrés et ont donc étudié une grande partie de notre enseignement. Jamais ils ne s’en vantent, car ils savent parfaitement que ce qui fait la valeur d’un Rosicrucien ou d’une Rosicrucienne, ce n’est pas vraiment le niveau atteint dans le cursus de l’A.M.O.R.C., mais l’acquis intérieur. Or, celui-ci ne dépend pas tant du nombre de monographies étudiées, que de la mise en pratique de leur contenu. En cela, le rosicrucianisme n’est pas un passe-temps intellectuel ; il est, non pas spéculatif, mais opératif. Autrement dit, c’est un idéal philosophique qui doit amener chacun de nous à mieux comprendre le sens profond de l’existence, à mieux se connaître lui-même, et à mieux maîtriser sa vie.

 Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire et de l’écrire, l’efficacité et la spécificité de l’enseignement transmis de nos jours par l’A.M.O.R.C. se situent dans le fait qu’il est très structuré. Ainsi, de monographie en monographie et de degré en degré, chaque membre reçoit graduellement la connaissance que les Rose-Croix se sont transmise au cours des siècles, étant entendu que celle-ci est régulièrement actualisée et enrichie par les travaux effectués sous l’égide de l’Université Rose-Croix Internationale. C’est précisément cet aspect graduel de l’étude rosicrucienne qui lui confère toute sa valeur initiatique, en ce sens qu’elle contribue, non pas à acquérir un savoir intellectuel, mais à s’éveiller à la sagesse de l’âme, laquelle est purement spirituelle. À ce sujet, rappelons que Platon considérait que la mission première de l’être humain est d’apprendre à être sage au contact des autres.

 Certes, je suis parfaitement conscient que certains des sujets présentés dans les monographies ne le sont pas (plus) uniquement dans l’A.M.O.R.C. S’il a été l’un des premiers mouvements mystiques à en proposer l’étude, il existe de nos jours de nombreux livres, articles, cours, etc., qui en traitent également. Cela étant, je pense sincèrement que la manière dont ils sont étudiés dans notre Ordre reste unique par sa clarté, sa concision et sa véracité. En effet, c’est une chose que de parler de l’âme, de la conscience, de l’aura, de la visualisation, de la méditation, de la prière, de l’auto-guérison, de la réincarnation, des rêves, etc., mais c’en est une autre que de le faire avec pédagogie et honnêteté. Or, ce qui est expliqué à leur propos dans nombre de textes extérieurs à l’enseignement rosicrucien est souvent confus, approximatif et même erroné. Par ailleurs, les risques de se disperser et de s’illusionner sont grands. Cela étant, chacun est naturellement libre de suivre la voie qui, à un moment donné, lui semble la plus adaptée à sa personnalité.

 Je sais également que nous vivons une époque où l’on incite les gens à tout faire vite et à passer rapidement d’une chose à l’autre, ce qui fait dire à certains que nous avons créé une société du “zapping”. C’est ainsi que nombre de personnes en quête de spiritualité recherchent autant que possible la rapidité et la facilité dans ce domaine, que ce soit par le biais de sites internet, de cours accélérés, de conférences ponctuelles, etc. Quoi qu’on en pense, il n’y a pas de raccourci en matière de mysticisme. Dans ce domaine plus qu’en tout autre, le temps n’est pas un ennemi, mais un allié. Et s’il est vrai qu’il faut une dizaine d’années pour atteindre le douzième et dernier degré de l’A.M.O.R.C., cette durée est nécessaire à l’acquisition et à l’intégration des notions étudiées. À titre de comparaison, il faut une vingtaine d’années pour accéder à une maîtrise dans telle ou telle discipline universitaire. Quant à l’école de la vie, elle fait de nous des étudiants jusqu’à l’instant même de notre mort…

 Si nous sommes sur Terre, c’est avant tout pour évoluer spirituellement, c’est-à-dire pour conscientiser notre âme et exprimer dans notre comportement les vertus qui lui sont propres. Parmi elles figure notamment la patience. Dans ce domaine, la nature est le plus bel exemple à suivre. Lorsque l’on songe que la Terre est apparue il y a environ quatre milliards et demi d’années, la vie il y a environ un milliard d’années, et l’homme il y a environ deux millions d’années, est-il à ce point incongru et pénible de consacrer quelques années à mieux comprendre le pourquoi et le comment de notre présence ici-bas ? Personnellement, je suis émerveillé de voir avec quelle sagesse la nature utilise le temps qui passe : d’année en année et de décennie en décennie, elle se renouvelle, s’enrichit et se transcende continuellement à travers la flore et la faune. Sans impatience ni lassitude, elle œuvre à son propre perfectionnement. C’est entre autres ce qui en fait la beauté ; charge à nous de nous en inspirer sur tous les plans…

 Comme vous le savez certainement, il y a chaque mois des membres qui quittent notre Ordre, ce qui est naturellement leur droit. Or, très souvent, c’est l’impatience qui les conduit à prendre cette décision : les uns souhaitaient progresser plus rapidement dans les degrés ; les autres avaient le sentiment de stagner dans la pratique de la création mentale, de la méditation, de l’alchimie spirituelle, etc. ; d’autres encore espéraient devenir des maîtres de sagesse en quelques mois. Comme on le dit familièrement, ils ont décidé d’aller “voir ailleurs”. Quelque temps après avoir démissionné de l’A.M.O.R.C., il arrive fréquemment que certains d’entre eux écrivent à la Grande Loge pour solliciter leur réintégration. Ayant compris que ce qui est vite fait est rarement bien fait, ils reprennent leur étude rosicrucienne avec un nouvel état d’esprit, source de satisfactions et de joies intérieures. La plupart atteignent d’ailleurs les plus hauts degrés.

Dans un tout autre ordre d’idée, je reçois régulièrement des courriers dans lesquels on me demande si l’on peut être Rosicrucien et suivre parallèlement telle ou telle religion. La réponse est «oui». C’est ainsi qu’il y a des Chrétiens, des Juifs, des Musulmans, des Bouddhistes, des Hindouistes… parmi les membres de l’A.M.O.R.C. Celui-ci n’étant pas dogmatique, il laisse à ses membres la liberté d’adhérer aux croyances religieuses de leur choix, étant entendu qu’il y en a qui n’appartiennent à aucune religion. Certes, il peut y avoir sur certains points des contradictions avec ce qui est enseigné dans l’Ordre, mais dans ce cas, il appartient à chacun de retenir l’explication qui le satisfait le plus intérieurement. À titre d’exemple, l’Ontologie rosicrucienne stipule qu’après la mort, l’âme ne se rend ni au paradis (même après un séjour au purgatoire), ni en enfer, mais qu’elle se réincarne afin de poursuivre son évolution vers l’état de sagesse. Si un membre de l’A.M.O.R.C., en raison de sa foi religieuse, préfère adhérer au dogme de la résurrection, libre à lui de le faire…

Si l’A.M.O.R.C. est ouvert à toutes les religions, c’est parce qu’il n’en est pas une. En effet, il ne se rattache pas à un messie, un prophète ou un sage ; son enseignement n’est pas fondé sur un livre considéré comme sacré, tel que la Bible, le Coran… ; il ne comporte aucun dogme moral ou doctrinal ; il est une voie, non pas de croyance, mais de connaissance, fondée sur l’étude de l’Ontologie rosicrucienne. Certes, son symbole est une rose-croix, mais celle-ci n’a aucune connotation religieuse. Rappelons si besoin est que la croix représente le corps physique de tout être humain, à l’image de la forme qu’il prend lorsque nous nous tenons debout, les jambes serrées l’une contre l’autre et les bras tendus à l’horizontal. Quant à la rose, placée au centre, elle représente l’âme humaine en voie d’évolution. Assurément, l’Ordre de la Rose-Croix n’est pas une religion, mais un mouvement philosophique, au sens étymologique du terme. Autrement dit, il prône et cultive l’«amour de la sagesse».

Tout comme l’A.M.O.R.C. compte parmi ses membres des fidèles de toutes confessions religieuses, il regroupe également des personnes ayant des opinions politiques différentes, voire opposées. Étant strictement apolitique, cela ne pose aucun problème. Chacun est donc libre de ses idées dans ce domaine et peut s’impliquer en tant que citoyen pour les défendre ou les faire connaître, mais il n’a pas le droit d’en faire état lors des activités rosicruciennes, notamment lors de celles qui se tiennent régulièrement dans les organismes locaux. De même, en application de la devise de l’Ordre (« La plus large tolérance dans la plus stricte indépendance »), il est interdit de faire du prosélytisme en faveur de telle religion, communauté, organisation, groupement, etc. Ce sont précisément ces interdits qui permettent à l’A.M.O.R.C. de constituer une Fraternité aussi cosmopolite, composée d’hommes et de femmes de tous horizons socio-culturels.

Pour vous, membres de l’Ordre, il n’y a rien d’extraordinaire à ce qu’il réunisse des hommes et des femmes de toutes races, de toutes ethnies, de toutes cultures, de toutes religions, de toutes opinions politiques et de toutes classes sociales. Pourtant, il n’existe à travers le monde que très peu de mouvements aussi éclectiques, y compris dans la mouvance philosophique et spiritualiste. En ce qui me concerne, cet éclectisme fut déterminant au moment de m’affilier, car comme beaucoup, je recherchais une voie susceptible de faire de moi un citoyen du monde. Ce n’est que par la suite que j’ai pu mesurer la profondeur de l’enseignement rosicrucien. Et pour ce qui est de la fraternité rosicrucienne, c’est en me rendant dans l’organisme de ma région que mes vœux ont été comblés au-delà même de mes espérances. Jamais je n’oublierai l’accueil des membres et leur gentillesse. Depuis, certains ont quitté ce monde, mais leur visage fait à jamais partie de mon vécu dans l’Ordre.

Dans le cadre de cette lettre ouverte, peut-être est-il utile également de préciser que l’A.M.O.R.C. n’a aucun caractère sectaire. Pour s’en convaincre, il suffit de consulter son dossier de presse, lequel comporte nombre de documents attestant si besoin est qu’il est bien perçu de l’extérieur. Il est d’ailleurs reconnu d’utilité publique dans plusieurs pays, en raison de sa contribution à la culture et à la paix entre les peuples. En tant qu’association à buts non lucratifs, son fonctionnement matériel est supervisé par un Conseil d’Administration dont les membres sont élus dans leurs fonctions respectives. Quant au Grand Maître, lui aussi élu, il est à la disposition des membres pour répondre à toute question liée à leur affiliation, notamment à celles qui portent sur l’enseignement qu’ils étudient chez eux. Parallèlement, il veille à ce que les activités tenues dans les organismes locaux soient conformes à l’éthique de l’Ordre. Tous ses responsables, à quelque niveau que ce soit, sont opposés au culte de la personnalité et n’ont d’autre désir que de servir l’idéal rosicrucien.

Naturellement, l’A.M.O.R.C., à l’instar de tout autre mouvement philosophique, spirituel, culturel, politique ou autre, a nécessairement des opposants et des détracteurs. Parmi eux, nous trouvons des fidèles de diverses religions, qui reprochent à l’Ordre de transmettre des connaissances qui ne cadrent pas avec leurs doctrines. À l’inverse, il y a des idéologues athées qui, confondant « laïcité » et « laïcisme », s’opposent à la spiritualité (rosicrucienne ou non) et prônent un humanisme matérialiste. Enfin, je ne veux pas éluder le cas d’anciens membres : les uns, ayant été radiés de l’Ordre en raison de leur comportement, se sentent obligés par la suite de le dénigrer ; les autres, pensant qu’il aurait fait d’eux des maîtres en quelques mois, le quittent librement et s’emploient à le discréditer ; il arrive que certains d’entre eux créent leur propre mouvement et s’autoproclament “grand gourou”, avec tout ce que cela comporte comme risque de dérives et de déviances. Quoi qu’il en soit, s’il vous arrive un jour d’entendre ou de lire des propos malveillants à l’encontre de l’A.M.O.R.C., n’hésitez pas à me contacter. Je répondrai sans détour à toutes vos questions, et vous serez ainsi à même de savoir ce qu’il en est.

À propos des organismes locaux, appelés « Loge », « Chapitre » et « Pronaos » selon leur statut, je vous rappelle que si leur fréquentation n’est en aucun cas obligatoire, elle apporte beaucoup sur le plan intérieur. Ils permettent en effet de rencontrer d’autres membres et de vivre l’esprit de fraternité auquel je me suis référé précédemment. Ils donnent également à chacun la possibilité d’échanger sa compréhension de l’enseignement qu’il étudie chez lui. Enfin, ce sont des lieux où l’on travaille spirituellement dans l’intérêt de l’humanité, à la manière dont les Rose-Croix le font depuis des siècles. J’ajouterai que c’est dans les Loges que les membres qui le souhaitent peuvent recevoir les initiations rosicruciennes (douze au total), dans toute leur pureté traditionnelle. Bien que facultatives, ces initiations sont très importantes, car elles s’apparentent à autant de lumières qui éclairent le sentier rosicrucien et élèvent l’âme vers des plans de conscience supérieurs.

La dimension fraternelle de l’A.M.O.R.C. se mesure également à travers les conventions qu’il organise régulièrement sur les plans régional, national, international et mondial. Chaque fois, pour des centaines de membres venus de divers pays, elles sont l’occasion de se rencontrer, d’échanger et de tisser des liens privilégiés. En ces temps où le nationalisme, le régionalisme et le communautarisme ont tendance à s’exacerber, ces conventions sont la preuve vivante qu’il est possible d’avoir des relations fondées sur le respect de l’autre, et même sur le désir de fraterniser avec lui. En cela, l’idéal rosicrucien est non seulement spiritualiste, mais également humaniste. Autrement dit, il est fondé sur l’idée que l’humanité ne forme qu’une seule et même famille d’âmes et que le monde lui-même n’est en fait qu’un seul pays. Malheureusement, trop peu de personnes ont conscience de cette évidence, ce qui explique pourquoi il est encore aussi divisé, d’autant que la crise économique et sociale à laquelle nombre de nations sont confrontées contribue à renforcer les antagonismes. Pourtant, c’est plus que jamais dans l’unité et la mise en commun de leurs points forts respectifs que se trouve la solution à leurs problèmes.

Les remarques précédentes me conduisent à vous rappeler que si l’humanité en est arrivée à cette situation aussi chaotique que préoccupante, c’est parce que la grande majorité des êtres humains sont devenus trop individualistes et trop matérialistes. C’est ainsi qu’ils donnent la priorité absolue à leur bien-être personnel, souvent au détriment de celui d’autrui, et sont de plus en plus indifférents au sort de leurs semblables. Parallèlement, ils recherchent avant tout le bonheur dans les possessions matérielles et la satisfaction des désirs physiques, parfois jusqu’au paroxysme. Il résulte de ce comportement un abandon des valeurs éthiques les plus élémentaires et une absence de transcendance, ce qui ne laisse rien présager de bon pour l’avenir. Il faut ajouter à cela l’état dégradé de notre planète et l’extrême insuffisance des mesures prises sur un plan mondial en faveur de l’environnement. Comme vous le savez, les Rose-Croix ne sont en rien “apocalyptiques”, mais il faudrait vraiment être inconscient pour ne pas s’inquiéter face à la situation actuelle.

Dans la « Positio Fraternitatis Rosae Crucis », Manifeste publié par l’A.M.O.R.C. en 2001, ses responsables ont donné leur point de vue sur l’état de l’humanité, dans des domaines aussi divers que la politique, l’économie, la science, la technologie, l’art, etc. Depuis, le Conseil Suprême de l’Ordre a rendu public un texte intitulé «Prophéties des Rose-Croix». Sans doute en avez-vous pris connaissance ? Ce texte traduit en fait une vision d’avenir, tel que la plupart des Rose-Croix l’envisagent et l’espèrent. On peut ne pas partager cette vision, mais au moins a-t-elle le mérite de susciter la réflexion et d’en appeler à l’unité entre toutes les nations et tous les êtres humains.

Restant à votre entière disposition, je vous souhaite une bonne continuation sur le Sentier rosicrucien et vous adresse mes meilleurs vœux de Paix Profonde.

 

Sincèrement et fraternellement.

 

Serge Toussaint
Grand Maître de l’Ordre de la Rose-Croix

> Lire l’original de cette lettre (Pdf) Lettre ouverte aux rosicruciens

 

Suite des « lettres ouvertes » de Serge TOUSSAINT:

Lettre ouverte aux femmes

juin 26, 2014 by Points de vue • Tags:

Le 23 juin 2014 – Année R+C 3367

« La femme est l’unique vase qui nous reste encore où verser notre idéalité. »

Goethe (1749-1832)

LETTRE OUVERTE AUX FEMMES

par Serge Toussaint

Au cours des derniers mois et des dernières années, j’ai écrit diverses lettres ouvertes, non pas dans le but de susciter des polémiques ou de faire valoir mes idées dans tel ou tel domaine,mais dans celui d’échanger sur des sujets qui me tiennent à cœur en tant que citoyen et Grand Maître de l’Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix. À plusieurs reprises, j’ai pensé en rédiger une à l’intention des femmes, mais je me suis ravisé chaque fois, de crainte de sembler quelque peu opportuniste. En effet, on ne compte plus le nombre d’émissions, d’éditoriaux, d’articles, de débats et autres entretiens portant sur ce thème et les questions qui lui sont liées : égalité, parité, maltraitance, discrimination, etc. Après maintes hésitations, je me suis finalement décidé à rédiger cette «Lettre ouverte aux femmes», afin que ceux et celles qui la liront mesurent à quel point les Rosicruciens ont toujours été précurseurs dans ce domaine.

En premier lieu, il me semble important de préciser ou de rappeler que sur le plan traditionnel, l’Ordre de la Rose-Croix remonte aux Écoles de Mystères de l’Égypte antique. Or, les femmes étaient admises au même titre que les hommes à fréquenter ces Écoles, et certaines d’entre elles faisaient partie des maîtres qui les dirigeaient. D’une manière générale, la femme était très respectée dans la civilisation égyptienne, ne serait-ce que parce qu’elle donnait la vie (ankh), laquelle était considérée comme le bien le plus précieux qui soit. À plusieurs reprises, l’Égypte fut dirigée par des pharaons femmes qui donnèrent la preuve de leur intelligence et de leurs compétences, parmi lesquelles Hatshepsout et Cléopâtre. Nombre de reines furent également connues pour avoir joué un rôle très positif sur les plans social et politique, à l’instar de Khenet-Kaous, Tiyi, Nefertiti, Mouttouya, Nefertari, etc.

Fidèle à sa Tradition, l’A.M.O.R.C. a toujours été ouvert aux femmes comme aux hommes, à tel point qu’elles sont quasiment aussi nombreuses (40 %). Dans la juridiction francophone, le deuxième Grand Maître fut une femme (Jeanne Guesdon). D’autres juridictions sont ou ont été dirigées par une femme. Il en est également qui sont chargées de superviser une région ou qui, sur un plan local, sont responsables d’une Loge, lieu où les Rosicruciens qui le souhaitent peuvent se réunir pour mener des travaux collectifs. L’Ordre de la Rose-Croix n’a donc pas attendu que l’on s’interroge sur l’égalité et la parité homme/femme pour les admettre sans distinction et leur accorder les mêmes droits et les mêmes prérogatives. De même, il a toujours été ouvert à toutes les races, toutes les nationalités, toutes les classes sociales et toutes les religions, étant entendu qu’il est totalement apolitique. En cela, il constitue une fraternité (les femmes pourraient dire une «sororité») universelle et cosmopolite.

La question qui se pose est de savoir pourquoi les femmes, depuis des millénaires et de nos jours encore, ne sont pas considérées comme les égales des hommes et subissent diverses discriminations et oppressions. Je pense que la cause essentielle de cette situation provient d’une interprétation littérale des textes qui ont servi de fondement au Judaïsme, au Christianisme et à l’Islam, religions que par ailleurs je respecte dans ce qu’elles offrent de meilleur à leurs fidèles pour vivre leur foi. Si l’on en croit la Genèse, Adam a été chassé du Paradis à cause d’Ève qui, influencée par le serpent (le diable), l’incita à manger la pomme (le fruit de la connaissance), ce que Dieu leur avait interdit de faire. D’après la Bible, ce «péché originel» entraîna la «chute de l’homme», et avec elle la vie d’épreuves et de souffrances à laquelle le genre humain semble condamné. Vue sous cet angle, c’est la femme qui serait responsable de la condition actuelle de l’humanité. Pour ce qui est du Coran, il est dit dans la sourate 4 (34) : «Les hommes ont autorité sur les femmes en raison des faveurs qu’Allah accorde à ceux-là sur celles-ci, et en raison des dépenses qu’ils font de leurs biens [pour elles]».

D’un point de vue rosicrucien, la chute de l’homme, telle qu’elle est expliquée dans la Genèse, est un récit allégorique qui ne doit pas être interprété littéralement. Adam et Ève ne peuvent correspondre au premier homme et à la première femme ayant vécu sur Terre, car sous l’effet de la consanguinité, une dégénérescence se serait nécessairement produite au terme de quelques générations successives et aurait abouti à une “humanité” dégénérée, pour ne pas dire “tarée”. Par ailleurs, comment concevoir qu’il ait pu exister un paradis terrestre, alors que l’on connaît désormais les grandes étapes qui ont marqué la formation de notre planète (depuis son état igné jusqu’à son refroidissement et l’émergence des continents) et l’apparition de la vie (depuis les êtres unicellulaires jusqu’aux premiers hominidés, en passant par les amphibiens, les dinosaures, les oiseaux et les mammifères). Enfin, le diable n’existe pas et n’a jamais existé en tant que tel ; s’il fallait lui trouver une correspondance, ce serait l’homme lui-même, lorsqu’il applique son libre arbitre d’une manière négative, au point de commettre des actes destructeurs et barbares.

Sans entrer dans les explications détaillées qui sont données sur ce sujet dans l’enseignement de l’A.M.O.R.C., Ève symbolise l’Âme universelle, Adam le Genre humain, et la chute de l’homme le processus cosmologique et cosmogonique qui permit à la première d’animer le second, suite au Fiat Lux dont il est fait mention dans la Bible et que l’on peut assimiler au big bang des scientifiques. Appliqué à tout être humain, ce processus correspond à celui grâce auquel son âme (Ève) s’incarne (chute) dans son corps (Adam). Précisons que cela se produit au moment, non pas de la conception, comme l’enseignent les religions, mais de la naissance, lorsque l’enfant prend son premier souffle. En termes allégoriques, cela veut dire qu’une chute a lieu chaque fois qu’une maman met un bébé au monde, ce qui, au-delà des souffrances qui accompagnent souvent l’accouchement, n’a rien d’un châtiment divin. Au contraire, c’est un événement heureux pour les parents et ceux qui en sont les témoins.

Considérant que la femme est responsable de la chute de l’homme et de la condition actuelle de l’humanité, avec son lot de souffrances, d’épreuves et de malheurs, les religions juive et chrétienne l’ont très longtemps associée à un être à la fois influençable, corrupteur et enclin à faire le mal. L’Église catholique alla même jusqu’à postuler, sinon qu’elle n’avait pas d’âme, du moins qu’elle était une proie facile pour Satan, d’où les nombreuses condamnations pour hérésie et les non moins nombreux supplices pour sorcellerie. Pourtant, les condamnées et les suppliciées n’avaient rien de diabolique ; elles furent victimes de l’ignorance, de l’intégrisme et du fanatisme de ceux qui, au nom de Dieu, les livrèrent aux inquisiteurs et aux bourreaux. Assurément, les femmes possèdent et ont toujours possédé une âme, et cette âme a la même origine et la même nature que celle des hommes. En effet, toutes sont des émanations de l’Âme universelle.

Un autre facteur a conduit les religions à inférioriser les femmes : leur conception de Dieu. En effet, la plupart d’entre elles l’ont présenté durant des siècles comme un Surhomme siégeant quelque part dans le ciel et se comportant à l’égard des hommes comme un père envers ses enfants. Dans le prolongement de ce paternalisme divin, les clergés successifs firent du patriarcat le fondement de leur autorité et en exclurent les femmes. De nos jours encore, il leur est quasiment impossible, toutes religions confondues, d’exercer des fonctions sacerdotales et de transmettre les sacrements. Dans certaines d’entre elles, elles n’ont même pas le droit de pénétrer dans des lieux considérés comme sacrés et ne peuvent se mêler aux hommes lors de certains offices. Rappelons également qu’il y a des “Fraternités” traditionnelles ou philanthropiques qui refusent encore que les femmes participent à leurs activités.

À propos de Dieu, il me semble utile de rappeler l’idée que les Rosicruciens en ont. Pour eux, il s’agit d’une Intelligence, d’une Conscience, d’une Énergie, d’une Force à la fois absolue et impersonnelle : autant de mots féminins pour désigner le Créateur, pour ne pas dire la Créatrice. Est-ce à dire que les fidèles des religions devraient parler de «Dieu la Mère» plutôt que de «Dieu le Père» ? N’étant pas un Être anthropomorphique, Dieu, Yaveh, Allah, Brahma ou Autre n’est ni masculin, ni féminin. Par extension, Il n’est ni paternaliste, ni maternaliste à l’égard de l’humanité. Et une chose est certaine : quelle que soit la conception que l’on peut en avoir, Il n’a jamais décrété que l’homme était supérieur à la femme, et encore moins qu’elle devait se soumettre à lui pour quelque raison que ce soit. Ce sont les clergés successifs qui sont allés dans ce sens, contribuant ainsi à l’inférioriser au cours des âges.

Comme le prouvent nombre d’études et de découvertes anthropologiques, des sociétés matriarcales ont existé sur tous les continents depuis la plus haute Antiquité. Indépendamment des croyances religieuses qu’elles entretenaient, elles avaient en commun d’être pacifistes, de privilégier l’intérêt général, de répondre autant que possible aux besoins de chacun, et de respecter la nature. La plupart lui vouaient d’ailleurs un culte à travers la Terre-Mère, qu’elles associaient à la Mère divine, Divinité ultime qui, d’après les traditions ancestrales, avaient enfanté l’univers et tout ce qu’il contient. Parmi les plus connues, citons les Ibères, les Étrusques, les Harapéens, les Karakoum, les Minoens, les Naxis, les Iroquois, les Arawak, les Khasis, les Wayuu, les Buthanais, etc. Certes, ces sociétés matriarcales ne furent pas parfaites, mais dans nombre d’aspects, elles furent beaucoup plus avancées que la plupart de celles qui étaient fondées sur le patriarcat.

Si la religion en général n’a pas favorisé l’épanouissement des femmes et les a même maintenues dans un état de dépendance et de soumission envers les hommes, la politique ne s’est jamais empressée de les en libérer et de leur permettre d’exprimer pleinement leur potentiel d’intelligence et de créativité. Durant des siècles et jusqu’à une époque relativement récente, elles furent systématiquement écartées du pouvoir, sous prétexte qu’elles manquaient de réalisme et d’autorité. Confortés par la religion, aveuglés par la haute opinion qu’ils avaient d’eux-mêmes, convaincus de la supériorité naturelle de la gente masculine, les hommes impliqués en politique furent très longtemps enclins à faire preuve, au mieux de condescendance, au pire de mépris à l’égard des femmes qui osaient avoir ne serait-ce que des opinions dans ce domaine. Rappelons qu’il fallut attendre le début du XXe siècle pour qu’elles soient autorisées à voter (1945 en France). Et de nos jours encore, y compris dans les démocraties, il est beaucoup plus difficile à une femme qu’à un homme de s’imposer dans la gouvernance. De même, l’accès au savoir leur fut longtemps interdit.

En ce qui me concerne, et comme pourraient en témoigner nombre d’amis et de connaissances, j’ai toujours pensé que la femme était au moins l’égal de l’homme. Outre que l’intelligence n’est pas et n’a jamais été l’apanage des hommes, les femmes ont des qualités que nombre d’entre eux n’ont pas, dont le courage. En effet, il en faut pour mener de front la vie familiale et l’activité professionnelle, comme beaucoup d’entre elles le font, parfois seules et dans des conditions difficiles. Autres vertus (pour reprendre les termes de Socrate) plutôt féminines : la patience, la persévérance, la générosité, l’abnégation, sans oublier l’intuition, cette faculté que les Rosicruciens attribuent à l’âme qui nous est propre, ce qui pourrait laisser entendre que la femme est virtuellement plus spirituelle que l’homme. Dans cet ordre d’idée, il est intéressant de noter que les mystiques en sont venus à personnaliser la sagesse sous les traits de Sophia, que les philosophes grecs assimilaient également à l’Âme du monde.

Puisque je viens de me référer aux mystiques, peut-être est-il utile de préciser que les Rosicruciens se sont toujours employés à rendre hommage aux femmes qui ont œuvré et œuvrent encore au service de la connaissance et de la sagesse. L’A.M.O.R.C. comme l’U.R.C.I. (Université Rose-Croix Internationale) ont d’ailleurs publié de nombreux articles et plusieurs livres sur ce thème, dans lesquels sont présentées la vie et l’œuvre de femmes qui ont marqué l’histoire du mysticisme, de la spiritualité et de la philosophie : Gargi Vachaknavi, Maria Hebraea, Arignote, Hypatie, Rabia al-Adawiyya, Jahanara, Hildegarde de Bingen, Esclarmonde de Foix, Dame Pernelle, Tiphaine de Raguenel, Margery Kempe, Tarquinia Molza, Jane Lead, Helena Blavatsky, Marie Corelli, Helena Roerich, Mâ Ananda Moyi, etc. D’autres femmes, dans bien d’autres domaines, ont également contribué à l’élévation des consciences et à l’évolution des mentalités. Mais l’Histoire , longtemps écrite par des hommes, les a laissées dans l’anonymat.

Mais en définitive, à qui la faute si les femmes ont été et sont encore sous-considérées dans nombre de domaines, sinon aux hommes ? Ce sont eux qui, à travers la religion, la politique et la société en général, ont refusé et refusent encore de voir en elles leurs égales. Que craignent-ils ? Qu’elles soient plus efficaces, plus perspicaces, plus inspirées ? Qu’elles prennent leur place ? Qu’elles les dominent ? Est-ce uniquement par pur machisme, cet orgueil de certains “mâles” qui en sont encore à penser qu’ils leur sont supérieurs sous prétexte qu’ils sont (a priori) plus forts physiquement et qu’ils sont “géniteurs-reproducteurs” ? Pourtant, qu’y a-t-il d’admirable et de méritoire à être celui qui féconde ? En revanche, porter un enfant en son sein, le mettre au monde et l’éduquer le mieux possible (sur ce point le père a lui aussi un rôle important à jouer) est digne d’admiration.

Comme chacun peut le constater, les femmes se sont grandement émancipées (au sens positif du terme) et sont en voie d’obtenir la place qui leur revient dans la société, tout du moins dans les pays démocratiques et laïcs. Cela prouve que les consciences et les mentalités ont beaucoup évolué avec le temps, ce dont chacun devrait se réjouir. Mais cette évolution ne s’est pas faite d’elle-même ; elle s’est produite grâce à la détermination et l’action de quelques femmes (soutenues par trop peu d’hommes) qui ont lutté et luttent encore contre le patriarcat et le machisme ambiants, parfois au péril de leur vie. Certes, comme tout combat mené contre ce qui est profondément injuste, celui de ces femmes a connu et connaît encore des excès, notamment dans la forme. Mais malheureusement, c’est souvent là une nécessité pour attirer l’attention et se faire entendre.

S’il est légitime que les femmes veuillent être égales aux hommes en droits, et d’une manière générale dans tout ce qui a trait à la vie citoyenne, il me semble néanmoins qu’elles doivent veiller à ne pas chercher à leur ressembler ou à s’identifier à eux, non pas parce qu’ils sont dépourvus de dons, de talents et autres qualités, mais tout simplement parce qu’une femme n’est pas un homme et qu’un homme n’est pas une femme. La nature a fait d’eux des êtres, non pas égaux, mais complémentaires, et je pense qu’ils perdraient leur âme s’ils sacrifiaient cette complémentarité au nom d’une égalité excluant toutes différences. Il est vrai, comme Jung l’a enseigné, que toute femme a en elle une part de masculinité (l’animus) et tout homme une part de féminité (l’anima), mais cela ne veut pas dire pour autant qu’ils doivent se ressembler dans ce qu’ils font et dans ce qu’ils sont, au point de s’uniformiser.

Outre l’égalité homme/femme, on parle beaucoup de parité depuis quelque temps. En vertu de cette préoccupation sociétale relativement récente, les institutions, les sociétés, les entreprises, les associations, etc., sont censées faire en sorte qu’il y ait autant de femmes que d’hommes dans les instances dirigeantes. Compte tenu du déséquilibre évident qui persiste à ce niveau, sans parler des différences de salaire pour un même travail, on peut comprendre que la législation soit tentée d’intervenir. Mais dans l’absolu, la parité homme/femme, ou plutôt l’équilibre homme/femme, devrait se faire naturellement, sur le seul critère de la compétence. Il faudra encore des années, peut-être même des décennies, pour qu’il en soit ainsi, mais cela se fera. Et lorsque l’on se retournera sur le passé, on se demandera comment l’humanité a pu mettre autant de temps à respecter cet équilibre et à en faire une évidence.

À l’instar du machisme, la misogynie a malheureusement beaucoup d’adeptes. En plus de se croire supérieurs aux femmes, ils bafouent leur dignité. Autrement dit, ils ajoutent la méchanceté à la bêtise. S’il est difficile, pour ne pas dire impossible, d’amener les individus concernés à se libérer de leurs préjugés, voire de leurs blocages psychologiques, on doit éduquer les enfants dans le respect de la femme et, d’une manière générale, de la personne humaine. C’est donc aux parents, en particulier au père, de montrer l’exemple. Mais cela ne peut suffire ; il faut également que la société dans son ensemble s’interdise de porter atteinte à l’image de la femme, et ce, dans quelque domaine que ce soit. Inutile de dire que nous n’en sommes pas là, tant l’être humain est encore sous la domination de ses instincts les plus primaires, parfois même pervers. Mais là aussi, l’évolution des consciences et des mentalités accomplira son œuvre.

Comme chacun l’aura compris, je comprends le sentiment d’injustice que les femmes ont éprouvé au cours des décennies, des siècles et des millénaires passés, et qu’elles éprouvent encore face aux inégalités et aux brutalités dont elles sont toujours victimes. C’est pourquoi je me réjouis de les voir accéder à des fonctions et des responsabilités qui furent longtemps réservées aux hommes, et ce, en maints domaines : politique, économique, technologique, scientifique, industriel, médiatique, etc. Néanmoins, l’idéaliste et même l’utopiste que je suis ne peut que déplorer le comportement de celles qui, parmi elles, manifestent les travers les plus négatifs de certains de leurs homologues masculins : arrogance, autoritarisme, agressivité, duplicité, hypocrisie, etc. Certes, on ne peut exiger d’elles qu’elles soient parfaites (aucun homme ne l’est), mais espérer au moins qu’elles montrent un autre visage. Cela étant, je reste confiant et continue à penser que les femmes sauront rendre le monde meilleur et réussiront là où les hommes (dont je fais partie) ont plutôt échoué.

Au regard de la philosophie rosicrucienne, tout être humain vit sur Terre dans le but d’évoluer spirituellement et d’atteindre l’état de sagesse, c’est-à-dire pour conscientiser l’existence en lui d’une âme et en exprimer les vertus à travers son comportement : intégrité, humilité, générosité, bienveillance, non-violence, etc. Étant donné qu’un tel but ne peut pas être atteint en une seule vie, la plupart des Rosicruciens adhèrent au principe de la réincarnation. En application de ce principe, ou plutôt de cette loi, nous avons été et serons parfois un homme, parfois une femme, selon notre choix et ce qui, à un moment donné, nous est le plus utile pour parfaire notre évolution spirituelle. Si vous admettez cela, vous comprendrez que nous avons tous et toutes intérêt à œuvrer pour l’égalité homme / femme, l’un et l’autre étant les expressions complémentaires de cette entité qu’on appelle «être humain».

Louis-Claude de Saint-Martin, philosophe français du XVIIIe siècle, connu pour être à l’origine du Martinisme (mouvement philosophique ayant l’ésotérisme judéo-chrétien pour fondement), a prôné la nécessité de faire naître en nous le «nouvel homme», c’est-à-dire de naître à ce qu’il y a de meilleur en nous, pour ne pas dire à ce qu’il y a de plus divin. Dans son esprit, il entendait également, pour les femmes, «renaître à une nouvelle femme». (Il avait une grande affection pour sa mère, et c’est une femme, Charlotte de Boecklin, qui lui fit découvrir les œuvres de Jacob Boehme). En le paraphrasant quelque peu, je dirai qu’il devient urgent pour l’humanité actuelle de se ressaisir et d’accoucher d’une nouvelle humanité, fondée sur des valeurs qui ne doivent être ni exclusivement féminines ni exclusivement masculines, mais tout simplement humanistes. De mon point de vue, l’idéal serait qu’elles soient également empreintes de spiritualité, mais c’est là un autre sujet…

Voici donc les quelques réflexions que je souhaitais partager avec vous à travers cette lettre ouverte. J’ai bien conscience qu’elle ne contient aucune révélation particulière et qu’elle n’a rien d’original en elle-même. Il faut plutôt voir en elle un témoignage du respect que l’A.M.O.R.C. et ses dirigeants ont toujours manifesté à l’égard des femmes. Et sans aller jusqu’à dire que «la femme est l’avenir de l’homme», il me semble évident que l’homme n’a aucun avenir sans la femme.

Une fois n’étant pas coutume, je vous adresse mes pensées les plus sorornelles.

Cordialement,

Serge Toussaint
Grand Maître de l’Ordre de la Rose-Croix

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Lettre ouverte aux animaux

septembre 18, 2014 by Evénements • Tags:

Le 16 septembre 2014 – Année R+C 3367

« On peut juger de la grandeur d’une nation
par la façon dont les animaux y sont traités. »
Gandhi (1869-1948)

LETTRE OUVERTE AUX ANIMAUX

De Serge Toussaint, Grand Maître de l’Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix

Une lettre ouverte aux animaux, alors qu’ils ne savent pas lire ! Quelle idée a priori saugrenue. Mais qui sait ? Peut-être sont-ils capables de comprendre au-delà des mots ce que nous pensons et disons d’eux. Et si vous admettez que l’homme lui-même est un animal, certes hors du commun, alors cette lettre s’adresse aussi bien à vous qu’à eux à travers vous. Je vous invite donc à en prendre connaissance avec ouverture d’esprit et à en faire un support de réflexion…

Du fait qu’ils ont le sentiment d’être supérieurs à toutes les autres créatures, les êtres humains ont tendance à penser que la Terre leur appartient et qu’ils peuvent user de la nature comme bon leur semble, sans rendre de comptes aux règnes dits “inférieurs”. Ils oublient que les premiers hominidés sont apparus il y a environ dix millions d’années, alors que les animaux vivent sur notre planète depuis des centaines de millions d’années. Ils en étaient donc les premiers occupants, et ce sont eux qui ont contribué, de concert avec le règne végétal, à faire d’elle un milieu propice à la vie humaine. Cela veut dire qu’ils ont en quelque sorte préparé notre venue, et que nous leur sommes redevables de l’habiter.

Avant de poursuivre, il me semble utile de rappeler brièvement les grandes étapes qui ont marqué l’évolution de la vie sur Terre. D’après les scientifiques, elle est apparue dans les mers et les océans il y a environ 4 milliards d’années, sous formes d’êtres unicellulaires. Puis elle s’est développée graduellement et a donné naissance à des créatures de plus en plus élaborées : amphibiens, reptiles (dont les fameux dinosaures), oiseaux, mammifères, puis premiers hominidés, depuis le ramapithèque (il y a environ dix millions d’années), jusqu’à l’homo sapiens (il y a environ 300.000 ans), espèce à laquelle nous appartenons, en passant par l’homme de Cro-Magnon, l’homme de Néandertal, etc. L’humanité résulte donc d’un très long processus évolutif qui doit beaucoup aux animaux, pour ne pas dire à l’animalité, au sens le plus noble du terme. C’est ce qui explique pourquoi l’être humain, dans son développement embryonnaire puis fœtal, reproduit les grandes étapes que la vie a suivies au cours de son évolution.

Dès lors que l’humanité est apparue sur notre planète, elle a été tributaire des animaux qui la peuplaient : d’abord pour se nourrir et se vêtir, puis, après en avoir domestiqués, pour se déplacer, transporter des charges, labourer le sol, etc. Sans eux, les êtres humains n’auraient pu ni survivre, ni améliorer leurs conditions de vie comme ils l’ont fait tout au long de l’histoire. Mais plutôt que de leur être reconnaissants et de les respecter, ils en sont venus à les considérer comme des choses mises à leur disposition par la nature, voire par Dieu lui-même. Notons que cette attitude ne fut pas le propre des gens les plus rustres et les moins instruits ; à toutes les époques, des penseurs allèrent en ce sens, ce qui montre à quel point cette infériorisation de l’animal était gravée dans les esprits.

Outre le fait que les animaux contribuent directement ou indirectement à notre nourriture, nombre d’inventions bénéfiques à l’humanité nous ont été inspirées par eux : les bateaux, les sous-marins, les avions, les hélicoptères, les parachutes, les radars, les sonars, le tissage, etc. En effet, c’est bien souvent en les observant et en imitant leur savoir-faire que nous en sommes venus à nous déplacer dans les airs, sur l’eau et au fond des océans, mais également à créer des machines, des appareils et des outils qui ont permis aux êtres humains de progresser dans le domaine de la technologie. Vus sous cet angle, ils sont nos maîtres, et nous avons encore beaucoup à apprendre d’eux.

Certes, et fort heureusement, il y a toujours eu des personnes, toutes races, toutes nationalités et toutes classes sociales confondues, qui ont respecté et aimé les animaux, sauvages comme domestiques. De tous temps, certaines se sont consacrées à les protéger, à les soigner et à les faire mieux connaître. Rappelons qu’il existe une Déclaration universelle des droits des animaux, officialisée en 1978 sous l’égide de l’U.N.E.S.C.O., et que de nombreuses associations ont été créées au cours des dernières décennies dans le but d’œuvrer à la protection animale ; de toute évidence, il faut les soutenir. De son côté, l’Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix a publié en 2005 une Déclaration des devoirs de l’Homme, où l’on peut lire : « Tout individu a le devoir de respecter les animaux et de les considérer véritablement comme des êtres, non seulement vivants, mais également conscients et sensibles. »

Comme vous le savez, les animaux ont subi et subissent encore la bêtise, l’ignorance et la cruauté des hommes. Depuis les souffrances qui leur sont infligées dans le cadre de pratiques magico-religieuses fondées sur la superstition, jusqu’à celles qui leur sont imposées au nom d’une conception archaïque de la science, sans parler de ceux que l’on abat pour en consommer la chair ou faire de leur peau de luxueuses parures, ils sont des millions à mourir chaque jour dans des conditions plus barbares les unes que les autres. Et si j’admets que l’homme puisse s’impliquer dans la régulation du règne animal afin d’éviter que certaines espèces ne prolifèrent, je ne comprends pas que l’on puisse chasser par plaisir, au point d’élever du gibier destiné à être “lâché” dans la nature la veille de telle ou telle battue. Que dire également de la chasse à courre !

Les pratiques magico-religieuses auxquelles je viens de faire allusion concernent notamment les rites au cours desquels on égorge des animaux qu’on laisse se vider de leur sang, afin de conjurer un sort ou d’en jeter un, d’éloigner un mauvais esprit ou de se l’adjoindre, d’obtenir le soutien des forces du mal ou de les repousser, etc. Il y a également ceux que l’on sacrifie pour obtenir les faveurs de Dieu Lui-même. Pourtant, quelle que soit la conception que l’on ait de Lui, il devrait sembler évident à tout croyant qu’aucun sacrifice de ce genre ne peut Lui plaire, et qu’Il désapprouve toute souffrance infligée inutilement aux animaux.

Est-ce à dire que certaines souffrances subies par les animaux sont utiles ? Non. Disons plutôt qu’il y a des raisons qui justifient que l’on en tue et d’autres non. Au risque de vous étonner, je ne suis pas choqué par le fait que l’on en sacrifie pour se nourrir, car je pense que cela peut répondre à une nécessité et fait partie de l’ordre naturel des choses. À l’état sauvage, nombre d’animaux en tuent d’autres pour se nourrir. On peut le déplorer, mais c’est ainsi. C’est même une nécessité pour éviter la prolifération de certaines espèces, dont la survie serait alors menacée par manque de nourriture ou d’espace vital. La prédation fait donc partie des lois qui permettent à la nature de se réguler et de se régénérer. Dès lors, on peut comprendre que l’homme lui-même tue des animaux pour se nourrir.

Malheureusement, et comme vous le savez, les animaux que l’on tue à des fins alimentaires sont trop souvent abattus d’une manière cruelle, de sorte qu’ils souffrent “inutilement”. Le faire de telle manière qu’ils ne soient pas stressés et ressentent un minimum de souffrances, voire aucune, devrait être une obligation morale et légale. Par ailleurs, il faudrait impérativement que tous les animaux concernés soient élevés au plus près de la nature et, le moment venu, transportés dans les meilleures conditions possibles. Vous conviendrez certainement que s’il en était ainsi dans tous les pays du monde, un très grand pas serait franchi dans le respect de la vie animale. De même, comment ne pas être choqué lorsque l’on sait qu’environ 25 % des animaux abattus ne sont pas consommés, mais livrés à l’incinérateur ?

Précédemment, j’ai évoqué également les souffrances imposées aux animaux « au nom d’une conception archaïque de la science ». Cela concerne évidemment ce que l’on désigne sous le nom d’ « expérimentation animale » ou de « vivisection », sans parler des « tests en cosmétique ». De telles pratiques sont aussi inutiles que barbares : inutiles, parce que la manière dont l’animal martyrisé réagit est dans la très grande majorité des cas non transposable à l’homme ; barbares, parce que les expériences pratiquées lui causent un stress et des souffrances extrêmes dont nous devrions avoir infiniment honte. Mais là encore, il faut être réaliste : il est parfois nécessaire de faire certaines opérations sur des animaux avant de les pratiquer sur les êtres humains. Ce doit être tout à fait exceptionnel et, dans ce cas, il est impératif de veiller à ce qu’ils souffrent le moins possible, comme on est censé le faire lorsque l’on opère une personne dans un hôpital ou une clinique.

Que dire également des animaux que l’on tue ou mutile partout dans le monde, sous prétexte que leur chair, leurs nageoires, leurs cornes, leurs os, leur queue, leur bile ou toute autre partie de leur corps sont aphrodisiaques, augmentent la force physique, rendent plus intelligents, accroissent la durée de vie, guérissent le cancer ou le sida, et autres aberrations. Comme il est triste et affligeant de voir que des millions de personnes, et même des milliards, croient encore en de telles superstitions et participent ainsi au massacre et à la mise en captivité d’espèces animales souvent rares et vulnérables. Malheureusement, il faudra beaucoup de temps pour leur faire comprendre que ces croyances n’ont absolument aucun fondement et que leur caractère “traditionnel” est une imposture. Dans cet ordre d’idée, comment peut-on apprécier les corridas, les combats de coqs, et autres “traditions” barbares ?

La question de savoir si les Rosicruciens sont végétariens m’est souvent posée, notamment en conférence. La réponse est : « certains oui ; d’autres non ». Dans ce domaine comme dans tous ceux qui concernent la vie privée, l’A.M.O.R.C. laisse ses membres totalement libres de leurs choix. Certains consomment de la viande ; d’autres non. J’ajouterai que le végétarisme n’est pas une nécessité pour mener une quête spirituelle et n’est pas un critère d’évolution en la matière. C’est ce qui fit dire au Maître Jésus, pour ne citer que lui, que « ce n’est pas ce qui entre dans sa bouche qui souille l’homme, mais ce qui en sort » (à travers les mots qu’il dit). La plupart des végétariens que je connais le sont, soit parce que cela convient mieux à leur santé, soit parce qu’ils prennent ainsi position contre les mauvais traitements infligés aux animaux, ce que l’on ne peut que respecter et approuver. Sans pour autant militer en faveur du végétarisme, je pense que l’humanité aurait tout intérêt à réduire sa consommation de viande, ne serait-ce que pour des raisons écologiques.

Après ces considérations générales, je souhaiterais aborder un aspect plus mystique de la condition animale. Contrairement à ce que pensent la majorité des gens, y compris parmi ceux qui aiment et respectent les animaux, ils ne forment pas un règne fondamentalement distinct du règne humain. D’un point de vue rosicrucien, ils sont, à l’instar des êtres humains, des véhicules de l’Âme universelle et de son attribut majeur : la Conscience universelle, telle qu’elle s’exprime sur Terre à travers toutes les créatures vivantes. C’est pourquoi, à des degrés divers et sous des formes différentes, ils sont sensibles et intelligents. Pour s’en convaincre, il suffit de songer à la manière dont ils se protègent des prédateurs, trouvent leur nourriture, chassent leur proie, construisent leur nid, agencent leur tanière, élèvent leurs petits, etc. Très souvent, on attribue cela à leur instinct. Mais en fait, ce que l’on appelle « instinct » n’est autre que l’expression de la Conscience universelle à travers les animaux.

À propos des animaux les plus évolués, il ne fait pour moi aucun doute qu’ils possèdent une âme qui en est venue à s’individualiser au fil du temps. Il en est ainsi de ceux qui vivent au contact direct des hommes, tels les chiens, les chats, les chevaux, les ânes et autres animaux domestiques, mais également des singes, des éléphants, des baleines, des dauphins et autres animaux sauvages. Tous ont en commun d’être conscients, non seulement de leur environnement, mais également d’eux-mêmes. En cela, la conscience de soi n’est pas l’apanage des êtres humains, même s’il est indéniable qu’elle est particulièrement éveillée chez eux, au point qu’ils sont capables de raisonner, d’analyser, d’imaginer, d’extrapoler… (ce qui est probablement le cas également des animaux les plus évolués), mais également et peut-être surtout de réfléchir sur eux-mêmes et sur leur condition.

Si vous faites partie des personnes qui ont un chien, un chat ou un autre animal dit de compagnie, je ne doute pas que vous ayez acquis la certitude qu’il a conscience de lui-même et, comme on le dit familièrement, qu’il ne lui manque que la parole. Mieux encore, vous avez pu constater qu’il possède un “sixième sens” qui lui permet de ressentir les ambiances et les états d’âme de ceux et celles qui vivent à ses côtés. Lorsque j’étais enfant, nous avions un chien que j’aimais beaucoup et qui, de toute évidence, m’aimait aussi. Lorsqu’il m’arrivait d’être triste ou mélancolique, il venait me voir et me regardait dans les yeux, comme pour me réconforter. Je n’ai aucun doute sur le fait qu’il s’agissait là d’une communion spirituelle, d’un échange d’âme à âme.

Tout comme la conscience de soi, l’amour n’est en aucun cas l’apanage de l’être humain. Indépendamment de l’exemple personnel que je viens d’évoquer, nous avons tous lu ou entendu des récits authentiques qui le prouvent : des chiens qui se sont laissés mourir sur la tombe de leur maître, des chats qui ont parcouru des milliers de kilomètres pour retrouver leur famille d’adoption, des chevaux qui ont ramené leur cavalier blessé à l’endroit d’où ils étaient partis… Mais on aurait tort de se limiter aux animaux domestiques. Des loups ont élevé des enfants (ce n’est pas une légende), des gorilles ont fraternisé avec des êtres humains (parmi lesquels Diane Fossey), des dauphins ont sauvé des navigateurs, etc. Assurément, les animaux sont capables d’aimer et de faire preuve d’empathie, et même, j’en suis convaincu, de compassion.

On entend parfois parler de la cruauté de certains animaux, notamment de ceux qui vivent à l’état sauvage. C’est là un non-sens, car aucun d’eux, y compris parmi les prédateurs, ne s’en prend à un autre dans le but délibéré de le faire souffrir. S’il l’attaque, c’est pour se nourrir, se protéger, défendre son territoire ou pour toute autre raison liée à sa survie ou à celle de ses petits. De même, lorsqu’un requin, un crocodile, un ours, un serpent ou autre blesse gravement un être humain ou même le tue, c’est par instinct de prédation ou de défense. En cela, ils peuvent se montrer, non pas cruels, mais dangereux. En fait, seuls les humains sont capables de faire preuve de cruauté envers leurs congénères et les animaux. Cela s’explique par le fait qu’ils disposent du libre arbitre et qu’ils peuvent l’utiliser d’une manière négative, au point de commettre des actes indignes de leur statut.

Comme la plupart des Rosicruciens, j’adhère à la réincarnation. Autrement dit, je pense que tout être humain possède une âme qui se réincarne régulièrement jusqu’à ce qu’elle ait atteint l’état de sagesse, but ultime de son évolution spirituelle. En revanche, la métempsycose, qui consiste à croire qu’un être humain peut revivre dans le corps d’un animal pour expier ses erreurs, me semble totalement infondée, ne serait-ce que parce qu’elle est en opposition avec la loi qui prévaut sur Terre et dans l’univers : l’Évolution. À l’inverse, je pense qu’un animal suffisamment évolué peut franchir à un moment donné le stade du règne humain et connaître sa première vie dans ce règne, puis s’y réincarner. Si vous admettez ce principe, alors il se peut que le chien ou le chat qui vous est si familier soit en cours d’humanisation…

Que l’on en soit conscient ou non, tous les êtres vivants sont interdépendants, non seulement sur le plan biologique, mais également karmique. Cela veut dire qu’en application de cette loi spirituelle, connue également sous les noms de « loi de réaction » ou « loi de compensation », le bien-être de l’humanité est conditionné entre autres par la manière dont elle traite les animaux. Pythagore l’avait parfaitement compris, puisqu’il déclara : « Tant que les hommes continueront à détruire sans pitié les êtres vivants des règnes inférieurs, ils ne connaîtront ni la santé ni la paix. Tant qu’ils massacreront les animaux, ils s’entretueront. En effet, qui sème le meurtre et la douleur ne peut récolter la joie et l’amour. »

En relation avec les remarques précédentes, je suis convaincu que plus les êtres humains respecteront et aimeront les animaux, plus ils se respecteront et s’aimeront entre eux, car ils s’ouvriront à ce que les mystiques en général et les Rosicruciens en particulier appellent « amour universel ». Parallèlement, la médecine et la chirurgie feront de tels progrès que l’une et l’autre, mettant en commun ce qu’elles ont de meilleur et de plus humaniste, parviendront à guérir la plupart des maladies pouvant affecter l’humanité. Je pense en effet qu’en application de la loi karmique, cette fois dans son aspect positif, les êtres humains en viendront à souffrir d’autant moins dans leur chair qu’ils s’emploieront à ne pas faire souffrir les animaux.

Pour clore cette lettre, je vous invite à imaginer que les animaux puissent lui répondre par une « Lettre ouverte aux êtres humains ». À votre avis, que nous diraient-ils ? Comment jugeraient-ils notre comportement à leur égard ? Que nous demanderaient-ils ? Que souhaiteraient-ils pour eux comme pour nous ? En songeant à ces questions, ayez à l’esprit que nous aurons peut-être à leur rendre des comptes dans l’au-delà, notamment à ceux qui, comme nous, ont une âme individuelle et participent à l’évolution de la Conscience universelle, telle qu’elle s’exprime sur Terre.

Dans les liens de l’amour que les animaux attendent de nous, recevez mes pensées les plus cordiales.

Serge Toussaint
Grand Maître de l’Ordre de la Rose-Croix

Lire l’original de cette lettre (Pdf)

 

Ce n’es pas une lettre ouverte, mais un exposé du Grand-Maître, Serge TOUSSAINT, mais il m’a semblé opportun de l’y placer ici:

L’humanisme des Rose-Croix

novembre 13, 2014 by Evénements • Tags:

Jeudi 13 novembre

Exposé de Serge Toussaint

Grand Maître de la juridiction francophone de l’A.M.O.R.C.

Dans les livres de référence, l’Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix est présenté comme un mouvement philosophique de type spiritualiste. Il est vrai que ses membres ont en commun de mener une quête spirituelle, laquelle n’a aucun caractère religieux. Cela étant, la philosophie rosicrucienne est également très humaniste. Je vous propose donc de voir dans cet exposé en quoi consiste cet humanisme et ce qu’il peut apporter à la société.

Tout d’abord, il me semble important de rappeler que l’A.M.O.R.C. est humaniste à travers ce qu’il est en tant que mouvement philosophique. En effet, il est ouvert aux hommes et aux femmes de toutes nationalités, sans distinction de croyances religieuses et d’opinions politiques. C’est ainsi qu’il y a des Rosicruciens chrétiens, juifs, musulmans, bouddhistes, etc., étant entendu qu’il y en a également qui ne suivent aucune religion particulière. Par ailleurs, ils ont des idées politiques différentes, voire opposées. C’est la preuve que l’Ordre de la Rose-Croix est très éclectique et qu’il est exempt de tout nationalisme, corporatisme ou communautarisme. Il est d’ailleurs reconnu d’utilité publique dans plusieurs pays, en raison de sa contribution à la culture, à l’éducation et à la paix entre les peuples.

Religion et politique

Comme vous le savez, nombre d’oppositions, de conflits et même de guerres sont dus à des divergences de nature religieuse ou politique. S’il en est ainsi, c’est parce que toute personne qui suit une religion a tendance à penser qu’elle est meilleure que les autres, voire qu’elle seule détient la vérité. De même, il est tentant de croire que nos idées politiques sont plus fondées que celles d’autrui, notamment si les unes et les autres se rattachent à des clans ou des partis opposés. Soucieux d’éviter ce genre d’antagonisme entre ses membres, l’A.M.O.R.C. n’auto-rise aucune discussion mettant en exergue les croyances religieuses ou les opinions politiques de chacun. Naturellement, tout Rosicrucien et toute Rosicrucienne sont entièrement libres de leurs convictions dans ces deux domaines, mais ils ne peuvent en faire état que dans la sphère privée.

Si l’A.M.O.R.C. est capable de réunir en son sein des personnes ayant des croyances religieuses et des opinions politiques différentes, c’est parce qu’il fait de la tolérance le fondement de sa philosophie. Cette préoccupation est tellement importante qu’on la retrouve dans sa devise : «La plus large tolérance dans la plus stricte indépendance». En application de cette devise, les Rosicruciens s’efforcent eux aussi de se montrer tolérants à l’égard de ceux qui, dans quelque domaine que ce soit, ont des idées différentes des leurs. Opposés à toute forme de sectarisme et de dogmatisme, ils privilégient le dialogue et l’échange. C’est là une attitude humaniste, car elle dénote une ouverture d’esprit et un esprit d’ouverture qui ne peuvent que favoriser les relations entre individus. Elle témoigne également du respect que l’on doit aux autres.

Est-ce à dire qu’il faut tout tolérer au nom de l’humanisme ? La réponse est «non». En effet, il y a des comportements inacceptables, notamment ceux qui portent atteinte à la dignité et à l’intégrité de la personne humaine. Tel est le cas de ceux qui sont vecteurs de racisme, de xénophobie et, d’une manière générale, de discrimination et d’exclusion. Faire preuve de tolérance à l’égard de ces comportements n’est pas une preuve de sagesse, mais un aveu de faiblesse. De toute évidence, un véritable humaniste œuvre au rapprochement de ses semblables, et non à leur rejet mutuel. Par extension, il favorise l’union plutôt que la division et fait sien ce principe que les Rosicruciens s’efforcent de manifester entre eux et même au-delà : «L’unité dans la diversité».

La parité homme-femme

Comme je l’ai précisé en introduction, l’Ordre de la Rose-Croix est ouvert aux hommes et aux femmes. A priori, cela n’a rien d’original. Pourtant, à l’aube du XXIe siècle, les femmes sont encore très loin de bénéficier des mêmes droits, des mêmes prérogatives et des mêmes opportunités que les hommes. Dans la plupart des religions, elles n’ont pas accès à la prêtrise et sont mises à l’écart dans certains cultes. Le monde politique leur demeure hostile et les soumet à de multiples pressions. Certaines professions leur sont interdites, sans parler des différences de rémunération à travail égal. Des mouvements comparables à l’A.M.O.R.C. font une distinction entre leurs membres féminins et leurs membres masculins. Cet inégalitarisme n’existe pas chez les Rosicruciens, de sorte que les femmes et les hommes bénéficient du même statut.

Être humaniste, c’est d’abord accepter comme une évidence l’égalité entre l’homme et la femme, ce qui suppose de voir en l’un et l’autre deux expressions différentes mais équivalentes de cette entité générique que l’on désigne sous le nom d’«être humain». Les notions de «sexe fort» et de «sexe faible» n’ont donc aucun fondement, si ce n’est le désir de certains hommes de se croire ou de se vouloir supérieurs aux femmes. Certes, on ne peut nier que les hommes, en règle générale, ont une force physique plus grande que celle des femmes, ce qui explique pourquoi certains métiers sont plutôt masculins que féminins. Mais cela ne les rend ni plus résistants, ni plus intelligents, d’autant que c’est avant tout la force morale, pour ne pas dire la force d’âme, qui est digne d’admiration.

Si l’on remonte à l’origine de l’infériorisation que les femmes subissent depuis si longtemps, on constate qu’elle prend en grande partie sa source dans la Genèse. En effet, il est dit, dans le récit qui relate la chute de l’Homme, que celle-ci est due au fait qu’Eve, par faiblesse et sous l’influence du serpent, a désobéi à Dieu. Ce récit biblique laisse entendre également que c’est à cause d’elle que l’humanité connaît sur Terre autant d’épreuves et de souffrances. Si l’on ajoute à cela que certaines religions s’interrogeaient jadis sur la question de savoir si les femmes avaient une âme ou non, il est aisé de comprendre pourquoi elles ont été considérées pendant si longtemps comme inférieures aux hommes. Pourtant, il est avéré que les sociétés matriarcales qui ont existé au cours de l’histoire étaient plus évoluées, plus pacifistes et plus raffinées que celles qui suivaient les règles du patriarcat, souvent injustes et sectaires.

Être citoyen du monde

Tout comme un humaniste considère que l’homme et la femme sont égaux en tant qu’êtres humains, il ne pense pas qu’une race soit supérieure à l’autre, en supposant même qu’il y ait plusieurs races. Certes, on ne peut nier, par exemple, qu’il y a des différences morphologiques évidentes entre européens, africains et asiatiques, mais il est prouvé scientifiquement que leur génome est identique et que le sang qui coule dans leurs veines est fondamentalement le même ; ils sont donc frères et sœurs dans l’absolu et forment l’espèce humaine dans son ensemble. Penser, pire encore dire, que telle race est supérieure à telle autre, est donc un non-sens sur le plan biologique et traduit une absence d’humanisme. En fait, le racisme traduit un réel manque d’intelligence et une incapacité à accepter les différences. C’est ainsi qu’un raciste a tendance, non seulement à rejeter les personnes qui ne sont pas de sa race présumée, mais également celles qui n’ont pas la même religion, les mêmes opinions politiques, les mêmes tendances culturelles, les mêmes goûts artistiques, etc.

Mais l’humanisme ne se limite pas à accepter les différences qui existent entre les êtres humains, quelles qu’elles soient. Si tel était le cas, être humaniste se limiterait à être tolérant et à avoir l’esprit ouvert ; il consiste également à œuvrer activement à l’amélioration de la condition humaine, sans distinction raciale, ethnique, sociale ou autre. Cela suppose d’agir et de réagir en tant que citoyen du monde, et non en tant qu’individu appartenant à telle nation, telle région, telle famille, telle religion, telle communauté, etc. D’un point de vue rosicrucien, tous les êtres humains sont autant de cellules d’un seul et même corps, en l’occurrence celui de l’humanité dans son ensemble. Qu’ils en aient conscience ou non, ils sont interdépendants et participent du même égrégore.

La mondialisation

On parle beaucoup de mondialisation de nos jours. Nombre de personnes sont opposées à ce processus et le rendent responsable de la crise économique et sociale à laquelle de nombreuses nations sont confrontées. Mais qu’on le veuille ou non, ce processus était inévitable, car naturel. En effet, l’instinct grégaire des hommes les a toujours conduits à accroître leur champ d’action et à élargir le cercle de leurs relations : de village en village, de ville en ville, de pays en pays, de continent en continent. Il est donc vain de s’opposer à la mondialisation, d’autant plus qu’elle est un facteur de rapprochement et donc de paix. Il faut au contraire l’accélérer et en faire un vecteur d’humanisme. Cela suppose de la maîtriser, de manière qu’elle bénéficie à tous les peuples, notamment sur le plan socio-économique. Les choses étant ce qu’elles sont, plus aucun pays ne pourra désormais prospérer à l’écart ou au détriment des autres. S’il en est ainsi, c’est parce que leurs destins et leurs karmas respectifs se confondent.

À propos de crise économique et sociale, on ne peut passer sous silence ce fléau qu’est le chômage, car il est un agent de mal-être et de souffrance morale. Si ses causes sont multiples, il en est une dont on ne parle pas suffisamment, à savoir l’excès de machinisme. Avec le temps, les machines, et d’une manière générale la technologie, ont pris une place prépondérante, au point de remplacer l’homme où cela n’était ni utile, ni nécessaire. Cette dérive, causée essentiellement par la volonté de faire toujours plus de profits, a privé de travail un grand nombre de personnes et a contribué à déshumaniser la société. L’idéal serait donc d’opérer un retour en arrière et de remettre des êtres humains où il serait sage de le faire. Cela suppose de rompre avec le matérialisme excessif qui prévaut dans les pays dits développés, lequel est fondé à outrance sur la rentabilité et l’argent.

Un autre mal ronge la société actuelle : l’individualisme. Sous l’effet combiné de l’excès de matérialisme, de la perte des valeurs citoyennes et des difficultés socio-économiques auxquelles de nombreuses personnes sont confrontées, on assiste depuis déjà plusieurs décennies à un renforcement de l’égoïsme et de l’indifférence. De nos jours, chacun a tendance à ne se préoccuper que de son bien-être personnel ou de celui de ses proches, parfois au détriment d’autrui. Parallèlement, on encourage le culte de la personnalité via Internet ou des émissions dites «people», ce qui a pour effet d’exacerber l’ego et tout ce qui en découle en termes d’égotisme. Par ailleurs, des jeux populaires exaltent l’esprit de compétition, au point d’exclure tel ou tel candidat sur des prétextes aussi injustes que fallacieux. Assurément, une telle tendance est à l’opposé de ce qu’il conviendrait de faire pour éveiller les gens à l’humanisme, lequel est fondé entre autres sur la coopération et l’empathie.

L’humanisme rosicrucien

Venons-en maintenant à ce qui fait la spécificité de l’humanisme rosicrucien. En effet, ce que j’ai expliqué jusqu’à présent doit sembler évident à toute personne soucieuse de contribuer à l’émergence d’une société plus humaine et plus fraternelle. Cela étant, il me semble que l’idéal en la matière est de s’appuyer sur une quête spirituelle. Certes, on peut être humaniste tout en étant athée, mais le fait d’admettre l’existence de Dieu et de l’âme donne nécessairement une dimension transcendantale à l’humanisme. Vous noterez d’ailleurs que la plupart des personnalités qui ont été reconnues dans le passé pour leur humanisme étaient ouvertes à la spiritualité. Parmi les Rose-Croix les plus célèbres, citons Francis Bacon, Robert Fludd, Coménius (considéré comme le père spirituel de l’U.N.E.S.C.O.), Baruch Spinoza, Marie Corelli, Papus, Nicolas Roerich, entre autres.

Qu’en est-il de l’âme pour les Rosicruciens ? Elle est l’entité spirituelle qui nous anime et fait de chacun de nous un être vivant et conscient. Par ailleurs, elle est virtuellement parfaite. En fait, ce que nous désignons dans le langage courant sous le nom de «qualités» prennent leur source dans notre âme. Cela veut dire que plus une personne est évoluée spirituellement, plus elle fait preuve d’humilité, de générosité, de tolérance, de bienveillance, etc. Or, qu’est-ce qu’être humaniste sinon manifester ces qualités au quotidien et en faire bénéficier les autres ? Nous voyons donc que la spiritualité, lorsqu’elle est fondée sur une quête de connaissance et de sagesse, contribue à notre perfectionnement et fait de nous un meilleur conjoint, un meilleur parent, un meilleur voisin, un meilleur collègue de travail et un meilleur citoyen. Autrement dit, elle fait de nous un meilleur humain, soucieux de donner un sens éthique à sa vie.

Le concept de Dieu mérite également d’être explicité. D’un point de vue rosicrucien, ce mot désigne l’Intelligence absolue et impersonnelle qui est à l’origine de toute la Création et de tout ce qu’elle contient sur les plans visible et invisible. Bien qu’inconnaissable en tant que telle, cette Intelligence se manifeste dans l’univers, la nature et l’homme lui-même au moyen de lois que l’on peut qualifier de «divines», au sens de lois naturelles (telles la succession des saisons, l’alternance des marées…), universelles (telles la gravitation universelle, la propagation de la lumière, …) et spirituelles (tels le karma, la réincarnation, …). Or, que nous en ayons conscience ou non, le bien-être et le bonheur auxquels nous aspirons dépendent de notre aptitude à vivre en harmonie avec ces lois, ce qui suppose de les étudier. C’est précisément ce que font les Rose-Croix à travers leur enseignement.

Mais revenons-en à l’humanisme. D’un point de vue rosicrucien, les êtres humains ne sont pas uniquement des frères et sœurs de sang ; ce sont également des âmes-sœurs provenant d’une seule et même source spirituelle, en l’occurrence l’Âme universelle. Ce qui diffère entre eux, au-delà de leur morphologie et de leur apparence physique, c’est leur degré d’évolution intérieure, c’est-à-dire leur aptitude à exprimer à travers leur comportement ce qu’il y a de plus divin en eux. C’est donc au plus profond de nous-mêmes que nous devons puiser l’inspiration voulue pour nous comporter aussi dignement que possible et donner l’exemple d’une personne humaniste, soucieuse de se transcender dans l’intérêt de tous. En cela, nous disposons du meilleur guide qui soi : la voix de notre conscience. Que nous le lui demandions ou non, elle nous donne constamment son avis sur notre comportement et nous incite à agir aussi bien que possible à l’égard de nous-mêmes et d’autrui. Libre à nous d’en tenir compte ou non…

Humanisme et spiritualité

Pour les raisons que je viens d’expliquer, les Rosicruciens font un lien entre l’humanisme et la spiritualité. S’ils s’emploient à devenir meilleurs et à se montrer plus généreux, tolérants, bienveillants, etc., ce n’est pas uniquement dans un but humaniste. C’est également parce qu’ils pensent qu’un tel travail sur eux-mêmes contribue à l’évolution de leur âme. Selon eux, nous vivons sur Terre dans le but d’évoluer spirituellement et d’atteindre un jour l’état de sagesse. Partant du principe qu’un tel état ne peut être réalisé en une seule vie, la plupart d’entre eux adhèrent à la réincarnation. Mais c’est là un autre sujet… Quoi qu’il en soit, leur quête spirituelle les incite à être humanistes et à voir en tout être humain une âme-sœur en voie d’évolution. En vertu de ce principe, ils considèrent que la différence qui existe entre les individus quant à leur niveau de conscience et de maturité, se situe essentiellement dans le fait que certains sont plus évolués que d’autres.

L’univers n’est pas le fruit du hasard ou d’un concours de circonstances, pas plus que l’humanité elle-même. Comme je l’ai dit précédemment, elle évolue graduellement vers l’état de sagesse, prélude à l’instauration d’une Société idéale. Une telle perspective peut vous sembler utopiste, mais elle est une invitation à faire preuve d’humanisme et à œuvrer à notre développement personnel, ou plus exactement à l’évolution de notre personnalité. Au regard de la philosophie rosicrucienne, c’est dans ce perfectionnement individuel et collectif que se situe l’espoir d’un monde meilleur pour tous. Et s’il est vrai que «l’espoir fait vivre», il est vrai aussi que la «vie fait espérer», car tout être humain espère plus ou moins consciemment qu’elle a un sens et qu’elle ne se limite pas à l’interlude compris entre la naissance et la mort. C’est ce qui explique pourquoi même un athée, dans le secret de son cœur si ce n’est celui de son âme, se prend parfois à envisager l’existence d’une après-vie.

Au-delà des apparences, l’humanité, que nous percevons comme un ensemble hétéroclite d’êtres humains incarnés, est d’origine et de nature spirituelles. Dans une certaine mesure, c’est aussi le cas de l’univers. Rappelons en effet que juste avant ce que les scientifiques appellent le «big bang», il était immatériel, et que dans les minutes qui ont suivi cette gigantesque explosion cosmique, il se réduisait à un centre d’énergie ayant la grosseur d’un atome. Quoi qu’il en soit, les individus que nous sommes ne se réduisent pas à leur corps physique. Nous sommes également et même surtout des âmes vivantes. Mieux qu’une humanité, nous formons une animanité, autrement dit une famille spirituelle dont l’espèce humaine n’est que le véhicule sur Terre. Que nous en ayons conscience ou non, et sous l’impulsion de ce qui est divin en nous, nous sommes destinés à nous comprendre, à nous respecter et à nous aimer.

L’Amour universel

En tant qu’individus, nous avons tendance à aimer plutôt ceux qui nous sont proches ou qui ont en commun avec nous la “race”, la nationalité, la religion, les idées politiques, etc. Cette tendance instinctive sinon naturelle résulte du fait que nous sommes enclins à rechercher la compagnie de ceux auxquels nous sommes liés affectivement ou avec lesquels nous avons des affinités, des ressemblances et autres points communs. Sachant qu’il faut aller bien au-delà de cette inclination, les Rosicruciens ouvrent leur cœur et leur âme aux autres, c’est-à-dire à ceux et celles qu’ils n’ont a priori aucune raison d’aimer. En cela, ils sont des adeptes de l’Amour universel, au sens le plus mystique de cette expression. Et à défaut d’être capable d’aimer tout le monde, ce qui nécessite un très haut niveau d’évolution spirituelle, ils ne haïssent personne.

Chacun de nous est à même de constater que l’humanité va mal et qu’elle se déchire dans de nombreux domaines. Il est évident que si elle persiste dans cette voie, elle court le risque de s’auto-détruire, d’autant que son incapacité à vivre en paix et dans l’harmonie s’accompagne d’une inaptitude à respecter la planète sur laquelle elle vit. Il y a donc urgence à faire de l’humanisme le fondement de nos comportements individuels et collectifs. Les Rose-Croix s’y efforcent depuis toujours ; ils ne sont pas les seuls, mais force est de constater qu’il n’y a pas assez d’humanistes en ce monde. Alors, faisons abstraction de nos différences, voire de nos divergences, et mettons le meilleur de nous-mêmes au service de la collectivité, dans l’intérêt de tous et de chacun. A l’instar de Khalil Gibran, faisons nôtre cette devise : «La Terre est ma patrie ; l’Humanité est ma famille».

Serge Toussaint
Grand Maître de l’Ordre de la Rose-Croix

> Version originale du texte L’humanisme-des-rose-croix (PDF)

Lettre ouverte aux croyants

décembre 13, 2014 by Evénements • Tags: ,

Le 13 décembre 2014 – Année R+C 3367

«Respecte toutes les croyances religieuses ou
philosophiques, dès lors qu’elles ne portent pas
atteinte à la dignité humaine. Ne soutiens ni ne
cautionne le fanatisme ou l’intégrisme, sous
quelque forme que ce soit. Dans la manière de
vivre ta foi, prends garde toi-même à n’être ni
dogmatique, ni sectaire».

Code de vie rosicrucien

LETTRE OUVERTE AUX CROYANTS
de Serge Toussaint, Grand Maître de l’Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix

À l’aube de ce XXIe siècle, environ 75 % des croyants suivent l’une des grandes religions en vigueur ou s’en réclament, à savoir le Judaïsme, le Christianisme, l’Islam, l’Hindouisme et le Bouddhisme, pour ne citer que les plus importantes. C’est la preuve qu’elles ont toujours leur utilité et qu’elles servent d’ancrage à des milliards de personnes sur tous les continents. Bien que je n’appartienne à aucune, je les respecte toutes dans ce qu’elles ont de meilleur à offrir à leurs fidèles pour vivre leur foi au quotidien. Cela étant, elles doivent plus que jamais cultiver la tolérance entre elles, afin d’être des vecteurs de rapprochement et même de fraternité entre les hommes. Cette «Lettre ouverte aux croyants» n’a pas d’autre but que d’en appeler à leurs fidèles, afin qu’ils se montrent tolérants les uns envers les autres et soient ainsi les ambassadeurs d’une religiosité ouverte et paisible.

D’après les scientifiques, les premiers hominidés sont apparus sur Terre il y a environ dix millions d’années. Durant des millénaires, toute leur énergie physique et mentale fut utilisée pour se maintenir en vie. Trouver leur nourriture, se protéger des prédateurs, construire des abris, se préserver des intempéries et autre activité vitale, fut très longtemps leur préoccupation et leur occupation essentielles. À cette époque lointaine, ils survivaient plus qu’ils ne vivaient. La découverte du feu, tel un don venu du ciel, révolutionna leur existence et leur apporta un bien-être qu’ils ne soupçonnaient pas. Elle leur permit, non seulement de s’éclairer, de se réchauffer et de faire cuire leur nourriture, mais également de prolonger leurs heures de veille. Dès lors, le regard perdu dans les flammes du foyer, ils commencèrent à réfléchir sur leur condition et, sans le savoir vraiment, posèrent au plus profond d’eux-mêmes les fondements du «connais-toi toi-même».

Comme chacun sait, la première religion émergea durant la préhistoire et fut de type animiste. C’est ainsi que les hommes primitifs croyaient que toute chose et tout être étaient animés par un esprit qui leur était propre : la terre, l’eau, l’air, le feu, mais aussi chaque rocher, chaque arbre, chaque plante, chaque animal, etc. Par extension, ils en vinrent à penser qu’eux-mêmes avaient un esprit, pour ne pas dire une âme. Cette idée s’imposa d’autant plus aisément à eux qu’elle leur permit de comprendre pourquoi, lorsqu’ils rêvaient, ils se voyaient marcher, courir, manger, chasser, échanger avec leurs proches… Dans leur pensée, cela s’expliquait par le fait que leur esprit pouvait se libérer de leur corps la nuit et poursuivre ses activités comme bon lui semblait. À ce propos, rappelons que Jung fit un lien étroit entre les rêves et l’âme. Contrairement à Freud, dont il fut le disciple pendant plusieurs années avant de rompre avec lui en raison de désaccords profonds sur la psyché humaine, il eut une approche spiritualiste de la psychanalyse.

S’il est un fait que l’animisme peut être considéré comme la première religion de l’histoire, et donc la plus ancienne, il faut néanmoins préciser qu’il n’était pas structuré et ne comportait pas de rites établis. À cette époque, les hommes primitifs se limitaient à croire que la nature était animée par une multitude d’esprits, les uns plutôt bienveillants, les autres plutôt malveillants. Certes, ils essayaient de s’attirer les faveurs des premiers et de se protéger du courroux des seconds, mais les pratiques qu’ils utilisaient dans ce but tenaient davantage de la magie que de la religion. Dans cet ordre d’idée, ils portaient des colliers fabriqués avec les dents de tel ou tel animal tué à la chasse et pensaient ainsi bénéficier de sa force. En période de sécheresse, ils imitaient la pluie avec de l’eau puisée dans une rivière ou un lac, en espérant qu’elle finirait par tomber. Dans le premier cas, les anthropologues parlent de «magie par contact» ; dans le second, de «magie par similitude».

Les millénaires passèrent et l’animisme donna graduellement naissance à une autre forme de religion : le polythéisme. Dans une certaine mesure, son avènement marqua le passage de la préhistoire à l’histoire. Au regard de la Tradition, c’est en Égypte qu’il atteignit son expression la plus élevée, en ce sens qu’il fut à l’origine d’un panthéon très structuré et très hiérarchisé, constitué de divinités ayant chacune son rôle et ses attributs. Par la suite, ce panthéon inspira celui qui fut en vigueur durant des siècles en Grèce, avant d’être repris et adapté par la Rome antique. On attribuait aux divinités concernées le pouvoir de guérir, de protéger, d’inspirer, de rendre les récoltes abondantes, etc. Mais pour obtenir leurs faveurs, il fallait suivre les rites et les rituels préconisés par le clergé. Pendant des milliers d’années, ce sont donc les religions polythéistes qui permirent aux croyants de vivre leur foi et qui conditionnèrent la vie des peuples.

Alors que le polythéisme était en vigueur depuis des siècles en Égypte et dans d’autres pays, un pharaon hors du commun révolutionna le concept de religion : Amenhotep IV. Plus connu sous le nom d’Akhenaton, il régna vers 1350 avant l’ère chrétienne. Sans pour autant mettre fin aux rites et aux rituels mis en œuvre par le clergé pour vénérer les divinités du panthéon officiel, lequel accordait une primauté à Amon, il prôna l’idée que ces divinités n’étaient que des expressions diverses et variées d’un seul Dieu qu’il symbolisa par le Soleil et qu’il désigna sous le nom d’Aton. De nos jours encore, son célèbre «Hymne à Aton», connu des historiens et des égyptologues, est considéré comme l’un des plus beaux textes de son époque. Il fut également à l’origine d’une véritable révolution dans le domaine de l’art. Quoi qu’il en soit, pour la première fois dans l’histoire, le monothéisme se substitua au polythéisme, ce qui marqua une étape très importante dans l’histoire et dans l’évolution de la religiosité.

Avec le Judaïsme, dont Moïse posa les fondements durant l’exode qui mena le peuple hébreu d’Égypte en Israël, le monothéisme s’émancipa du polythéisme et prit la forme d’un monisme anthromorphique personnifié par Yahvé, qui devint pour tous les Juifs le Dieu unique de référence. Au fil du temps, cette religion monothéiste se structura, se dota d’une liturgie très élaborée et s’enrichit d’une littérature abondante, notamment à travers ses nombreuses exégèses. Plus de trois mille ans après que le Prophète ait reçu les Tables de la Loi sur le mont Sinaï, le Judaïsme, tous courants confondus, reste une religion majeure. On évalue à environ quatorze millions le nombre d’hommes et de femmes qui la suivent à travers le monde, dont environ cinq millions en Israël, terre qui l’a vu naître. Ce chiffre peut sembler minime par rapport au nombre de Chrétiens, Musulmans et même Bouddhistes, mais le Judaïsme, de par ses origines, son histoire, sa tradition et son fonctionnement, ne se prête guère au prosélytisme.

Il y a un peu plus de deux mille ans, alors qu’Israël était sous l’emprise de Rome et que les Juifs ne se sentaient pas vraiment libres de suivre leur religion, naquit celui que les Chrétiens élevèrent au rang de «fils de Dieu». Connu sous le nom de Jésus durant son enfance et son adolescence, il fut crucifié par les Romains à l’âge de 33 ans (et en aucun cas par les Juifs comme certains le prétendent), sous prétexte qu’il troublait l’ordre établi. D’après la tradition chrétienne, il ressuscita trois jours après sa crucifixion, après avoir rédempté le monde tandis qu’il souffrait sur la croix. Ce double miracle constitue encore aujourd’hui le fondement de la foi que les Chrétiens placent en lui et dans son enseignement (environ deux milliards dans le monde). Comme c’est le cas du Judaïsme, le Christianisme s’est doté d’une doctrine très structurée et d’une liturgie très vaste, et a donné naissance à une littérature à ce point abondante qu’il est impossible d’en évaluer l’ampleur.

L’Islam, troisième «religion du livre» avec le Judaïsme et le Christianisme, se rattache à la vie et à l’œuvre de Mahomet, qui naquit en 571 à Mekka (La Mecque). La tradition islamique lui attribue le Coran, qu’il aurait écrit, tantôt sous la dictée de Dieu Lui-même, tantôt sous celle de l’ange Gabriel. De nos jours, c’est ce Livre qui guide la foi des Musulmans. Indépendamment de la religion à laquelle il donna naissance, les historiens s’accordent à dire qu’il pacifia l’Arabie et l’unifia à une époque où elle se déchirait dans des guerres intestines particulièrement violentes. Elle était alors sous l’emprise de croyances polythéistes. À l’instar de Moïse, Mahomet fut donc à la fois un guide spirituel et le chef d’une nation en voie d’unification. Toujours est-il que l’Islam est l’une des religions les plus suivies de nos jours (environ 1,6 milliard de fidèles à travers le monde), avec une doctrine, une liturgie et une littérature qui, elles aussi, ont traversé les siècles.

Ces considérations générales m’ont semblé nécessaires avant d’en venir à un point qui me paraît très important : le Judaïsme, le Christianisme et l’Islam ne sont pas des religions aussi distinctes et cloisonnées qu’on pourrait le penser a priori. En effet, sur le plan historique, le Christianisme est en quelque sorte le prolongement du Judaïsme et plonge ses racines en lui. C’est ce qui fit dire à Jésus : «Je ne suis pas venu abolir la loi des prophètes, mais l’accomplir». Il me semble d’ailleurs impossible de comprendre le Nouveau Testament sans connaître l’Ancien Testament, ce qui justifie qu’ils soient souvent réunis dans un seul et même livre : la Bible. Il faut rappeler également que selon certains textes, Mahomet se familiarisa avec le Judaïsme et le Christianisme avant de poser les bases de l’Islam. Par ailleurs, il éprouvait un profond respect pour Moïse et Jésus, tous deux cités comme prophètes dans le Coran. Si tous les Juifs, Chrétiens et Musulmans avaient pleinement conscience de cela, vous conviendrez certainement qu’il y aurait infiniment moins de dissensions entre eux.

Quant au Bouddhisme, que certains considèrent davantage comme une philosophie que comme une religion, il prend sa source dans l’Hindouisme, non sans avoir subi maintes modifications et adaptations au cours des siècles. On trouve d’ailleurs des doctrines communes à ces deux religions : karma, samsara, nirvana… Et d’après certaines thèses, le panthéon hindouiste aurait été lui-même inspiré par le polythéisme égyptien, avec un symbolisme quelque peu différent. C’est ainsi que la trinité Brahma, Vishnou et Shiva serait une transposition de la trinité Osiris, Isis et Horus. Notons également que cette idée de trinité se retrouve actuellement dans certaines religions monothéistes, notamment dans le Christianisme, où il est fait état de Dieu le Père, Dieu le Fils et Dieu le Saint-Esprit. Dans le même ordre d’idée, la plupart d’entre elles ont une approche ternaire de l’être humain : esprit, âme et corps.

Naturellement, il existe d’autres religions que le Judaïsme, le Christianisme, l’Islam, l’Hindouisme et le Bouddhisme, mais la plupart en dérivent directement ou indirectement. En fait, toutes ont emprunté une partie de leur enseignement aux unes et aux autres et se sont influencées mutuellement, de sorte que l’on ne devrait jamais les opposer. Malheureusement, nous savons tous que nombre d’entre elles se sont combattues au cours de l’histoire et le font encore de nos jours. Pourquoi ? Parce que certains de leurs dirigeants et de leurs fidèles se comportent comme si la religion qu’ils suivent détenait le monopole de la foi et de la vérité. Ce faisant, ils font preuve d’intolérance à l’égard des croyances et des pratiques auxquelles adhèrent les fidèles des autres religions. Dans les cas extrêmes, ils font preuve d’intégrisme et de fanatisme, au point de se battre contre ceux qu’ils considèrent comme des païens ou des infidèles, voire même de les combattre et de les tuer. Régulièrement, l’actualité est défrayée par des conflits plus ou moins graves entre Juifs et Chrétiens, Chrétiens et Musulmans, Musulmans et Bouddhistes…, en Orient comme en Occident.

Les remarques précédentes ne constituent en aucun cas une mise en cause ou une critique des religions. L’A.M.O.R.C. compte d’ailleurs parmi ses membres des Juifs, des Chrétiens, des Musulmans, des Bouddhistes, des Hindouistes, etc., sans que cela pose le moindre problème. En outre, si la plupart, comme moi-même, n’appartiennent à aucune religion, nombre d’entre eux s’intéressent à leur fondement ésotérique : la Kabbale pour le Judaïsme, le Gnosticisme pour le Christianisme, le Soufisme pour l’Islam, etc. Comme le savent les historiens des religions, celles-ci intègrent généralement deux aspects : le premier concerne les croyances qu’elles destinent au commun des fidèles à travers leurs pratiques “publiques” ; le second se rapporte aux connaissances mystiques qui se cachent derrière ces croyances. À titre d’exemple, Adam et Ève, dont il est fait mention dans la Bible et le Coran, offrent deux niveaux d’interprétation : sur le plan exotérique, ils désignent respectivement le premier homme et la première femme ayant vécu sur Terre et d’où serait issue toute l’humanité ; sur le plan ésotérique, Adam symbolise l’univers, et Ève l’âme (universelle) qui l’anime depuis les origines de la Création.

En tant que Rosicrucien, c’est la quête de connaissances qui suscite tout mon intérêt, mais je respecte les fidèles qui vivent leur foi à travers les croyances que véhiculent les religions qu’ils suivent. Ce que je condamne, et je ne suis évidemment pas le seul à le faire, c’est l’intolérance, l’intégrisme et le fanatisme religieux, d’autant que ce sont des comportements qui sont contraires au message de fond prôné par les religions et qui, par là même, les trahissent. Rappelons les paroles de Moïse : «Chacun de vous doit aimer son prochain comme lui-même» (Lévitique 19,18) ; de Jésus : «Aimez-vous les uns les autres» (Évangile selon saint Jean 13,34) ; de Bouddha : «Mettez-vous à la place des autres ; si vous y arrivez, vous ne serez plus capables de leur faire du mal» ; de Mahomet : «Nul d’entre vous n’est tout à fait croyant tant qu’il n’aime pas pour son prochain ce qu’il aime pour lui-même» (Hadith 6-7), auxquelles on pourrait ajouter de nombreux aphorismes, préceptes et commandements présents dans la littérature religieuse.

La question que l’on peut se poser est de savoir comment faire, lorsque l’on suit une religion, pour ne pas se laisser gagner par l’intolérance, l’intégrisme et le fanatisme, avec tout ce qui peut en résulter en termes d’oppositions, de conflits et même de guerres. En premier lieu, en partant du principe que celle à laquelle on appartient ne détient ni le monopole de la foi ni celui de la vérité ; en second lieu, en faisant preuve de tolérance et d’ouverture d’esprit à l’égard des autres religions, l’idéal en la matière étant de se familiariser avec leurs doctrines, leur liturgie et leur littérature ; en troisième lieu, en faisant la distinction entre ce qui est du ressort de la Religion en général et ce qui est du domaine de Dieu en particulier, quelle que soit la conception que l’on ait de Lui. Il faut être conscient également que la religion que l’on suit peut ne plus nous convenir à un moment donné de notre existence. Dès lors, on doit pouvoir la quitter sans pour autant la critiquer.

La nuance que je viens de faire entre Dieu et la Religion mérite peut-être d’être explicitée. Sans vouloir faire preuve d’intolérance ou d’étroitesse d’esprit, je pense qu’aucun Livre sacré n’a été dicté et encore moins écrit par Dieu Lui-même. Dans le cas contraire, cela ferait de Lui un Être anthropomorphique, ce qu’Il n’est pas. Que ce soient la Bible, le Coran, les Upanishads et autres Textes dits sacrés, tous sont l’œuvre d’êtres humains qui, aussi inspirés qu’ils aient pu être, étaient imparfaits et susceptibles de se tromper. C’est pourquoi il faut les lire avec un certain recul et ne pas les interpréter à la lettre. Par ailleurs, aucun responsable religieux, quel que soit son niveau dans la hiérarchie, ne sait, ni qui est Dieu, ni ce qu’Il pense, ni ce qu’Il veut. Prétendre le contraire est une imposture et relève de la manipulation mentale. Ceci s’applique également à tout guide spirituel (ou supposé tel) œuvrant en dehors des religions établies et avérées. Trop de crimes ont été commis au nom de Dieu et le sont encore, alors que, de toute évidence, Il n’en a jamais donné l’ordre ou l’instruction.

Quoi qu’on en dise, aucune religion n’est supérieure à une autre. Pour prendre une analogie, elles sont comme les rayons d’une seule et même roue. Toutes partent du même centre (la foi en Dieu) et aboutissent à la même circonférence (la vie humaine). Lorsque la roue de la vie tourne, on ne distingue plus vraiment les rayons, car rien, dans l’absolu, ne différencie un fidèle d’un autre. Ce sont avant tout des êtres humains, avec leurs joies et leurs peines, leurs espoirs et leurs regrets, leurs réussites et leurs échecs. En termes rosicruciens, ils ont en commun d’être des âmes vivantes, c’est-à-dire des hommes et des femmes en voie d’évolution. Pour être plus précis, nous sommes tous incarnés en ce monde afin de nous éveiller à ce qu’il y a de meilleur en nous, pour ne pas dire à ce qu’il y a de plus divin, et le manifester à travers nos jugements et notre comportement, au contact des autres. C’est précisément ce qu’ont enseigné les plus sages parmi ceux qui ont œuvré au développement des religions, tous credo confondus.

La plupart des religions du passé ont été fondées dans un contexte historique, géographique et sociologique particulier, souvent même pour un peuple, une nation ou une civilisation donnée. De siècle en siècle, elles se sont répandues dans des contrées de plus en plus éloignées de leur pays d’origine et, pour beaucoup, ont ainsi accru le nombre de leurs fidèles. De nos jours, sous l’effet de la mondialisation et du métissage des races, des ethnies et des cultures, elles sont partout présentes, de sorte que Juifs, Chrétiens, Musulmans, Hindouistes, Bouddhistes et autres se côtoient au quotidien. En ce qui me concerne, je pense que c’est là une très bonne chose, car ce côtoiement favorise le dialogue interreligieux et contribue à rendre les fidèles plus tolérants à l’égard des autres religions. Je suis convaincu également qu’il porte en lui les germes d’une Religion universelle à venir, laquelle intégrera ce que chacune des grandes religions actuelles contient de meilleur pour répondre à la foi de tous les croyants. Dès lors, ce ne sera plus Yahvé, Dieu le Père, Allah, Brahma ou Autre, qu’ils vénéreront, mais le Dieu de toute vie.

Naturellement, on peut être croyant sans suivre une religion particulière. Certains font plutôt partie d’un mouvement philosophique tel que l’A.M.O.R.C. ; d’autres appartiennent à des groupes de type “new age” ; d’autres encore mènent seuls leur quête spirituelle à travers des livres, des conférences ou des séminaires. Il appartient à chacun de trouver sa voie, selon sa personnalité, son tempérament et son niveau de conscience. Mais quelle que soit cette voie, ce que nous avons dit précédemment à propos des religions reste valable, à savoir qu’il faut se garder de l’intolérance, du fanatisme et de l’intégrisme. Dans une certaine mesure, et comme je l’ai expliqué dans une «Lettre ouverte aux athées», il en est de même pour les non-croyants, dont certains ont tendance à se montrer sectaires. Certes, on est entièrement libre de ne croire ni en l’existence de Dieu ni en celle de l’âme, mais on ne doit pas mépriser pour autant les croyants et combattre la spiritualité, comme certains intégristes et fanatiques de l’athéisme le font, parfois sous couvert de laïcité. La liberté de non-croyance n’a de légitimité que si elle respecte la liberté de croyance, et inversement. L’une et l’autre doivent rimer avec tolérance.

Pour conclure, j’invite le croyant que vous êtes peut-être à imaginer ce que Moïse, Jésus, Bouddha et Mahomet, pour ne citer qu’eux, diraient s’ils revenaient pour tenir ensemble une conférence de presse retransmise dans le monde entier. De toute évidence, ils nous feraient part de leur profonde tristesse à la vue des dévoiements parfois extrêmes auxquels les religions ont donné lieu, et exhorteraient tous les fidèles à faire triompher la fraternité, la paix et l’amour.

Dans l’espoir que tous les croyants en viennent un jour à faire preuve entre eux de tolérance et de respect, recevez mes meilleures pensées.

Sincèrement

Serge Toussaint
Grand Maître de l’Ordre de la Rose-Croix

Lettre ouverte aux croyants (PDF)

Lettre ouverte aux extraterrestres

20 mars 2015 by Lettres ouvertes • Tags:

Le 20 mars 2015 – Année R+C 3368

«Découvrir que d’autres êtres partagent l’univers avec nous aurait une signification absolument phénoménale. Ce serait un événement marquant, une nouvelle époque dans l’histoire de l’humanité».

Carl Edward Sagan (1934-1996)

LETTRE OUVERTE AUX EXTRATERRESTRES
de Serge Toussaint, Grand Maître de l’Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix

Écrire une «Lettre ouverte aux extraterrestres» peut sembler d’autant plus inutile et surréaliste que nous ignorons s’ils existent vraiment. Mais j’en suis convaincu depuis ma plus tendre enfance, au point que je contemplais souvent le ciel avec l’espoir secret de voir quelque aéronef insolite le traverser avant de venir se poser à proximité. Certes, je ne peux rien prouver dans ce domaine, mais en ce qui me concerne, l’intuition autant que la raison plaident en faveur de leur existence. Ce n’est donc pas sans un certain humour que j’ai cédé à la tentation de m’adresser à eux à travers vous, tout en sachant qu’il y a très peu de chance qu’ils me répondent. Mais sait-on jamais ?

Rappelons tout d’abord que de nos jours, chacun est libre de dire ou d’écrire qu’il croit à l’existence des extraterrestres, ce qui n’a pas toujours été le cas. Pour prendre un exemple marquant, Giordano Bruno, mystique italien du XVIIe siècle, auteur de livres que l’on peut qualifier d’«ésotériques», est mort en 1600 à Rome, brûlé vif sur le bûcher, entre autres pour avoir écrit (dans «Dell’Infinito, Universo e Mondi») qu’il existait d’autres mondes habités. À l’époque, une telle affirmation était contraire à la doctrine chrétienne, laquelle professait que la Terre occupait le centre de l’univers et qu’elle seule abritait la vie. Aux yeux de l’Église, et conformément à ce qui était dit dans la Genèse, notre planète ainsi que l’homme occupaient une place privilégiée dans la Création, et bénéficiaient à titre exclusif de l’omniprésence, l’omnipotence et l’omniscience de Dieu. Galilée et avant lui Copernic avaient osé eux aussi remettre en cause cette vision du monde, non sans risquer leur vie.

Depuis, la science a confirmé que la Terre n’occupe pas le centre de l’univers, que celui-ci contient des milliards de galaxies, et que chacune d’elles comporte des milliards de systèmes solaires, dont certains sont probablement comparables au nôtre. Dès lors, penser, non seulement que notre planète est la seule à abriter la vie, mais également que l’humanité qui l’habite est unique, est très réducteur. Convaincue qu’il en est tout autrement, la communauté scientifique redouble d’effort pour mettre au point des satellites et des sondes ayant pour objectif, entre autres, de prouver ce qui s’apparente de plus en plus à une évidence : la vie existe sur d’autres planètes, et d’autres humanités peuplent d’autres mondes. On peut raisonnablement penser que cette preuve, espérée par certains et redoutée par d’autres, ne sera plus très longue à venir.

Indépendamment du fait que la plupart des scientifiques pensent que la vie existe sur d’autres planètes, ce que certains considèrent comme des preuves se sont accumulées au cours des décennies passées. En effet, nombre de témoignages émanant des quatre coins du monde font état, sinon d’extraterrestres, du moins d’OVNI (Objets Volants Non Identifiés). Il est vrai que certains de ces témoignages sont peu crédibles et relèvent de l’illusion, de l’autosuggestion ou, tout simplement, du canular. Mais d’autres proviennent de personnes fiables, parmi lesquelles des militaires chargés d’observer et d’étudier les PAN (Phénomènes Aériens Non-identifiés), et ce, sur tous les continents. Il me semble inutile d’insister sur ce point, car outre ce que l’on peut lire à ce sujet sur internet (avec les précautions d’usage), des documentaires sérieux sont diffusés régulièrement sur ce thème, sans parler des livres, de mieux en mieux documentés, qui lui sont consacrés également.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les témoignages concernant les OVNI ne se limitent pas à l’Époque moderne. Dans un papyrus égyptien datant de l’époque de Thoutmosis III («Papyrus de Tully»), il est fait état de «cercles de feu qui montèrent haut dans le ciel, vers le Sud… Une merveille jamais observée depuis la fondation de la nation». De même, dans le Rig-Veda, l’un des textes les plus anciens de l’Hindouisme, on peut lire : «Un chariot aérien transporte beaucoup de personnes à la capitale d’Ayodhya. Le ciel est plein de machines volantes suspendues aussi noires que la nuit, mais pleines de lumières avec un halo jaune». En fait, il existe un grand nombre de récits, depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours, qui se réfèrent à des OVNI. Là encore, certains sont probablement allégoriques, mais d’autres ont vraiment de quoi laisser perplexe. Que dire également des représentations qui, dans plusieurs pays, laissent apparaître ce qui ressemble vraiment à des cosmonautes ? L’une des plus connues est celle qui se trouve dans une grotte située en Italie, près de Val Camonica, et qui date d’environ 10000 ans avant notre ère.

La littérature ésotérique, elle aussi, contient des références aux extraterrestres. C’est ainsi que dans certains textes, il est dit que ce sont des êtres venus d’un autre monde («de par-delà le grand océan cosmique») qui auraient transmis aux Égyptiens de l’Antiquité les connaissances qui leur permirent de passer aussi rapidement d’un niveau de vie relativement primitif à une civilisation aussi avancée. Il faut reconnaître que jusqu’à ce jour encore, on ne sait pas vraiment comment ils en sont venus à maîtriser aussi bien l’arithmétique, la géométrie, l’architecture, la médecine et autres domaines du savoir, lesquels rayonnèrent par la suite vers les autres pays et contribuèrent à leur évolution. Vue sous cet angle, ce que l’on appelle la «Tradition primordiale», dont on dit qu’elle est apparue dans les écoles de Mystères égyptiennes, aurait donc une source extraterrestre. Une telle hypothèse peut faire sourire et sembler relever purement et simplement de la science-fiction ou de la fantaisie. Mais ne faut-il pas avoir l’esprit ouvert ?

Imaginons que notre humanité se ressaisisse, fasse les bons choix pour son avenir, et évolue vers une société idéale, empreinte d’humanisme et de sagesse. Ayant réussi à maîtriser la technologie qui permet d’envoyer des vaisseaux dans l’espace, imaginons également qu’une mission spatiale découvre un jour une planète habitée par une humanité beaucoup moins évoluée que la nôtre. Ayant transcendé nos pulsions belliqueuses et nos instincts conquérants, n’aurions-nous pas le désir de l’aider à progresser plus rapidement sur le plan matériel, et peut-être même spirituel ? Dans cette perspective, n’aurions-nous pas à cœur de lui transmettre les connaissances nécessaires à ce développement ? Et l’on peut penser qu’elle garderait plus ou moins le souvenir de notre venue, et même que certains de ses écrits, destinés à la postérité, en feraient état sous une forme ou sous une autre.

La référence que je viens de faire à «nos pulsions belliqueuses et nos instincts conquérants» mérite peut-être d’être explicitée. Chacun est à même de constater que l’histoire de notre humanité est jalonnée de guerres et de conflits en tous genres, et que l’être humain, sous l’impulsion de son ego et de l’instinct de survie, a tendance à être agressif, tout du moins tant qu’il ne les a pas sublimés définitivement. Entre autres, c’est ce qui explique également pourquoi nombre de films et de jeux vidéo sont fondés sur la violence et la mise en exergue de la force physique. En supposant que des extraterrestres envisagent de nous contacter directement, on peut donc comprendre les réticences qu’ils ont à le faire : sitôt atterris sur notre planète, l’armée sera mobilisée en alerte maximale, prête à faire feu en usant de ses armes les plus destructrices, et ce, pour quel résultat…

C’est également parce que le commun des humains tend à être belliqueux qu’il projette sur les extraterrestres des intentions malveillantes à l’encontre de l’humanité. Vous aurez noté là aussi que la grande majorité des films et des jeux vidéo qui les mettent en scène en font des êtres hyper agressifs, animés par la volonté de détruire, de conquérir et d’asservir. L’un des meilleurs exemples en la matière reste «La guerre des mondes», réalisé pour la première fois en 1953 à partir d’un roman écrit en 1898 par Herbert George Wells, puis réadapté en 2005 par Steven Spielberg. Sans parler des «aliens» en tous genres. Très rares sont les films qui donnent une image positive et bienveillante des extraterrestres ; le célèbre «E.T.», du même Steven Spielberg, fait figure d’exception. Je trouve cela regrettable, car c’est là une forme de manipulation mentale qui n’a rien de positif et qui cultive la méfiance à l’égard de ce qui nous est “étranger”.

En tant qu’êtres humains, nous avons tendance à craindre l’inconnu et à lui prêter, soit des intentions hostiles, soit des apparences fantasmagoriques. Aussi, quand nous ne faisons pas des extraterrestres des êtres agressifs et violents, nous leur prêtons un aspect quasi monstrueux et les imaginons avec une tête énorme, un corps filiforme, quatre bras, des jambes atrophiées ou au contraire démesurées, des mains avec une dizaine de doigts “ventousés”, etc. Certes, si la vie existe dans d’autres mondes (ce qui pour moi est une évidence), elle ne se présente pas nécessairement sous les mêmes formes que sur la Terre, car l’adaptation à l’environnement doit être chez elle une constante. Mais de là à imaginer qu’elle s’exprime alors à travers des êtres difformes et disproportionnés ! Cela traduit de notre part, au mieux une certaine naïveté, au pire un réel manque de réflexion.

Les remarques précédentes posent indirectement la question de savoir si la vie a un but ; si c’est le cas, en quoi consiste-t-il ? Comme tous les Rosicruciens, je pense qu’elle n’est pas le fruit du hasard ou d’un concours de circonstances, et ce, quel que soit le monde où elle se trouve. D’un point de vue mystique, elle est une essence cosmique qui imprègne l’univers et qui, lorsque les conditions sont réunies, s’incarne dans la matière à travers des créatures dites «vivantes». Mais la vie n’existe pas aux seules fins d’exister ; elle sert de véhicule à la conscience. Pour être plus précis, elle permet à cette dernière d’évoluer vers des niveaux toujours plus élevés. Sur Terre, cette évolution se fait d’une manière continue et graduelle à travers les différents règnes, depuis le minéral vers le végétal, l’animal et l’humain. À ce propos, rappelons cette maxime : «Le Divin dort dans les minéraux, s’éveille dans les végétaux, marche dans les animaux et pense dans l’homme».

Au risque de me tromper, je pense que la vie, partout où elle se trouve dans l’univers, privilégie les formes et les structures qui lui permettent d’accomplir au mieux son rôle au service de l’évolution. Aussi, pourquoi ne pas envisager qu’elle reproduise quasiment partout le même schéma évolutif, tout du moins dans les grandes lignes ? Si tel est le cas, on peut supposer qu’il y a dans d’autres mondes des végétaux, des animaux et des êtres “humains” ayant de grandes ressemblances avec ceux qui ont peuplé, peuplent ou peupleront la Terre. Dès lors, les extraterrestres susceptibles de venir à notre rencontre ne sont ni difformes, ni disproportionnés. Pourquoi n’auraient-ils pas eux aussi qu’une seule tête avec deux yeux, deux bras et deux jambes, mais avec une taille plus petite ou plus grande, à l’instar des habitants de Pandora, cette belle planète imaginée par James Cameron pour son film «Avatar» ?

Logiquement, les extraterrestres susceptibles de venir à notre rencontre sont beaucoup plus évolués que nous sur les plans technologique et scientifique. En effet, compte tenu des distances interstellaires, les spécialistes en la matière pensent que la seule possibilité pour eux d’atteindre notre planète est de voyager à une vitesse qui dépasse celle de la lumière, c’est-à-dire 300 000 km/s. Selon eux, une telle vitesse permet de franchir les limites du temps et de voyager dans une sorte d’éternel présent. En l’état actuel de nos connaissances, une telle prouesse semble impossible. Pourtant, rappelons que les premiers avions fabriqués par les hommes ne l’ont été qu’à la fin du XIXe siècle et qu’ils ne volaient alors qu’aux environs de 50 km/h. À la fin du XXe, ils atteignaient 900 km/h. Et l’on parle aujourd’hui d’un supersonique qui volera à quatre fois la vitesse du son, c’est-à-dire à environ 1,360 km/s. Certes, on est encore très loin de la vitesse de la lumière, mais il est évident que de très grands progrès seront encore réalisés dans ce domaine. Certains scientifiques évoquent la propulsion par antimatière, ou encore par distorsion de l’espace-temps. À ne pas négliger non plus : la téléportation…

Je suis bien conscient que le fait d’avoir atteint un très haut niveau de développement technologique et scientifique n’est pas un gage de pacifisme. À son niveau, notre humanité en est malheureusement la preuve. Pour s’en convaincre, il suffit de songer aux armes toujours plus sophistiquées mises au point par certains savants et techniciens. Cela étant, je gage sur le fait que les extraterrestres qui prendront un jour le risque de se poser sur notre planète et de nous visiter auront également acquis un grand sens de l’éthique, de sorte qu’ils seront animés d’intentions bienveillantes à notre égard. Mieux encore, je veux croire qu’ils auront une dimension spirituelle à ce point évidente qu’elle sera perceptible par les hommes que nous sommes et nous réconciliera avec l’idée que Dieu existe, au sens, non pas religieux du terme, mais métaphysique, c’est-à-dire au sens d’Énergie-Conscience impersonnelle.

Mais si vous croyez comme moi à l’existence d’extraterrestres et à la possibilité qu’ils viennent un jour à notre rencontre, nous pouvons nous demander pourquoi ils prendraient une telle initiative. Ce ne serait certainement pas dans le seul but de nous rendre une “visite de courtoisie”, mais pour une raison plus grave nous concernant. Vous conviendrez que l’humanité est à la croisée des chemins, ne serait-ce que sur le plan écologique. Outre la crise sociale, économique, politique, morale… à laquelle elle est confrontée depuis plusieurs décennies, c’est aujourd’hui la Terre, ou plus exactement ce qu’elle est en tant qu’espace de vie pour les êtres humains et un grand nombre d’animaux, qui est menacée. Aux yeux d’extraterrestres susceptibles de prendre contact avec nous, on peut penser, peut-être naïvement, qu’une telle menace est une raison suffisante pour qu’ils le fassent, ce qui supposerait, naturellement, qu’ils nous observent depuis quelque temps déjà.

Est-ce à dire qu’il faut attendre les extraterrestres comme d’aucuns attendent le messie ? Non ; c’est à l’humanité elle-même de se transcender et de puiser dans ce qu’elle a de meilleur la volonté, le courage et la sagesse de faire les bons choix et de se donner un bel avenir. Cela étant, une direction, des conseils et autres recommandations venus d’êtres plus éclairés que nous, pour ne pas dire plus inspirés, ne seraient-ils pas les bienvenus ? Quel homme ou quelle femme de pouvoir et d’influence, sincère et humaniste, refuserait d’être guidé par quelqu’un d’infiniment plus sage et expérimenté ? C’est là une hypothèse a priori utopiste, mais elle fait partie de ce qui pourrait arriver de mieux pour que les êtres humains prennent enfin conscience de la gravité de la situation et agissent en conséquence.

De mon point de vue, les solutions pour que l’humanité se transcende effectivement ne sont pas légion. J’en vois trois principales : 1) La crise à laquelle la plupart des pays sont confrontés conduit la grande majorité de leurs citoyens à remettre en cause les choix politiques, économiques, sociétaux et autres qui ont abouti à cette situation chaotique, et les incite parallèlement à opter pour des idéaux plus humanistes. 2) Les bouleversements et les catastrophes écologiques s’amplifient et obligent la grande majorité des êtres humains à faire cause commune pour sauver la planète, ce qui nécessite qu’ils se rapprochent de la nature et soient infiniment plus sages dans leur manière de vivre. 3) Nous persistons dans l’erreur, pour ne pas dire dans la folie, mais un “miracle” se produit : des extraterrestres bienveillants viennent à notre secours. Les plus optimistes parmi nous (certains diraient les plus naïfs) iront peut-être jusqu’à combiner ces trois solutions…

C’est donc sur ces interrogations mêlant gravité et humour que j’adresse mes meilleures pensées aux extraterrestres susceptibles de nous contacter, ainsi qu’à vous-mêmes, terriens de tous pays.

Sincèrement

Serge Toussaint
Grand Maître de l’Ordre de la Rose-Croix

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Un rituel rosicrucien.

Posté par leblogdegaudius le 28 novembre 2012

Un sympathisant a posté ce message sur le blog « Réflexions sur 3 points » et il m’a semblé intéressant de vous en faire part:

Ce samedi là, comme tous les mois, les rosicruciens se réunissaient dans leur loge pour y effectuer un travail pour le bénéfice de toute l’humanité. Ce rituel, auquel les non-membres et sympathisants peuvent se joindre, s’appelle le comité d’entr’aide spirituelle. J’avais déjà assisté un rituel d’entraide ainsi qu’à la cérémonie du souvenir organisée en automne, au mois de septembre, et à laquelle les non-membres et sympathisants peuvent également assister. Dans ce cas là, la cérémonie, simple et bon enfant, se déroule en plein air tandis que le comité d’entr’aide se déroule dans un temple rosicrucien.  Pour qui veut savoir comment est fait un temple rosicrucien, il suffit de regarder les vidéos mises en lignes. Cependant, une chose est de voir un temple en image, une autre est d’y entrer en personne et là… Mais n’anticipons pas.

Ce jour là, donc, je m’étais rendu à la loge, où des membres étaient déjà là. Les conversations allaient bon train quand un membre est venu nous avertir de nous préparer. Aussitôt, les membres cessent leur conversation et se recueillent. Certains ferment les yeux, tandis qu’une atmosphère de paix s’installe.

Un petit instant plus tard, le même membre revient nous chercher. Il est revêtu d’un tablier rouge, triangulaire, brodé d’une rose-croix en son centre. Aussitôt, les membres se lèvent, et toujours en silence, se dirigent vers le temple. Là, à la porte, le membre nous demande d’entrer et de nous assoir. Le maître de loge est là, qui nous accueille, revêtu du même tablier. Le temple est éclairé, et les bougies sont allumées. Le lieu est impressionnant, à moins que ce soit l’aspect solennel de la cérémonie qui cause cette impression là. Qu’importe, je rentre et je m’assois avec les autres. 

Après nous avoir souhaité la bienvenue, le maître de loge nous invite à nous installer confortablement, puis il prononce une invocation. Tout le monde ferme les yeux et se recueille. Puis il nous demande de visualiser la Terre et de lui envoyer toutes nos pensées les plus positives. Des images défilent devant mes yeux, et je vois des mains blanches, lumineuses même, en serrer d’autres, la Terre, vue de l’espace qui apparaît nimbée de lumière, des mots comme « paix », « fraternité », « bienveillance » qui me remplissent d’une grande joie…  On aimerait continuer à contempler le spectacle, mais il faut avancer et le maître nous demande ensuite d’envoyer nos pensées de paix, de réconfort et de santé vers une personne de notre entourage, ami ou parent. Aussitôt, j’imagine un membre de ma famille, qui a quelques problèmes de santé. Je le vois tout habillé de blanc, baigné dans de la lumière, et tout à fait apaisé. Là encore, j’en éprouve une grande joie. Enfin, nous envoyons tous nos pensées de paix, de bonheur et de prospérité vers notre nation. Après tout, c’est logique, car nous vivons dans le même pays et il est important d’entretenir les meilleurs rapports avec nos compatriotes.

Pour terminer, le maître nous demande d’entonner 3 fois un son vocal, et alors là…

Ca vibre.

Imaginez le même son repris par tout un groupe, un son que vous émettez à l’unisson, imaginez l’effet sur votre corps, imaginez une corde tendue qui vibre depuis le ventre jusqu’à la tête. Et puis laissez-vous aller. Le son vibre dans tout votre corps et semble se diffuser dans toutes les directions. Curieux effet que de se sentir vibrer, et même vivifié. Ca tonifie et ça revigore. On se sent léger et tellement bien… Et puis il y a aussi la joie d’avoir participé à quelque chose de grand, en compagnie de gens de bonne volonté.

Puis le maître de loge reprend la parole. C’est fait, tout est accompli.

Il nous demande ensuite de nous lever et de sortir du temple. Déjà…

A regrets, je me lève et je suis les autres, pour regagner la salle d’accueil. Tout le monde garde le silence, comme si le rituel se poursuivait à l’extérieur du temple. Les visages sont reposés, les expressions sont sereines, souriantes, même. Quant à moi, je me sens en pleine forme !

Et puis je me mets à réfléchir. Qui sait si le « secret » des rosicruciens n’est pas tout simplement de voir tout d’une façon globale et de ne pas s’attacher aux détails les plus triviaux. Répétez ce processus tous les jours (car les rosicruciens effectuent aussi ce rituel à domicile quotidiennement) et vous comprendrez l’énergie et la vitalité des rosicruciens, et leur attachement à œuvrer pour la collectivité humaine, sans distinction, sans oublier bien sûr la famille et les compatriotes.

Quand on a une vue générale, on comprend mieux l’optimisme, non pas béat, mais raisonné des uns et des autres, de ceux qui cultivent l’altruisme et le dévouement. Voir chacun comme faisant partie de cet ensemble dans lequel nous sommes permet de continuer à avancer. Qu’importe si des esprits chagrins ou mesquins trouvent matière à critiquer, cela fait du bien de voir des gens de bonne volonté continuer vaille que vaille à tendre la main à leur prochain.

Je suis heureux et fier d’avoir travaillé avec les membres de la loge et si jamais un rosicrucien vous propose de partager avec lui ces instants « magiques » dans un temple, sachez qu’il vous fait là un bien beau cadeau.

Il faut savoir que les rituels rosicruciens habituels sont réservés aux membres, mais que les portails s’ouvrent pour les sympathisants lors de quelques occasions: le rituel d’entr’aide spirituelle, dont il est question ici, la méditation pour la paix vers le solstice d’été et la cérémonie du souvenir qui a lieu  chaque année à l’équinoxe d’automne. D’autres cérémonies, plus privées, comme lors des attributions de nom, les mariages et les rituels funèbres sont ouverts aux amis et à la famille du membre. Les Amis de l’AMORC peuvent également participer aux conventions (à part les rituels habituels).

Gaudius

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Biographie

Posté par leblogdegaudius le 27 novembre 2012

Au commencement…

Aussi loin que je me souvienne, dès mon plus jeune âge, j’ai toujours ressenti une certaine attraction pour la Rose-Croix et son symbole, que je trouvais très beau.

J’avais entendu parler de l’AMORC mais je ne savais pas où trouver cette organisation. Finalement, c’est à l’âge adulte, tout à fait « par hasard » que je suis tombé nez à nez avec une affiche annonçant une prochaine conférence.

Le jour venu, je me rends au lieu indiqué, je m’assois dans la salle, j’écoute la présentation et je prends des notes. Je m’enthousiasme de plus en plus car je sens que  cela correspond à mes recherches. Je monopolise presque la parole, mais les rosicruciens présents n’ont pas l’air de s’en formaliser. Certains esquissent même un petit sourire.

Tout content, je retourne chez moi, la tête dans les étoiles et le coeur léger. J’ai les documents en main et de quoi lire et relire pendant plusieurs jours. Ne manque que le formulaire, que je m’empresse de demander au siège social, à Omonville. Je reçois en retour la brochure, « La maîtrise de la vie », avec son formulaire d’inscription et là…. Je n’ose plus. Je retourne les pensées dans ma tête: et si ce n’était qu’un feu de paille? Et si je m’étais trompé? J’ai beau savoir que toute liberté me sera donnée, tout de même, ça représente un sacré engagement.

J’hésite. J’y vais-t-y, j’y vais-t-y pas? C’est trop beau, je n’ose y croire, j’avais enfin touché au but et au dernier moment, je m’arrête.  Il faut que je me décide.

Finalement, je fais le grand saut; je remplis mon bulletin d’affiliation, j’envoie ma cotisation, redoutant de ne pas faire l’affaire.

Quelques semaines plus tard, je reçois une enveloppe kraft venant d’Omonville. Mon premier envoi: ma carte de membre, des fascicules et une première monographie d’introduction.  C’est ainsi que j’ai commencé à étudier les monographies rosicruciennes. Mais je ne me contenterais pas de rester chez moi, il fallait que je rencontre d’autres membres.

Cela fut fait et fera l’objet d’un prochain article.

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Les premières rencontres

J’ai mis peu de temps après avoir reçu mes premiers envois et j’avais hâte de rencontrer des membres qui partageaient mes idéaux et avec qui je pourrais travailler en toute cordialité et en toute fraternité. Muni de l’adresse de la loge la plus proche,  je m’y rends, d’un pas décidé, mais le coeur battant quand même. Je rentre dans le local, je frappe à la porte, on m’ouvre et je rentre. La pièce est déjà remplie de monde. Je me mets en règle en présentant mes documents d’affiliation au secrétaire.

Après un accueil des plus chaleureux et avoir été instruit de la façon de se conduire dans l’organisme, il est temps de se préparer. J’assiste à mon premier rituel qui me laissera un souvenir inoubliable. Lorsque je regagne la salle d’accueil, encore sous le charme, je retrouve des visages détendus et rayonnants,

Le reste de la soirée sera tout aussi détendue et chaque fois que je reviendrai en tant que visiteur, je retrouverai cette même atmosphère de simplicité et de fraternité.

Viendront ensuite mon affiliation à la Loge, les initiations, les sorties  et les activités communes ; bref, la vie « ordinaire » d’un membre d’organisme. Chaque fois, j’y trouve toujours cette même chaleur et cette même simplicité des rapports. Chacun enrichit et forme l’autre. Au bout de cette vingtaine d’années de fréquentation, je suis toujours aussi fier de cheminer sur le sentier rosicrucien aux côtés de membres toujours aussi intéressants et motivés.

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Feux de la Saint-Jean

Avant les vacances d’été, la loge avait organisé un après-midi fraternel et des membres nous avaient concocté une belle surprise : une saynète tirée du « Jardin du Prophète », de Khalil Gibran. Pendant des semaines, des répétitions et des visualisations avaient été nécessaires pour donner à ce « drame rituel » toute la profondeur et tout l’impact nécessaire.

L’après-midi avait été ponctué d’activités diverses et le soir commençait à pointer le bout de son nez quand vient le temps du repas, amené par les organisateurs. Les conversations fusent de toute part et la bonne humeur est générale.

Enfin, vient le grand moment de la soirée. En fait, il y en aura 2 :

En premier lieu, deux fratres font leur entrée ; l’un en cow-boy, l’autre en indien. Ils ne disent rien, mais expriment avec peu de gestes et de regard l’essentiel d’un texte qui passe en arrière-plan : c’est un texte du chef indien Seattle, en réponse au gouvernement américain qui lui proposait de racheter sa terre  (le texte se trouve ici :)

http://www.imagesetmots.fr/pages/litterature/texte_seattle.htm

 

Grand moment de silence après le départ des acteurs, puis applaudissements à tout rompre.

Après une petite pause, vient le 2ème temps fort : c’est un texte de Khalil Gibran adapté pour la circonstance. Un disciple s’interroge sur l’Etre. Arrivent alors 12 « maîtres » qui lui apportent chacun une explication. Voici le texte intégral :

 

Après un moment, l’un des disciples demanda: «Maître, parle-nous de l’être, qu’est-ce donc être? »

 

Almustafa le regarda longtemps et l’aima. Il se leva, s’éloigna un peu d’eux, puis revint et dit:

 

«C’est dans ce jardin que reposent mon père et ma mère, enterrés par les mains du vivant; dans ce jardin aussi sont ensevelies les semences des années écoulées, apportées ici sur les ailes du vent. Mille fois mon père et ma mère seront ensevelis ici, mille fois le vent enterrera la semence; et dans mille ans, vous, moi-même et ces fleurs, nous serons rassemblés dans ce jardin comme aujour­d’hui, nous existerons, aimant la vie, nous existerons, en rêvant d’espace, et nous serons en train de nous élever vers le soleil. »

 

Mais, aujourd’hui même, être, c’est être sage, sans être étranger au fou; c’est être fort, mais pas pour détruire ce qui est faible; »

 

C’est jouer avec de petits enfants, non comme le font les pères, mais bien plutôt comme des compagnons de jeux désireux de s’initier à leurs amusements.»

 

C’est être simple et franc avec les hommes et les femmes âgés, s’asseoir auprès d’eux à l’ombre de vieux chênes, bien que vous, vous viviez toujours à l’heure du printemps.»

 

C’est partir à la recherche d’un poète, même s’il demeure au-delà des sept fleuves, et être en paix auprès de lui, sans aucun désir, aucun doute, sans une question sur vos lèvres.»

 

C’est savoir que le saint et le pécheur sont frères jumeaux, fils de notre gracieux Roi, et savoir que l’un d’eux, parce qu’il est né à peine avant l’autre, nous le considérons comme le prince héritier.»

 

C’est suivre la Beauté, même si elle vous conduit au bord d’un précipice, et, bien qu’elle soit ailée alors que vous ne l’êtes pas, bien qu’elle saute au-dessus du précipice, la suivre quand même, car où la Beauté est absente, il n’y a rien.»

 

C’est être un jardin sans murs, une vigne sans gardien, une maison qui recèle un trésor, mais toujours ouverte à tous les passants.»

 

C’est être volé, trompé, abusé, oui, induit en erreur, pris au piège et ensuite bafoué, mais, malgré toutes ces avanies, regarder tout cela comme rien au fond de vous-mêmes, et sourire, car vous savez qu’un printemps viendra s’épanouir dans votre jardin, danser dans les feuillages, qu’un automne viendra mûrir vos raisins, et vous savez que si une seule de vos fenêtres s’ouvre à l’est, vous ne serez jamais sans rien.

 

Vous saurez aussi que tous ceux qu’on appelle malfaiteurs, voleurs, escrocs et trompeurs sont vos frères dans le besoin, et que vous-mêmes, vous êtes peut-être comme eux aux yeux des habitants bénis de la Cité Invisible, édifiée au-dessus de la cité visible.»

 

Quant à vous, dont les mains trouvent et fabriquent tout ce qui est nécessaire pour passer confortablement vos jours et vos nuits,

 

Être, c’est exercer le métier de tisserand avec des doigts qui voient, le métier d’architecte, jouant avec la lumière et l’espace, celui du laboureur en sachant que vous cachez un trésor dans chaque semence que vous enterrez, celui de pêcheur et de chasseur pitoyables pour le poisson et le gibier, mais plus encore pour ceux qui ont faim et pour tous les besoins de l’homme. ».

 

En un geste fraternel, maîtres et disciple partagent le pain, simplement, puis s’éloignent, nous laissant méditer sur la beauté et la profondeur de ce qui vient de se passer.  Personne n’ose bouger ou dire quoi que ce soit, puis la soirée s’anime de nouveau, et les acteurs reçoivent les félicitations de tout le monde.

Mais la soirée n’aurait pas été complète sans un feu de joie. Bien vite, on commence à rassembler du petit bois, des branches un peu plus épaisses, un peu de papier et, d’un craquement d’allumettes, les flammes bondissent dans un crépitement joyeux. Chacun prend une branche et vient à son tour nourrir le feu, grave, respectueux même. Un frater africain se met ensuite à entonner un chant de son pays, rythmé par les claquements de main de toute l’assemblée. Son chant parle justement du feu. C’est très beau, c’est très paisible. Puis des notes résonnent dans la nuit : une guitare, un violon, un synthétiseur improvisent un mini-concert tandis que le feu continue de rayonner chaleur et lumière. On aimerait prolonger à l’infini ces instants magiques mais la nuit s’avance et il se fait bien tard. Petit à petit, les groupes se disloquent, les membres repartent, chacun dans son propre ressenti. Fratres et Sorores qui me lisez et qui y étiez, vous en souvenez-vous ?

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Au Mont Saint-Michel

C’était aux environs de la Pentecôte. Nous nous étions tous donné rendez-vous au Mont S aint Michel pour un week-end  intense. Après plus de 4 heures de route dans  la bonne humeur, nous voilà arrivés à bon port. Les organisateurs nous attendent et nous indiquent le lieu de notre hébergement. Pour les uns, ce sera un gîte, pour d’autres, ce sera un camping.  Vite rendus, nous défaisons nos bagages et nous choisissons chacun notre couche. Pour notre petit groupe, ce sera dans un gîte, à côté d’un centre équestre et les chevaux nous accueillent avec des hennissements et des coups de sabot de joie.

Après rassemblement de toute la troupe, direction le Mont Saint Michel. D’après mes souvenirs, mais je peux me tromper, la visite de la cathédrale est remise au lendemain matin, because trop de monde (à moins que le guide n’ait pas été disponible à ce moment là ?) et elle est remplacée par une conférence sur l’Alchimie. . Qu’importe, ni l’un ni l’autre ne m’ont marqué particulièrement puisque je ne sais plus si c’était le jour  J ou le jour K (et je demande bien pardon au frater qui nous a régalés de son savoir et a suscité de riches échanges mais en tant que néophyte, tout cela était bien au-delà) de ma portée).  Ce dont je me rappelle par contre, c’était la foule, et la chapelle Saint Pierre, où on se sent particulièrement bien, comme dans un cocon. C’est une église romane, petite, solide, rassurante, et à taille humaine. Je ne veux pas partir mais le groupe me presse et nous devons continuer la visite. Nous arrivons enfin à la chapelle Saint Aubert où on nous narre l’histoire du Mont Tombe (futur Mont Saint Michel) et la légende de Saint Aubert avec son trou dans le crâne. Et puis nous descendons face à l’océan. A main droite, dans un petit recoin, il y a une zone de silence. En s’y plaçant, on n’entend plus rien, mais on peut ressentir comme une pulsation, un battement de cœur de la Terrre elle-même. On comprend pourquoi le Mont Saint Michel est considéré comme un « haut lieu vibratoire ». Rendez-vous compte, ou essayez de vous imaginer un gigantesque capteur dont la pointe est la cathédrale, avec l’ange la couronnant à son sommet.

Et puis il faut rentrer pour le repas. La soirée est animée ; on dirait que nous en sommes tous revigorés. D’ailleurs, beaucoup d’entre nous auront du mal à s’endormir et, chacun dans nos lits, nous échangeons impressions et plaisanteries diverses. Cela en dérange-t-il certains ? Pas le moindre du monde et F… ronfle comme un bienheureux, nous arrachant après une minute de silence un rire contagieux. Cela incite les chevaux voisins à s’ébrouer et à donner des coups de sabot, comme pour dire : « c’est pas fini là-dedans ? », ce qui nous arrache derechef un énorme fou-rire.  Tout de même, il faut bien se calmer un peu, et nous y parvenons peu à peu, insensiblement, nous laissant gagner par le sommeil.

Le lendemain, frais et dispos, nous prenons le petit déjeuner en commun, puis nous allons au Mont Saint Michel pour la suite du programme. Il me semble bien que c’était pour visiter la cathédrale, tôt le matin puisque je me souviens des rues presque désertes (maudite mémoire qui me fait défaut. Voilà ce que c’est que de manquer de concentration !). Je me souviens qu’au retour, les ruelles étaient de nouveau encombrées. Avant de repartir, j’en profite pour m’arrêter à une petite boutique de souvenirs pour acheter une reproduction du Mont Saint Michel au fusain. Comme nous devons repartir, nous ne pouvons assister au repas fraternel et à la visite de l’abbaye qui doit lui faire suite. Tant pis, cela se ferait  une prochaine fois. Le cœur quand même léger, je me laisse bercer par le bruit du moteur, regardant sans regarder le paysage sur le chemin du retour.

Mont Saint-Michel

 

 

Gaudius en plein New-Age

Avant de m’affilier à l’Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix, je ne savais rien de ce mouvement de pensée: le Nouvel Age. Ce sont mes discussions avec les uns et les autres qui m’ont « ouvert » à ces nouveaux horizons. On admirait des peintures lumineuses, d’inspiration spiritualiste, on écoutait des textes d’une haute portée mystique  ou on méditait sur de la musique harmonieuse, douce, apaisante, une musique faite pour vous aider à vous relaxer et à vous régénérer.

 

Et puis il y avait les auteurs, les magazines, les livres, les conférences, bref, tout un bouillonnement culturel, toute une effervescence. Tout pétillait, tout brillait, tout enchantait, car nous abordions l’ère du Verseau, qui amènerait enfin cette paix et cette fraternité universelle dont nous rêvions tous, nous serions tous « initiés à nous-mêmes », nous allions voir les cieux s’entr’ouvrir, nous allions accéder à de hauts niveau de conscience, nous allions rencontrer des      Maîtres et bientôt, nous tutoierions les étoiles.

Mais pour cela, il fallait travailler sur soi même, il fallait lâcher prise, il fallait s’ouvrir à l’Amour divin, il fallait accueillir le Christ Cosmique en soi, il fallait oser et explorer ses possibilités infinies,  il fallait….Jamais on n’avait tant parlé d’effort, de travail, d’œuvre, tout en faisant comprendre dans le même temps que les choses se faisaient « d’elles-mêmes » et qu’il fallait rester en « accueil », « réceptif », « domestiquer son égo » (quand il ne s’agissait pas tout simplement de l’anéantir) car c’était lui qui était l’obstacle, le mauvais génie, l’ombre qui nous empêchait de voir la lumière.

Dans le petit groupe que je fréquentais, les discussions allaient bon train. Les enseignements rosicruciens y avaient leur plus grande part, bien sûr, mais on parlait aussi parfois jusqu’à des heures avancées des Avatars et des Maîtres, certains adoptant d’ailleurs une mentalité SPA ( « je c herche un maître »), de la Grande Loge Blanche, nous commentions les derniers exploits de cosmonautes de l’astral, nous parlions des hauts lieux, nous discutions chakras et kundalini, énergies, vibrations, nature, elfes et élémentaux, , cristaux, astrologie, tarots ou numérologie « karmiques » ou « initiatiques »  (le best, pas les superstitions pour le tout-venant).

Tout de même, ça me paraissait un peu compliqué et un peu fumeux, mais je suivais le groupe, en attendant de me faire une idée plus exacte de la chose. Ce n’est pas que je négligeais mes monographies mais voulant rester relativement ouvert, et convaincu avec et par d’autres que nous n’avions pas le monopole de la spiritualité, j’absorbais tout sans discernement. Croyant faire des pas de géant, je noircissais mes carnets de « révélations »,  d’ «inspirations », je me mettais à employer des termes pompeux et ampoulés, ne me rendant même pas compte que je ne faisais que répéter comme un perroquet ce que j’avais lu ou entendu ici ou là. C’est comme çà que fonctionne le New-Age : sans discernement de notre part ,on apprend à mettre le masque du spiritualiste alors que la démarche rosicrucienne nous apprend à nous révéler tels que nous sommes, mais ça, je l’ai compris bien plus tard.

Les choses faisant leur effet, j’ai vu petit à petit éclater le petit groupe es-New-Age que je suivais ; dans le même temps, je me prenais de monumentales baffes qui ont eu au moins pour mérite de me ramener sur terre et à plus de raison. Dans un premier temps, une immense colère vis-à-vis de ma crédulité, vis-à-vis aussi des autres, qui m’avaient trompé… Non, ils ne m’avaient pas trompé,  JE m’étais trompé tout seul comme un grand. Et puis, avec le temps, je me suis dit que ces personnes auront été d’une grande aide pour moi, ne serait-ce que pour avoir montré ce qu’il ne fallait surtout pas faire. Chacun est parti de son côté, chacun a choisi une autre route, je les ai vus s’éloigner, un peu triste quand même, mais décidé à respecter leur choix, j’ai accepté leur décision. Puissent-ils au moins avoir retrouvé un peu de bon sens, c’est tout le mal que je leur souhaite.

Méthodiquement, j’ai fait le tri dans mes lectures, j’ai jeté quelques livres inutiles, les cassettes sont au fond d’un tiroir, pas prêtes de ressurgir (je crois me souvenir que j’ai réenregistré par-dessus certaines) et je suis beaucoup plus dubitatif  vis-à-vis des belles déclarations , des « révélations cosmiques »ou des lectures faciles, celles qui vous font faire de beaux rêves et rien de plus.

 

Et pourtant, le New Age que j’ai connu n’avait rien de commun avec celui de maintenant. J’en ai eu la certitude quand on a commencé à parler des anges et de la kabbale. J’ai vu qu’il n’y avait alors plus d’espoir et que ces doctrines proposées ne pouvaient que séduire des rêveurs ou des esprits indolents.

J’ai tiré un trait, je suis passé à autre chose ou plutôt, j’ai abordé les choses avec plus de prudence, de circonspection même. Il m’arrive d’avoir la dent dure et d’être ironique, parce que je ne veux plus m’en laisser conter comme avant et les affirmations gratuites, ne reposant sur rien de tangible, mais au goût du jour, la façon d’énoncer des vérités spirituelles premières en hochant la tête comme des bigotes ont le don de m’exaspérer et parfois, je ne peux m’empêcher de me faire l’avocat du diable, rien que pour créer un choc salutaire chez l’interlocuteur.

Relative intolérance ? Peut-être. Sûrement, même.

Je ne sais rien de toutes ces révélations, de tous ces plans, de tous ces avatars, mais ce que je sais, c’est qu’un chemin spirituel n’est pas facile ET N’ A PAS A L’ETRE. La facilité, c’est la paresse, et on ne progresse pas en « laissant faire ». C’est notre propre travail qui nous forme, et pas de belles paroles. Au moins, au sein de l’AMORC, le travail ne manque pas et c’est tant mieux comme ça.

Gaudius

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Gaudius

 

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