A en croire certaines traditions, c’est lui le pelé, le galeux, l’ennemi intérieur qu’il faut anéantir. Imaginons donc, sur cette base-là, une conversation entre « gens biens » :
- « Eh bien mon cher, qu’est-ce qui vous arrive ? Vous en avez, une mine !
- Ah là là, ne m’en parlez pas, c’est mon égo qui fait des siennes !
- Mon pauvre ami !
- Oui, mon cher, et je ne sais pas quoi faire avec cette sale bête-là !
- Je vous comprends !
- Moi, j’ai trouvé une idée très simple pour m’en débarrasser.
- Ah bon ? Et lequel ?
- Connaissez-vous le docteur Shah-Krah ?
- Moi je le connais. Vous devriez essayer, mon cher.
- Et qu’est-ce qu’il a de si extraordinaire, ce docteur-là ?
- C’est simple : pour la modique somme de 3000 Euros, en un week-end, il vous aide à vous débarrasser de votre égo.
- Vous devriez essayer, mon cher. Moi je l’ai fait, et je ne m’en porte pas plus mal.
- Moi aussi.
- Et moi aussi !
- Pensez-vous ?
- Essayez donc, vous verrez. Et après, qu’est-ce qu’on se sent bien ! »
On pourrait broder à l’infini. A croire que ceux qui dénoncent à l’envi l’égo en sont dépourvus et prennent plaisir à le traquer chez les autres. Mais qu’est-ce que c’est, d’abord, que l’égo ?
En psychologie, l’égo, (du latin «je »), « désigne la part de la personnalité chargée d’équilibrer les différentes forces auxquelles est confronté le psychisme de l’individu. Ces forces incluent ses pulsions profondes, sa morale personnelle (comprise dans le surmoi) et la réalité du monde extérieur tel qu’il le perçoit ». (Source : http://www.psychologies.com/Dico-Psycho/Ego). Il s’agit en fait de notre Moi objectif, notre Moi extérieur, ce à quoi nous nous identifions dans la vie courante.
L’élaboration du moi se fait à partir de la naissance même, à partir du cerveau. Dès les premiers stimuli, les connections se mettent en place et le nourrisson fait le plein d’informations. (Pour plus d’information sur le développement du cerveau, je vous invite à consulter ce lien : http://louis.peye.over-blog.com/article-la-naissance-du-moi-chez-l-enfant-78108132.html)
Une étape importante dans le développement de l’être humain est ce qu’on appelle « le stade du miroir », vers le 8ème mois. Au départ, le nourrisson ne se distinguerait pas de sa mère et ne prendrait que progressivement conscience de lui-même. Placé face à un miroir, le petit enfant découvre d’abord que l’image qu’il a en face de lui est un leurre et non un être réel, puis, plus tard, il prend conscience que l’image de ce miroir est celle de son propre corps, d’autant plus que les parents participent activement à cette prise de conscience. Prenant conscience de lui-même, l’enfant prend aussi conscience des autres. Et de ce fait, il se voit comme distinct, autre, séparé. Ensuite, l’enfant devient autonome et s’affirme face au monde, puis il intègre les interdits familiaux, les modèles de comportement ; et, à l’âge de 6-7 ans, il atteint l’âge de raison.
Bref, le Moi est la partie la plus consciente de la personnalité, en contact à la fois avec les pulsions les plus profondes issues de l’inconscient et la réalité extérieure. Formé à partie d’identifications et de gratifications successives, il a un rôle de régulateur et de médiateur, il est chargé du maintien et de la cohésion de la personnalité. Une « élimination » du Moi, de l’égo mènerait, en toute logique, à la psychose, puisque les pulsions n’auraient plus de barrière et envahiraient la personnalité toute entière. Il faut donc considérer ce processus d’une autre façon.
Comme on l’a dit ; d’un point de vue rosicrucien, l’égo est le moi objectif, apparent, qui disparaît à notre mort. Formé par les expériences et par l’éducation, il maintient notre cohésion interne et veille donc à nos intérêts. Ce Moi externe est l’expression terrestre de notre « âme-personnalité », de notre Moi Divin, qui prend sa source dans l’Ame Universelle, tout comme les autres « âmes-personnalités ». D’un point de vue spirituel, tous les êtres humains ne font qu’un et sont tous reliés les uns aux autres. Le malheur est que, formé mais aussi déformé par l’éducation et les expériences, l’égo a tendance oublier sa source et ne s’occuper que de lui-même. Et que dire des injonctions qui ont été intégrées, comme « dans la vie, il y a les dominants et les dominés », « il ne faut compter que sur soi-même », « chacun chez soi », « de toute façon, c’est un(e) autre qui l’aura » ou encore «pourquoi lui (ou elle) et pas moi ? »… On pourrait broder à l’infini.
Ces injonctions sont d’autant plus puissantes qu’elles entrent souvent en conflit avec d’autres injonctions : « il faut savoir partager », « il ne faut pas être égoïste », « il faut tenir compte des autres », « il faut savoir s’ouvrir au monde », « il faut aimer son prochain »… mais si l’attitude est exactement l’inverse de ces grandes déclarations, alors l’humain en formation intègre en lui l’exemple et non les injonctions. Pourquoi ? Parce qu’une telle attitude est dictée par la méfiance, le repli, l’agressivité ; en un mot, la peur. Et malheureusement, c’est plus souvent la peur qui est transmise : peur de l’avenir, peur du regard de l’autre, peur de l’échec… De cela découlent les principaux comportements négatifs : orgueil, égoïsme, égocentrisme ; tout ce qui fait que l’être humain reste isolé des autres.
Dans le processus de purification de l’égo, il s’agit donc de prendre conscience de ces conceptions faussées, puis de rechercher l’unité, d’abord avec soi-même, puis avec autrui. Plutôt que de « tuer », « éliminer », il s’agit de transmuter ces défauts que constituent l’orgueil, l’égoïsme et la vanité en leur qualité opposée, et prendre conscience que loin de se mutiler et de se diminuer, l’homme peut participer à quelque chose de plus grand que lui. Parfois, lorsque nous nous intériorisons, nous pouvons sentir que « quelque chose » agit en nous, à travers nous et nous inspire. Nous sentons que nous ne sommes pas que ceci ou cela. Ce sentiment d’autre chose qui est en même temps nous-mêmes, est-ce qu’il ne provient pas de ce qu’il y a de plus élevé en nous ? Ce contact fugitif peut parfois être suffisant pour entamer une quête spirituelle.
Dans nos contacts avec les autres, il peut aussi nous arriver, heureusement, de faire preuve d’altruisme, de compassion et de générosité, et ce, sans calcul aucun, en toute spontanéité. La gratification intérieure que nous éprouvons, la fierté d’avoir agi pour le bien est la marque que, à ce moment-là, nous sommes en harmonie avec notre être intérieur et avec les autres. Nous sommes donc capables de dépasser nos conditionnements initiaux pour nous ouvrir à d’autres valeurs, plus universelles, et donc là aussi, commencer une démarche spirituelle.
Cette démarche, qu’on peut avoir commencée seul, par le questionnement intérieur, par la lecture d’ouvrages spiritualistes, ou du moins, humanistes, par une certaine frustration aussi d’être au bord de quelque chose sans savoir ce que c’est exactement, peut se concrétiser par les pratiques offertes par toutes les voies spirituelles authentiques. A titre d’exemple, ce n’est pas par hasard si l’Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix traite à la fois du divin et de l’humain, propose des thèmes de réflexion et une technique initiatique destinée à faire nous faire prendre conscience de notre dimension spirituelle. Dès le début de ses études, le rosicrucien a tous les outils nécessaires pour cela : les méditations, les réflexions, les expériences, les rituels, tout concourt à « desserrer l’étau » et, petit à petit, à donner à l’égo le rôle qui lui revient : devenir l’expression parfaite sur le plan terrestre de l’Ame Universelle. Non dilué dans les brumes d’une quelconque spiritualité évaporée, mais une lumière qui brille et qui se manifeste ici, sur le plan terrestre, et qui contribue à en allumer d’autres.

Gaudius
Ajout:
Serge Toussaint, Grand-Maître de l’AMORC, a mis en ligne le 25 avril 2014 sur son blog un article traitant de l’égo et il m’a semblé intéressant de vous le faire connaître en cliquant sur ce lien: