La gauche impotente
Posté par leblogdegaudius le 10 septembre 2014
Une semaine dure pour le gouvernement actuel, et qui révèle dans quel état se trouve la gauche « social-libérale », « social-démocrate », « responsable », « moderne » : mal en point.
L’ex-compagne du président (non, on ne peut pas lui attribuer le qualificatif de « première dame », parce qu’ils n’ont jamais été mariés) exhale ses souffrances et ses rancœurs dans un brûlot destiné à « montrer le vrai visage » de son ex. Voilà qui réjouira les lecteurs de la presse people et les responsables de l’opposition. Et qu’on pleurniche sur la « désacralisation de la fonction ». Mais qui c’est-y qui a commencé, hein ? Mais passons.
Un secrétaire d’état, Thomas THEVENOUD, oublie non seulement de payer ses impôts, mais aussi son loyer, alléguant d’une certaine « phobie ». Cela dit, il n’a pas menti, il n’a pas volé ! Non, le problème est ailleurs : il souffre d’un syndrome préoccupant : le CHÉPLUS. Cela affecte la mémoire immédiate et à long terme. Pourtant, je suis sûr que le petit Bernard a bien retenu l’exemple parental. Imaginons cette conversation entre son père et lui :
- « Dis, papa, qu’est-ce que tu fais ?
- Comme tu le vois, fiston. Je remplis ma déclaration de revenus.
- Pourquoi ?
- Parce qu’il faut payer des impôts.
- C’est quoi, des impôts ?
- C’est des sous qu’on donne à l’état.
- Et pourquoi on doit donner des sous à l’état ?
- Vois-tu, mon petit Thomas, ça sert à payer ta maitresse d’école, par exemple, ou les policiers, ou le docteur qui t’a soigné à l’hôpital, par exemple.
- Je n’aime pas l’hôpital, na !
- Je sais, fils, je sais.
- Mais… tu as déjà donné des sous à l’état, l’année passée !
- Oui, mais il faut recommencer.
- Et tu fais ça… tous les ans ?
- Oui, fils, tous les ans. »
Imaginons que le petit Thomas n’ait pas reposé la question, parce qu’il avait sûrement intégré cette notion. Un tel oubli ne peut être assurément que d’origine pathologique. Le CHÉPLUS a aussi une influence sur le comportement : il provoque des phobies incontrôlables, ici, une « phobie administrative ». J’imagine les réactions atterrées des électeurs de Saône et Loire : « Hé, maman, on a élu un malade ! ». Jérôme CAHUZAC souffrait-il de ce même mal ?
Comble de malchance, le gouvernement et le président sont de plus en plus impopulaires : on leur reproche leur absence de résultats, leur manque de fermeté, leur manque de vision à long terme… à la hauteur des attentes déçues. Mais cela fait des années que la « gauche moderne » déçoit régulièrement. Pour faire simple, on attends toujours d’elle qu’elle favorise la justice sociale, qu’elle impulse et guide les changements nécessaires au bon fonctionnement de la société, qu’elle reste branchée sur les plus hautes aspirations légitimes du peuple, qu’elle ait une vision à long terme et qu’elle sache mobiliser les énergies et les enthousiasmes.
Contrairement à la droite, symbole de stabilité qui peut vite dériver vers l’immobilisme, le contentement, la satisfaction repue, on veut que la gauche incarne le mouvement, le changement, l’imagination, voire le petit grain de folie nécessaire. C’est pourquoi une gauche « raisonnable » est une gauche malade, surtout depuis le tournant libéral de 1983. Le mal s’est aggravé en 1992 et on finit par se demander si la gauche « moderne » « social-démocrate », « social-libérale », est bien en état de gouverner une nation et si elle ne ferait pas mieux de renoncer à une tache au-dessus de ses forces étant donné qu’elle est incapable de s’opposer aux dérives de la finance, de traiter d’égal à égal avec ses partenaires, de parler d’une voix ferme à ses adversaires, de favoriser l’émergence de nouvelles idées, de préparer un avenir autre que celui de serf soumis à la férule des grandes banques. Les prédécesseurs, la droite libérale, « décomplexée » et « remusclée » avaient donné l’image désastreuse de l’arrogance et de la servilité face aux forces de l’argent. Naturellement, pouvait-on dire, d’où le divorce des centristes avec cette droite-là.
La gauche a déçu, et on n’attend pas grand-chose de la droite. Entre l’arrogance et l’impotence, quel choix autre que l’abstention ou les extrêmes ? L’abstention, autrement dit la résignation, et les extrêmes, sources de désordres et annonciateurs de situations pires encore (parce qu’après le désordre généré, un « ordre » dictatorial s’installe le plus souvent, pour ne pas dire toujours). Peut-être faudrait-il faire des piqûres de rappel à l’un et l’autre camp et leur remettre en mémoire la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la constitution d’avant 2007, et surtout leur demander pourquoi ils ont choisi la politique, autrement dit de se mettre au service de la nation. De la nation et non au service d’une autre, ou d’un groupe d’autre, ou d’une quelconque oligarchie.
Quel citoyen, quelle figure emblématique, quelle voix assez forte battra le rappel ? Sans doute, à titre individuel, existe-t-il des politiques de bonne volonté mais d’un point de vue collectif ? Qui donnera enfin des explications claires ? D’un côté, on affirme que la mondialisation, c’est bien et que le repli, c’est mal et de l’autre côté, qu’il faut reprendre ses billes et lutter contre la mondialisation. Pendant des années, on a dit que l’inflation, c’était mal, qu’on devait lutter contre elle et qu’il fallait de la rigueur, pour s’entendre dire maintenant que l’inflation aurait plus d’avantages qu’on ne pensait et que la rigueur, ce n’est pas bon. Pendant des années, on a demandé au citoyen de « se serrer la ceinture » pour favoriser l’essor et le développement des entreprises, les travailleurs ont consenti à des sacrifices en espérant contribuer à la redresse économique et ils ne voient toujours rien venir. Pourquoi toujours demander plus et encore plus s’il n’y a pas l’amorce d’une relance ?
On dit que malgré tout, notre nation possède de nombreux atouts et que nous aurions tort de nous plaindre. Des atouts, certes, mais alors lesquels ? Sur quoi faut-il tabler et que devons-nous abandonner ou changer ? Et surtout, quels projets, quel programme, quelle vision d’avenir ? Concrètement, quel sera le visage de la nation en 2050 ? Les politiques pourraient peut-être reprendre un langage plus clair et voir à long terme ? Chacune, chacun, aspire à manifester le meilleur d’elle-même ou de lui-même et espère être bien éclairé par ceux qui ont la charge des affaires de l’état. C’est quand la confiance et l’espoir sont trahis que tout peut devenir dangereux.
C’est surtout le manque de perspective qui plombe le moral de nos semblables : ne pas savoir où on se dirige fait présager du pire, et c’est comme ça que la confiance reste en berne. Sans clarté, sans confiance, sans vision d’avenir, les citoyens auront toujours l’impression d’être abusés soit par des arrogants, soit par des incompétents. Sans clarté, sans confiance, sans vision d’avenir, les citoyens finissent par voir le monde comme extrêmement dangereux, aspirent au repli, et finissent par se diviser entre eux. La cohésion n’existe plus, il n’y a plus que des adversaires ou des ennemis, parce qu’on ne voit plus l’intérêt de vivre ensemble et de se fréquenter. Dès lors, les politiques deviennent inutiles car de cité, il n’y en a plus, il n’y a plus que des grottes et des cavernes.
Tout le monde sent que « quelque chose » couve, qui attend de se manifester. Qu’en sortira-t-il ? Je repose donc la question : quelle femme ou quel homme, politique, écrivain, philosophe, penseur… est ou serait capable de dire leur fait aux arrogants et aux impotents ? Qui ou quel groupe est ou serait capable de dire clairement les choses et remobiliser les énergies et les bonnes volontés ? Le temps presse!
Gaudius
M.A.J. du 11/10/2014:
Jean-Pierre CHEVENEMENT, illustre mieux que je ne saurais dire comment « »L’action de la gauche a participé au désarroi français »
http://www.chevenement.fr/L-action-de-la-gauche-a-participe-au-desarroi-francais_a1653.html
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