Le jardinier du silence (ou le pourquoi du secret).
Posté par leblogdegaudius le 6 janvier 2013
Les réflexions qui ont nourri les miennes proviennent d’une « planche maçonnique » trouvée sur GADLU infos; « Les états du silence » (*) et de 2 articles de Jeanne GUESDON, « Le silence » et « le jardinier mystique »(**)
Vu de l’extérieur, les sociétés initiatiques semblent étranges, mystérieuses, et les curieux se demandent souvent « mais qu’est ce qui se passe là dedans ? ». D’aucuns diront que quand on n’a rien à se reprocher, on ne cache rien et si les membres gardent le secret sur leur organisation, c’est que c’est sûrement suspect, qu’on complote, qu’on conspire et qu’on trame, et chacun est à l’affût de la moindre fuite, du moindre article, de la moindre information « autorisée » censée révéler les « secrets » et les « mystères » de ces organisations « secrètes » , qui lèvera définitivement le voile sur ces fonctionnements cachés. Pour un peu, on demanderait que les cérémonies se passent en public, presque dans la rue, au vu et au su de tout le monde, comme un office religieux ou pire, comme un spectacle ou un divertissement.
C’est oublier un peu vite que ces organisations « secrètes » sont des associations privées, avec un fonctionnement et des statuts propres, qu’elles ne sont pas si « secrètes » puisqu’elles ont pignon sur rue et qu’il suffit de s’informer et de se renseigner, quitte à se lever de son siège et aller à la rencontre des uns et des autres.
Mais alors, pourquoi demander le secret à leurs membres si dans le même temps, on s’affiche en public ? En fait, ce qui est demandé dans les sociétés initiatiques, c’est de garder une certaine discrétion sur le mode de fonctionnement, sur les rituels, les symboles et les mots de passe, sur l’appartenance des uns et des autres, bref, de tout ce qui relève de la cuisine interne. Par contre, il n’est pas défendu de parler spiritualité ou philosophie et d’exposer les divers points de vue et opinions sur des sujets variés et qui peuvent éventuellement intéresser quelques chercheurs.
Ce n’est pas en vain qu’on demande aux initiables de garder le silence, car c’est s’adonner à une certaine discipline intérieure et celui ou celle qui est capable de tenir sa langue prouve qu’il ou elle est une personne de confiance, qui parle à bon escient, et qui ne se livrera pas à des commérages quelconques. Garder le silence, entrer dans le silence, même, c’est marquer une forme de respect envers le lieu dans lequel on va entrer, c’est se préparer, se mettre en ordre pour rentrer dans un autre espace, un espace « sacré », et un autre temps (quand ce n’est pas se situer hors du temps). Ce lieu, cet espace sacré, c’est le temple. Avant de pénétrer dans le temple, il faut donc se mettre en ordre, se préparer et on ne peut le faire que dans le silence.
Les « profanes » peuvent-ils entrer comme ils le désirent dans le temple, « pour voir » ? C’est possible dans certaines conditions, lors de cérémonies ouvertes et sous la garde vigilante des gardiens afin qu’aucun impair ne se commette. D’ailleurs, instinctivement, beaucoup manifestent un certain respect pour les lieux et si les rituels leur sont encore étrangers, ils en bénéficient tout de même.
La seule clé qui peut donner accès au temple est le désir et la sincérité, et une longue recherche mue par un réel intérêt, une aspiration authentique, comme si le fait de ne pas trouver le but nous rendait incomplet et insatisfait. C’est cette quête, venue du plus profond de notre être, qui nous donne accès aux portails du temple et il nous suffit de frapper et de demander notre admission pour que nous soyons admis à franchir le seuil. A ce sujet, on sépare le « sacré » du «profane » et cette dernière appellation s’applique à tous ceux qui ne sont pas « initiés ». Je verrais plutôt la chose autrement : il y a des indiscrets, des curieux et des « profanes », c’est-à-dire ceux qui se tiennent devant le «fanum » (le terrain consacré). Pour ces derniers, s’ils se tiennent devant le fanum, c’est qu’ils en connaissent l’existence et qu’ils ont déjà un aperçu, qu’ils ont déjà fait quelques recherches et qu’il ne leur manque que de frapper aux portes. Puis il y a les curieux, qui passent devant, qui savent bien que ça existe, mais que finalement, ce n’est pas leur tasse de thé même s’ils admettent que d’autres y entrent. Puis il y a les indiscrets, qui collent leur œil au trou de la serrure et leur oreille contre la porte, mais qui prennent le large si on les invite simplement à entrer.
Pour en revenir au sujet du secret et du silence, on ne saisit pas tout de suite l’intérêt de cette discipline, pourtant, elle est nécessaire. Lorsqu’on s’astreint ou qu’on est astreint au silence, on finit par s’intérioriser, et donc, par écouter la voix de notre conscience, notre propre maître intérieur, ainsi qu’à écouter les autres, même leurs silences. C’est donc une étape nécessaire et fondamentale pour développer notre intuition. Ensuite, garder le secret sur les cérémonies et les symboles, c’est leur permettre de faire leur œuvre en nous et de nourrir notre être intérieur, c’est garder nos forces et permettre un certain processus de maturation. C’est permettre que les graines qui sont semées en nous s’enfoncent dans le sol, germent lentement, et arrivent à maturité. Disserter sur ces sujets avec ceux qui ne sont pas concernés, c’est stériliser notre propre terre et celle des autres, c’est jeter les semences aux vautours et c’est casser les outils qui doivent permettre de cultiver notre propre jardin, laissant de ce fait croître les ronces là où on voulait faire pousser de belles plantes.
En revanche, il n’est pas interdit de partager les fruits de notre travail avec qui le veut sincèrement. Secret donc sur les semences, sur les outils, sur la méthode de travail, mais partage de la récolte, en premier lieu avec nos frères et sœurs, bien sûr, puis avec nos amis et nos connaissances, l’un n’est pas antinomique de l’autre. Pas de cachoterie, mais une discrétion de bon aloi, qui laisse l’espace libre, qui n’encombre pas son monde, et qui respecte l’autre (rien n’est plus fatigant qu’un être trop zélé qui, parce qu’il a trouvé ce qui lui correspond, se croit obligé de parler sans discernement de sa découverte et de convertir des gens parfaitement indifférents à ce sujet). Et par la capacité d’écoute que l’initié a pu développer, il est à même d’aider son prochain par des paroles prononcées au bon moment, par une discussion sereine et dépassionnée ou par des actes significatifs.
Vous remarquerez les nombreuses métaphores jardinières employées dans ce message, mais c’est justement qu’on attribue au jardinier des vertus telles que la patience et la persévérance. Or, ces vertus ne peuvent s’épanouir que si nous respectons un certain silence, une certaine qualité de silence, qui n’est pas mutisme, mais plénitude.
(*):http://tolerance-fraternite.net/travaux_individuels/etatsdusilence.pdf
(**): http://fr.calameo.com/read/0003289659cf464e34f55
Gaudius
De toute évidence, c’est l’article qui a le plus de succès (à peu près 30% des visites). Chers visiteurs, en quoi vous « interpelle-t-il au niveau du vécu »?
Il est vrai que cet article est très intéressant.
Merci, chère Françoise de l’avoir lu. Cela dit, il y a aussi d’autres articles que j’ai favorisés, et c’est un point de vue personnel. J’espère que mes autres contributions plairont tout autant.